L’impuissance souverainiste

899b219de6b3127ad7fd99ca9b697745

Comment les souverainistes ont jusqu'ici programmé leur propre défaite

*Je reprends ici ma chronique de ce matin dans la version papier du Journal de Montréal.
Le 7 avril dernier, les souverainistes ont subi une dégelée électorale. Quelques mois plus tard, ils veulent comprendre ce qui leur est arrivé. Les livres se multiplient. Ils posent tous la même question: pourquoi l’indépendance a-t-elle échoué? Parmi ceux-là, celui de Simon-Pierre Savard-Tremblay (SPST), un jeune intellectuel de 26 ans, se démarque clairement. Son titre: Le souverainisme de province, qui paraît chez Boréal.
Son ambition est vaste. Il retourne aux origines du nationalisme moderne. On a l’habitude de faire naître l’idée souverainiste avec la Révolution tranquille. SPST dissipe cette illusion et découvre l’indépendantisme en formation avant 1960, alors qu’il posait clairement la nécessité d’une rupture franche avec un Canada toxique pour les Québécois. Au moment de sa création, le PQ embrassera cette vision, qu’on dirait aujourd’hui radicale.
La thèse de SPST est la suivante. Dès les années 1970, le PQ dénaturera l’idée d’indépendance. Plutôt que d’en faire un projet concret, il la transformera en rêve lointain. Ce sera la stratégie du bon gouvernement. Le PQ enverra le signal suivant aux électeurs: le Québec peut très bien se gouverner sans la souveraineté. Le PQ cherchera alors à se faire élire pour administrer tranquillement la province, comme s’il faisait la preuve de son sérieux en censurant sa raison d’être.
N’est-ce pas une manière de donner raison aux fédéralistes en disant que le Canada, sans être idéal, est parfaitement vivable? Un jour, quand les conditions seront gagnantes, il y aura un référendum donnant la souveraineté en récompense. Les souverainistes spéculeront éternellement sur la date et l’heure de sa tenue. Mais c’est tout ce qu’on leur permettra. Et s’ils veulent reprendre l’initiative politique, on les accusera de chercher la chicane. Ils en viendront même à dissimuler leur option. Pauline Marois a poussé cette approche jusqu’à la caricature extrême, en avril 2014.
La thèse de SPST est forte, mais exige des nuances. Elle néglige une chose: l’État québécois n’est pas une entité insignifiante. Les nationalistes doivent-ils renoncer à gouverner tant qu’ils seront incapables de réaliser l’indépendance? SPST dénonce ce qu’il appelle la «gouvernance provinciale». Mais celle des libéraux et des péquistes n’est pas la même. Pensons seulement à la loi 101 ou la charte des valeurs.
SPST nous répondra probablement que toutes les avancées du Québec dans le Canada seront ultimement neutralisées par la pression du fédéralisme. Que le Québec, dans le Canada, peut lutter contre sa régression, mais que le travail est toujours à reprendre. Il n’aurait pas tort. Mais il arrive qu’on doive se contenter de gains modestes quand la victoire finale est trop lointaine.
La thèse de SPST a néanmoins une vertu pédagogique indéniable: elle explique comment les souverainistes ont programmé leur propre défaite. On comprend les Québécois de se détourner d’un projet qui mord de moins en moins dans la réalité, qui évolue de plus en plus dans un monde parallèle. Les candidats à la chefferie du PQ liront cet ouvrage indispensable avec grand profit.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé