L'Église bolivienne courtise l'armée et la police

Tribune libre

De toute ma vie (69 ans), c’est la première fois que je vois une opération comme celle que vient de réaliser l’Église catholique de Bolivie. À moins de deux mois d’une élection générale que les oligarchies traditionnelles ont essayé et essaient toujours par tous les moyens de faire échouer, ELLE procède à la première communion et à la confirmation de plus de 2000 militaires et policiers.

C’est lors d’une célébration solennelle au Colisée Cerrado de la Paz où sont réunis, en ce 23 octobre 2009, au moins deux mille personnes, recrues, élèves et cadets des instituts militaires et policiers, qu’elle procède à leur première communion et à leur confirmation, pour la paix et l’unité nationale. La messe a été présidée par l’évêque des armées, Mgr Gonzalo Pérez del Castillo, qui fut accompagné pour la circonstance par le Nonce apostolique du Vatican, Mgr Giambatista Diquattro et une vingtaine de prêtres, aumôniers de la Police et de diverses paroisses.

À l’agence de presse bolivienne ABI, le nonce apostolique a voulu exprimer l’attachement, l’affection et la bénédiction sans restriction de sa sainteté le Pape Benoît XVI à la famille militaire et policière qui marche unie pour construire les valeurs de foi et de paix. Il a exprimé sa satisfaction d’avoir participé à cette célébration et à fait valoir que lors de sa prochaine audience avec sa Sainteté il lui transmettra les sentiments d’unité qui NOURRISSENT la famille militaire et policière qui sont désormais des missionnaires du Christ.
Dans son homélie, l’officiant principal, Mgr Castillo, a demandé au gouvernement, aux forces armées et aux forces policières d’assurer la paix et de travailler pour l’unité nationale. Il n’y a pas eu un mot pour les forces oligarchiques qui contrôlent une grande partie des terres les plus riches de la Bolivie, celles-là mêmes qui ont fait des tentatives de sécession du territoire bolivien pour le soustraire aux réformes constitutionnelles mises de l’avant par le président Évo Morales. Ce sont d’ailleurs eux qui avaient financé des groupes terroristes dont la mission, au printemps dernier, était de créer le chao pour déstabiliser le pays et réaliser ainsi la chute du gouvernement. Heureusement, ils ont été découverts et arrêtés. Pas un mot, non plus sur les impératifs de justice qui inspirent l’actuel gouvernement et l’importance pour les forces armées et policières de répondre aux commandements des autorités légitimement élues dans le cadre de la présente constitution, votée en décembre dernier par une très grande majorité de boliviens et boliviennes.
Cette initiative est d’autant plus symbolique que la présence des USA n’est plus ce qu’elle était depuis le renvoi de leur ambassadeur interventionniste et de plusieurs de leurs représentants œuvrant dans des organismes soit disant de développement. Leur influence sur les forces armées et policières sur lesquelles ils exerçaient un ascendant déterminant n’est plus ce qu’elle était. Le gouvernement, conscient de cette influence, a amorcé des réformes au sein de ces deux forces institutionnelles pour qu’elles soient au service inconditionnel du peuple et non l’inverse.
On sait que les autorités épiscopales ont été et continuent d’être des alliées de premier plan des oligarchies et des politiques interventionnistes des États-Unis. L’Opus Dei, organisme qui répond directement au Pape de ses activités, en mène large dans cette région du monde. Nous savons qu’il est bien présent dans le coup d’État militaire au Honduras et qu’il s’agite beaucoup au Venezuela et en Équateur contre les présidents élus. Ce n’est pas d’hier, il suffit de se rappeler ses liens étroits avec Pinochet et ses collaborateurs.
Je voudrais croire que cette intervention, à moins de deux mois des élections, ne présage pas un coup monté visant à neutraliser l’action des forces armées en soutien aux politiques de l’actuel gouvernement. Disons que le passé des épiscopats est peu garant de l’avenir dans cette région du monde. Leur influence par la voie de la conscience ne doit pas être considérée à la légère.
Les « Oscar Romero », cet évêque du Salvador assassiné, allons donc savoir si ce n’est pas par un « soldat du Christ », se font plutôt rares dans cette Amérique dont les véritables témoins de la foi sont plutôt dans les rues pour réclamer Justice, Vérité et Paix à l’encontre bien souvent des militaires qui leur tirent dessus.Je ne sais pas si au Honduras les forces militaires et policières agissent conformément à leur statut de missionnaires du Christ. Cependant ce que je sais, c'est que l'épiscopat se fait bien silencieux devant les crimes commis.
Oscar Fortin
Québec, le 24 octobre 2009
http://humanisme.blogspot.com

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citoyen du Québec et du monde

Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2009

    Un article fort intéressant sur le cardinal du Honduras....
    http://www.golias.fr/spip.php?article3147#ForumsFirefoxHTML\Shell\Open\Command
    Je pense que tout croyant ne peut plus être complice d'une telle mascarade qui n'a rien à voir avec la foi. Il est important de ne pas confondre l'un et l'autre.

