En janvier 2006, le premier ministre Charest avait salué avec enthousiasme l'élection du gouvernement Harper. À l'entendre, son «fédéralisme d'ouverture» offrait une occasion historique de redéfinir la relation entre le Québec et le reste du Canada sur de nouvelles bases.
Il faut reconnaître que, depuis deux ans, le climat des relations Québec-Ottawa a été plus serein. MM. Charest et Harper n'ont jamais atteint le degré de complicité qui existait entre Robert Bourassa et Brian Mulroney, mais quelle différence avec l'époque de Jean Chrétien! Même si certains espoirs ont été déçus, le ton des discussions a été nettement moins acrimonieux.
Il est clair que la récente agressivité manifestée par M. Charest n'est pas dénuée de considérations électorales, mais il y a aussi que le «fédéralisme d'ouverture» semble avoir atteint ses limites. Au contraire, les projets de M. Harper pour son prochain mandat sont nettement inquiétants pour le Québec.
Les quelques concessions faites au Québec, comme la reconnaissance de la nation québécoise «au sein du Canada» ou l'intégration d'un fonctionnaire québécoise à la délégation canadienne à l'UNESCO, ne sont pas négligeables, mais elles n'ont strictement rien changé au statut, ni au rapport de force du Québec au sein de la fédération. Pas plus que la hausse des transferts fédéraux n'a changé quoi que ce soit au caractère structurel du déséquilibre fiscal.
À l'opposé, la réforme du Sénat envisagée par M. Harper et la nouvelle distribution des députés à la Chambre des communes au profit de l'Ontario et de l'Ouest diminueraient sensiblement le poids politique du Québec. La création d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne aurait également pour effet de diminuer ses pouvoirs.
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Il est vrai qu'à l'époque où il était lui-même chef du Parti conservateur et qu'il présentait son «Plan pour le Canada du XXIe siècle», M. Charest défendait des positions passablement différentes, voire opposées à celles qu'il défend aujourd'hui. D'ailleurs, même après avoir succédé à Daniel Johnson comme chef du PLQ, il a continué pendant plusieurs années à voir les choses d'un point de vue fédéral.
Après avoir dénoncé pendant des années son aplatventrisme devant Ottawa, il est néanmoins étonnant d'entendre aujourd'hui Mario Dumont lui reprocher de nuire aux intérêts du Québec parce qu'il critique trop sévèrement le gouvernement Harper. Même si M. Charest le fait simplement par opportunisme politique, cela n'enlève rien à la pertinence de ses propos.
M. Harper est certainement agacé par les attaques qui viennent presque quotidiennement de Québec depuis le début de la campagne, mais ce n'est tout de même pas la faute du gouvernement Charest s'il a pris la décision idiote de réduire l'aide aux artistes à la veille d'une campagne électorale?
M. Dumont laisse-t-il entendre que M. Charest aurait dû se taire et contribuer de ce fait à l'élection d'un gouvernement dont le programme est contraire à ce qu'il estime être dans l'intérêt du Québec? Au fait, y a-t-il une ou plusieurs des demandes qu'il a adressées aux partis fédéraux, toutes appuyées par le Bloc québécois, avec lesquelles M. Dumont n'est pas d'accord?
M. Charest n'a pas tort: il y a quelque chose de pathétique dans la façon dont le chef de l'ADQ se débat ces jours-ci pour sauver son parti du naufrage. Il nuit à sa propre cause en tenant des propos aussi saugrenus. Cet homme qui rêve de remplacer M. Charest semble avoir une conception bien singulière de la fonction de premier ministre. L'habit est peut-être simplement trop grand pour lui.
D'ailleurs, il y a fort à parier que M. Harper jugerait les revendications d'un gouvernement adéquiste encore moins acceptables que celles de M. Charest. Jusqu'à nouvel ordre, le programme adéquiste exige une réouverture de la Constitution et le rapatriement d'une série de pouvoirs, sans parler de la création d'une citoyenneté québécoise.
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Il est vrai que d'une élection à l'autre, les positions de M. Dumont peuvent changer considérablement. En 2002, il avait déclaré que la question constitutionnelle avait disparu de son écran radar. Qu'en sera-t-il la prochaine fois?
Il est bien possible que M. Charest n'ait pas renoncé à devenir un jour premier ministre du Canada, mais de là à dire qu'il souhaite l'élection d'un autre gouvernement conservateur minoritaire parce que cela servirait mieux ses intérêts, il y a un pas que le sens du ridicule aurait dû inciter M. Dumont à ne pas franchir.
Le chef de l'ADQ a raison sur un point: il y a de fortes chances que la représentation du Québec au sein du prochain cabinet fédéral soit encore plus faible que l'actuelle, si la chose est possible. L'appui de dernière minute du ministre du Développement économique, Raymond Bachand, n'empêchera sans doute pas Michael Fortier de mordre la poussière dans Vaudreuil-Soulanges. Évidemment, il restera toujours Maxime Bernier...
Honnêtement, cela fera-t-il une si grande différence? Qu'a fait la ministre du Patrimoine canadien, Josée Verner, pour s'opposer aux compressions dans l'aide aux artistes? Grâce à son collègue Jean-Pierre Blackburn, les organismes de développement économique ont perdu leurs subventions. De toute manière, s'il y a une chose que M. Harper a démontrée durant son premier mandat, c'est bien le peu de cas qu'il fait de ses ministres. Le seul dont l'opinion compte autour de la table, c'est lui.
La réforme du Sénat fait partie de ses projets depuis longtemps, et il n'en démordra pas. Le meilleur moyen de l'empêcher d'y donner suite n'est pas de faire en sorte qu'il y ait plus de figurants québécois dans un gouvernement conservateur majoritaire, mais plutôt de s'assurer qu'il demeure minoritaire à la Chambre des communes. Le pire est que M. Dumont le sait très bien.
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