L'historien Yves Tremblay a parfaitement raison et je le félicite

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009

[L'historien Yves Tremblay a parfaitement raison->21567] et je le félicite pour le courage dont il fait preuve, en s'attaquant à l'étrange aréopage d'activistes politico-culturels et de politiciens démagogues qui ont torpillé la reconstitution de la bataille des Plaines d'Abraham, essentiellement par opportunisme politique, afin de créer une crise qui embarrasserait le gouvernement fédéral et envenimerait les relations entre le Québec et le reste du Canada.
Je souhaite vivement - sans toutefois me faire trop d'illusions - que d'autres historiens, intellectuels et personnalités du Québec adoptent une attitude semblable à celle d'Yves Tremblay, afin que nous puissions nous défaire de cette tyrannie de la minorité, que nous impose un pourcentage minuscule de la population (probablement inférieur à 5 à 10 % de la population). Cette minorité, composée essentiellement de nationalistes et d'activistes intransigeants, s'acharne à chambarder continuellement notre vie civique et les activités de commémoration qui leur déplaisent, comme nous avons pu le constater lors du 400e anniversaire de la ville de Québec. Jusqu'à un certain point, cette minorité a même réussi à s'approprier à toutes fins utiles cette fête du 24 juin qui devrait être la fête nationale de tous les Québécois (mais cela, c'est une autre histoire...).
Dans le cas de la reconstitution de la bataille, nous avons été privés d'un événement pédagogique de grande valeur, au moins pour certains d'entre nous. Ces événements sont communs aux États-Unis et ailleurs dans le monde, et ils y suscitent un grand engouement, tant chez les spécialistes que chez les gens ordinaires. Non, l'intérêt pour ces événements ne se limite pas qu'aux fanatiques des armes, car ils permettent de mieux comprendre toutes sortes de facettes de la vie des gens qui nous ont précédé (conditions de vie, alimentation, moyens de transport dans les colonies, aspects politiques, etc.).
Et si de telles reconstitutions nous permettent de mieux comprendre les guerres et les conflits, tant mieux! Avec l'information que nous fournissent les média, je pense que notre population peut se rendre compte que la guerre, dans l'histoire de l'humanité, ça n'est pas un phénomène exceptionnel ou marginal. Alors, si c'est le cas, prenons la peine de comprendre ce phénomène, comme le font nos voisins américains et nos concitoyens canadiens-anglais.
De toute façon, contrairement à ce que nous répètent ces nouveaux clercs qui proclament, que « nous, les Québécois, nous avons toujours été pacifiques », la réalité, c'est que nous avons nous aussi un passé et un riche patrimoine militaires, même si l'Histoire n'a pas fait de nous un peuple de belligérants ou de conquérants.
Ceux de nos ancêtres qui ont fait partie des milices de Canadiens qui faisaient équipe avec des guerriers amérindiens ont été des guerriers féroces et craints par les ennemis des colonies anglaises. Sous le régime britannique (qui ne s'est pas limité qu'aux troubles de 1837-1838, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire...), certains de nos ancêtres ont encore pris les armes pour défendre notre territoire lors de la Guerre d'indépendance américaine et lors de la guerre de 1812-1815.
D'autres Canadiens français ont pris les armes pour aller mater les rébellions des Métis de l'Ouest canadien en 1870 et 1885, et certains participèrent même à une expédition militaire au Soudan, en 1885! Oui, il y a eu une crise de la conscription en 1917, mais la raison n'en était pas un pacifisme invétéré, mais bien plutôt différentes conceptions du nationalisme canadien et les droits scolaires des francophones hors du Québec. Cette crise n'a pas empêché un bon nombre de Canadiens français de prendre part à la guerre, en particulier dans le bataillon qui devait donner naissance au célèbre Royal 22e Régiment.
Lors de la Deuxième Guerre mondiale, même s'il y a eu aussi une crise de la conscription, entre 50 000 et 90 000 Canadiens français se sont portés volontaires au Canada, dans un contexte où l'adaptation à la vie militaire n'était pas toujours facile culturellement. Cet engagement a permis à plusieurs d'entre eux de s'illustrer dans une guerre éminemment juste. Pourtant, qui de nos jours, chez les jeunes Québécois, connaît les Allard, Triquet, Dextraze, DeNiverville, Brodeur?
L'historien franco-américain Armand Chartier a écrit que chez nos cousins franco-américains de la Nouvelle-Angleterre, plus de 100 000 citoyens ont servi sous les drapeaux pendant la Deuxième Guerre mondiale. Comment se fait-il, que dans notre société post-Révolution tranquille où les historiens sont nombreux et où les moyens pour la recherche sont considérables, à peu près personne chez nous ne connaisse René Arthur Gagnon, qui a participé à l'assaut du mon Suribachi, à Iwo Jima, en 1945? Ou Jean (John) Garand, né à Saint-Rémi, un outilleur-machiniste qui a inventé le fusil M-1, qui a donné un avantage décisif aux soldats américains? Ou encore le colonel (plus tard général) Arthur Trudeau, né près de Middlebury au Vermont, qui a contribué au développement des véhicules amphibies qui ont servi lors de la campagne du Pacifique et dont certains rapports qu'il a rédigé comme officier supérieur ont contribué à l'intégration progressive des soldats noirs dans l'armée américaine? Ou encore à ces jeunes soldats bilingues de la Nouvelle-Angleterre qui firent partie des commandos Jedburgh parachutés en France afin de préparer le débarquement du 6 juin en Normandie? Ou encore à un Franco-Américain de Lowell, Massachusetts, du nom de Normand Brissette, qui était prisonnier de guerre à Hiroshima lorsque la première bombe atomique y fut larguée. Et je pourrais étendre considérablement cette liste de questions...