  • Raymond Poulin Répondre

    24 octobre 2009

    Cela vous étonne? Il m’a semblé que l’Église sud-américaine suivait exactement le même chemin que l’Église européenne mais de manière encore plus visible : le copinage du sabre et du goupillon, du Trône et de l’Autel. Les prêtres qui ont accompagné leurs fidèles et le peuple en général dans son exigence de justice et d’humanité l’ont fait à leurs risques et périls, en rupture ouverte ou discrète avec le haut-clergé, à l’exception de trois ou quatre évêques, dont Mgr Romero et Mgr Camarra. L’Église nors-américaine, y compris québécoise, n’a pas échappé à ce sort non plus jusqu’à très récemment, et encore aujourd’hui quant à la plupart des évêques. Comme tous les corps constitués, l’Église, depuis qu’elle en est devenue un sous l’Empire romain, n’a pas dérogé à la nature de toutes les autorités lorsqu’elles se transforment en pouvoirs officiels : se tenir le plus possible du côté du manche. Nous avons le tort de confondre la spiritualité et les Églises, quelles qu’elles soient : elles ont très peu à voir avec le Dieu dont elles se réclament. Les prostituées de Babylone, ce n’est pas une expression vaine.
    Pour le moment, l’Église du Honduras ressemble au portrait qu’on trouve dans ce poème de Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859), écrit après une fusillade de canuts faisant grève, vers 1835.
    DANS LA RUE (Pauvres Fleurs)
    Par un jour funèbre de Lyon
    Nous n'avons plus d'argent pour enterrer nos morts./
    Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles;/
    Et les corps étendus, troués par les mitrailles,/
    Attendent un linceul, une croix, un remords./
    Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe./
    Où va-t-il? Au Trésor, toucher le prix du sang./
    Il en a bien versé… mais sa main n'est pas lasse;/
    Elle a, sans le combattre, égorgé le passant./
    Dieu l'a vu. Dieu cueillait comme des fleurs froissées/
    Les femmes, les enfants qui s'envolaient aux cieux./
    Les hommes… les voilà dans le sang jusqu'aux yeux./
    L'air n'a pu balayer tant d'âmes courroucées./
    Elles ne veulent pas quitter leurs membres morts./
    Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles;/
    Et les corps étendus, troués par les mitrailles,/
    Attendent un linceul, une croix, un remords./
    Les vivants n'osent plus se hasarder à vivre./
    Sentinelle soldée, au milieu du chemin,/
    La mort est un soldat qui vise et qui délivre/
    Le témoin révolté qui parlerait demain…/
    Prenons nos rubans noirs, pleurons toutes nos larmes;/
    On nous a défendu d'emporter nos meurtris./
    Ils n'ont fait qu'un monceau de leurs pâles débris:/
    Dieu! Bénissez-les tous; ils étaient tous sans armes!

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2009

    L'histoire se répète. Après la conquête anglaise, qui avait la mainmise sur le peuple? Le haut clergé du Québec a toujours fonctionné la main dans la main avec le pouvoir Anglais, de cette manière ils gardaient leur prérogatives et leurs privilèges. L'histoire se répète simplement. À cause justement de cette emprise du clergé sur le peuple, nous les Québécois, sommes restés humbles et sans ambition. C,est là notre difficulté, c'est dans notre inconscient collectif. C'est de ça qu'il faut se débarrasser.
    Ivan Parent

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2009

    Je voudrais ajouter un lien qui m'a échappé en relation avec l'OPUS DEI
    http://humanisme.blogspot.com/2005/02/opus-dei.html

  • Archives de Vigile Répondre

    24 octobre 2009

    Oui, l'Opus Dei contrôle de plus en plus les Conférences épiscopales à travers l'Amérique Latine. Les cardinaux comme les évêques se contentent d'être de fidèles courroies de transmission des doctrines vaticanes de Benoit XVI. Face aux pouvoirs politiques, les évêques ne veulent pas perdre leur sécurité et leurs privilèges. Vive la paix et l'ordre injuste établi!Ou ils sont de grands hypocrites se fermant les yeux ou ils sont de petits roitelets à la solde des gouvernements et des militaires. Ils sont loin des solidarités évangéliques de Jésus en faveur des humbles et des pauvres. Où sont les Helder Camara et les Oscar Romero, nos libérateur?
    Marius Morin
    mariusmorin@sympatico.ca