Mine de rien, le discours du directeur national de la santé publique du Québec, Horacio Arruda, évolue sur le port du masque, même artisanal, par des citoyens ne présentant pas de symptômes de la COVID-19.
Ces derniers jours, M. Arruda a soufflé un peu plus de chaud sur cette idée, mais encore pas mal de froid — après avoir jusque-là, comme la plupart de ses pairs en Occident, tout fait pour décourager le plus possible la population de porter un masque de manière préventive.
Depuis le début de la crise sanitaire, le message était même très clair : on risquait de se contaminer à vouloir porter un masque parce qu'on le manipulerait avec nos mains.
Parallèlement, depuis quelque temps, de plus en plus de voix se sont fait entendre dans le corps médical et chez les autorités des pays occidentaux pour dire qu’un masque porté par un individu en santé n’est peut-être pas aussi inutile qu’on le disait, qu’il pouvait constituer une barrière de protection supplémentaire. Pour autant — c’est aussi essentiel qu’incontournable — que tous comprennent qu’il ne peut pas et ne pourrait aucunement remplacer les mesures de prévention-protection visant à freiner la propagation du virus, soit de rester chez soi, de respecter les distances physiques prescrites entre les individus (si l’on doit sortir) et de se laver les mains régulièrement.
On ne parle pas ici nécessairement des masques médicaux de protection, qui doivent et devront aller en toute priorité au personnel soignant. Mais de ceux en tissu qu’il est possible de confectionner chez soi, voire d’un foulard. On parle des masques «faits maison»; des masques «alternatifs» aux masques médicaux. Autrement dit, de tout ce qui pourrait réduire la transmission du virus par voie aérienne en se couvrant les voies respiratoires.
Ce ne serait pas l’idée du «mieux que rien». Ce serait l’idée du «mieux que pas».
La mise à l’index du port du masque préventif dans nos pays a consterné bien des Asiatiques depuis le début de cette crise sanitaire (et économique et sociale et humaine). Dans les grands aéroports du monde, il y a quelque temps, le contraste était flagrant entre les voyageurs provenant de ces deux univers.
Samedi, Horacio Arruda a fait évoluer son discours un peu plus que les jours précédents. Il y avait une ouverture : «On verra ce que les experts nous recommanderont. On va suivre ça de très, très près et si ça va être ajouté pour les gens asymptomatiques. Mais il ne faut pas avoir l’impression que le masque va nous protéger à tout prix.»
Voilà le problème des autorités sanitaires et de M. Arruda : la sécurité sanitaire ne doit souffrir d’aucun relâchement sur l’essentiel.
Il ne faudrait pas créer un faux sentiment de sécurité avec ces bouts de tissu.
Dans tous les cas, ces masques artisanaux ne pourront être qu’une mesure complémentaire. C’est ce que martèlerait M. Arruda s’il devait officiellement faire évoluer la position québécoise sur le sujet.
Si ce devait être le cas, et compte tenu de sa popularité et de sa crédibilité au Québec, ce qui suit ne se produirait heureusement probablement pas ici. Le changement de cap des autorités sanitaires ailleurs dans le monde charrie avec lui des tombereaux de commentaires selon lesquels c’est uniquement en raison de la pénurie de masques médicaux de protection qu’elles ont découragé les individus de recourir à des moyens du genre s’ils ne sont pas eux-mêmes malades. Il fallait empêcher les gens de se ruer vers ces produits. C’est un élément de plus dans le procès d’impréparation auquel font face de nombreux gouvernements ailleurs dans le monde.
C’est un peu court et c’est ce sur quoi je voulais insister : c’est oublier que ces autorités en ont appris chaque jour un peu plus sur la propagation de cette maladie et sur les façons d’y faire face le mieux possible — et qu’elles continuent d’en apprendre tous les jours. Les procès de salon sont toujours désespérants.
À ce stade-ci, on peut penser, au regard de ce qui se passe aux États-Unis et en Europe, que les instances compétentes québécoises et canadiennes recommanderont bientôt le port de masques même artisanaux (ou qu’elles ne le décourageront plus). Ce qui pourrait être utile lorsque l’on commencera à lever, par zone géographique et par secteur d’activité, les restrictions mises en place pour stopper la propagation.
À condition, bien entendu, que les consignes portant sur le respect des distances physiques entre les individus et le lavage régulier des mains soient toujours suivies en toute priorité.
L’essentiel d’abord.