Une des conséquences de ce manque d'intérêt pour l'histoire militaire, c'est que nous avons des intellectuels et des preneurs de décision qui sont des cancres dans ce domaine. La semaine dernière, une jeune journaliste du journal Le Soleil, qui a écrit un article sur nos deux derniers soldats décédés, n'a même pas pu faire la différence entre le grade de colonel et celui de caporal (dans l'article, le colonel est devenu un caporal, ce qui n'a pas dû lui faire plaisir et ce qui a dû faire sourire ses subalternes...). Ce type d'erreur ne cesse de se répéter dans nos médias. L'exemple que j'ai donné ici est quelque peu banal, mais est-ce que quelqu'un peut imaginer un instant quel est le résultat de cette inculture, de ce manque de connaissances des choses militaires, chez nos politiciens, ceux-là même qui ont la responsabilité de décider si nos jeunes vont aller risquer leur vie en Afghanistan, en ex-Yougoslavie, au Timor oriental, etc.? Ou encore de décider quel type d'équipement nous devons acheter pour mieux les protéger et s'assurer qu'ils soient vainqueurs au combat? Désolé si ça surprend certains lecteurs, mais moi, si nos jeunes doivent aller en zone de conflit et se battre, je préfère qu'ils en ressortent vainqueurs... et vivants.
Avant de terminer ce commentaire, j'aimerais établir un lien entre ce manque d'intérêt pour l'histoire militaire, que je décrie, et le fameux et controversé événement Le Moulin à paroles. Jeudi midi, l'historien Éric Bédard affirmait à Pierre Maisonneuve, sur les ondes de la radio de Radio-Canada, que le bombardement de Québec et le sac de la Côte-du-Sud par les soldats de Wolfe en 1759, c'était en quelque sorte quelque chose de tout à fait nouveau dans l'art de la guerre... Je suis bien conscient que Monsieur Bédard est associé à ces activistes nationalistes qui veulent convaincre les Québécois qu'ils ont toujours été les victimes des Anglais, et que ces derniers ont été particulièrement impitoyables lors de la Guerre de Sept Ans...
Pourtant, Monsieur Bédard est détenteur d'un doctorat, titre qui devrait normalement requérir et refléter une certaine rigueur intellectuelle... Par conséquent, je suis quelque peu surpris qu'il ait porté son jugement sur Wolfe et son armée sans tenir compte, par exemple, des ravages terribles que l'armée française a fait subir à la région allemande du Palatinat et à ses habitants, en 1674 et en 1689. Ces deux événements sont respectivement connus sous le nom de «ravage du Palatinat» (1674) et de «sac du Palatinat» (1689), et j'invite les lecteurs à faire une recherche Google avec ces mots clés... Monsieur Bédard aurait aussi pu considérer le fait que, lorsque les Français ont rencontré de la résistance de la part des Indiens Natchez du bas-Mississippi au 18e siècle (vers 1730), ils ont été plutôt impitoyables avec eux. Il aurait pu considérer les effets psychologiques des nombreux raids franco-indiens sur les habitants des colonies anglaises, aux 17e et 18e siècles. Ou encore le fait qu'après la capitulation formelle de soldats anglais à Oswego (1756) et au fort William Henry (1757), le marquis de Montcalm n'a pas pu ou pas su contrôler ses alliés amérindiens, qui ont massacré à qui mieux mieux des prisonniers de guerre et des civils anglais désarmés, malades ou vulnérables.
Mais évidemment, si l'on tenait compte de ces faits historiques incontestables, cela risquerait de nuire à la thèse voulant que les Québécois ont été continuellement agressés et brimés par les Anglais, thèse qui est sans doute très chère à Monsieur Bédard et à ses petits amis du Moulin à paroles...
Pour terminer, j'aimerais recommander aux lecteurs de bonne volonté et ouverts d'esprit la lecture d'articles récents publiés dans des journaux canadiens-anglais, qui donnent un point de vue original (différent de ce que l'on entend habituellement au Québec) sur la bataille des Plaines d'Abraham et la Guerre de Sept Ans :
- Desmond Morton, «[ Quebec, 1759: Who's missing from the script?»->21742], Toronto Star, 11 septembre 2009. Lien : http://www.thestar.com/comment/article/693961
- Peter Shawn Taylor, [«The French were never going to win North America»->21779], National Post, 11 septembre 2009. Lien : http://network.nationalpost.com/np/blogs/fullcomment/archive/2009/09/11/peter-shawn-taylor-the-french-were-never-going-to-win-north-america.aspx
- Peter Shawn Taylor, [«Wolfe's true military genius»->21780], National Post, sera publié dans l'édition du 12 septembre 2009. Lien : non disponible dans le moment.
J'espère que ce long texte ne vous a pas trop ennuyé. Un dernier souhait, en terminant : que vous écoutiez ou non le Moulin à paroles au cours du week-end, ayez une pensée pour ceux de nos ancêtres qui ont souffert pendant la Guerre de Sept Ans, pour ceux des nôtres qui risquent leur vie présentement en Afghanistan, ainsi que pour toutes les victimes de guerres et de conflits...


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->