Est-ce qu’un dictateur pourrait désirer mieux? La population entière de l’Empire, ou presque, pense maintenant de la même manière!
La population est instruite dans les écoles et le personnel des universités est composé d’enseignants et de professeurs soumis et lâches.
La population est informée par des centaines de milliers de journalistes et d’analystes serviles. Il n’y a pratiquement pas d’écart par rapport au récit officiel.
Félicitations, l’Empire occidental! Vous avez réussi là où d’autres ont échoué. Vous avez obtenu une obéissance et une discipline presque absolues, une servilité totale.
Et encore mieux, la plupart des gens pensent réellement qu’ils sont libres, qu’ils ont le contrôle. Ils croient qu’ils peuvent choisir, qu’ils peuvent décider. Ils sont convaincus que leur civilisation est la plus grande civilisation que la Terre ait jamais connue!
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Des dizaines de millions font la queue, volontairement, demandant à être instruits pour obtenir à la fin un de ces diplômes impériaux officiels. Ils veulent être acceptés, certifiés et loués par les dirigeants.
Les gens offrent leurs propres têtes courbées à une intervention complexe et prolongée de lobotomie. En échange de chiffons de papier timbré nommés diplômes, des hommes et des femmes perdent, pour toujours, leur capacité à penser de manière indépendante, à analyser et à voir le monde de leurs propres yeux. En guise de récompense pour leur soumission, leurs chances d’obtenir des postes prestigieux dans les bataillons d’élite du régime, institutions, universités et autres, augmentent de manière spectaculaire.
Le degré extrême de conformité de la majorité des hommes et des femmes vivant dans nos sociétés rend les vieux livres comme Fahrenheit 451 et 1984 modérément dérangeants. Notre réalité de 2015 est beaucoup plus psychédélique, bizarre et effroyable… et scandaleuse aussi!
La plupart des citoyens sont même prêts maintenant à payer de leur poche (ou de celle de leur famille) pour ces chirurgies du cerveau éducatives et propagandistes; ils sont désireux de s’endetter lourdement pour être soigneusement programmés et endoctrinés. Plusieurs années plus tard, lorsque tout est fini et que rien n’est resté de leur individualité, ils bombent le torse avec orgueil et souvent ils pleurent lorsqu’ils reçoivent ce morceau de papier timbré qui ne signifie en fait qu’une chose: «Admis, accepté et certifié – prêt à servir et à être utilisé par l’Empire et son régime fasciste.»
Des millions d’étrangers se bousculent pour bénéficier aussi de cette lobotomie. Ceux qui viennent des pays colonisés et détruits sont souvent les plus impatients. Les enfants des élites sont excités à la perspective de recevoir le sceau d’approbation de l’Empire, pour être moulés, pour se fondre dans les masses en Europe ou en Amérique du Nord. Après l’obtention de leur diplôme et après leur retour à la maison, ils ajoutent leurs titres partout sur leurs cartes de visite, ils augmentent leurs tarifs et demandent du respect pour leurs manières occidentales et leur collaboration intellectuelle avec l’Empire. Ensuite, beaucoup d’entre eux s’occupent à voler et à endoctriner leurs compatriotes pour le compte de l’Occident.
Dans de nombreux pays, il n’y a même aucune raison de quitter la maison. Le lavage de cerveau occidental est facilement accessible par le biais des innombrables écoles privées, chrétiennes et internationales, des églises, des institutions culturelles et, bien sûr, du divertissement.
Même des pays comme la Chine, qui peuvent compter sur des cultures beaucoup plus grandes et plus anciennes que la culture occidentale, sont maintenant terriblement influencés par leurs propres fils et filles, qui ont été programmés à croire dans la grandeur de la civilisation occidentale. Ils ont été endoctrinés soit dans les établissements éducatifs à l’étranger, soit par les armées d’éducateurs occidentaux, savants et prédicateurs, de plus en plus occupés à voyager et à répandre leur évangile toxique partout dans le monde.
Au lieu que soit dispensé un savoir diversifié et multiculturel, les écoliers et les étudiants ont reçu des doses d’endoctrinement calculées avec précision, bien éprouvées au cours des siècles d’impérialisme et de colonialisme. Maintenant, l’Empire sait extrêmement bien comment manipuler l’esprit humain. Celles et ceux qui sont violés sont forcés de croire qu’ils ont fait l’amour. A ceux qui ont été dépouillés indistinctement, on enseigne à encenser les puissances coloniales pour avoir construit leurs bâtiments administratifs et leurs chemins de fer, et on enseigne aux gens sur place à ne ressentir aucune honte pour leur passé et leur présent.
Au lieu d’être encouragés à penser de manière indépendante, au lieu d’être invités à révolutionner leur pensée elle-même, les gens sont ligotés, prisonniers de carcans intellectuels austères.
Le courage et l’indépendance d’esprit sont systématiquement dénigrés et rabaissés. Les âmes rebelles sont étiquetées inemployables, presque comme antisociales.
La couardise, la soumission et la médiocrité sont promues et commercialisées par le système extrêmement complexe et diversifié de la propagande, la publicité, les événements culturels et de divertissement et les médias.
Dans un monde totalement uniforme, où même la culture et les médias sont au service de l’Empire et de ses intérêts commerciaux néolibéraux, le Nouvel Homme et la Nouvelle Femme sont pétris dans l’argile intellectuelle, et ensuite placés sur des socles massifs : tous sont grands et minces, tous régurgitent éloquemment et bruyamment des clichés, évitant soigneusement les véritables questions, communiquant intensément avec les autres à propos de rien, tout en restant incroyablement ignorants du monde.
Les Nouveaux Humains sont tous souriants et ont l’air très cool. Ils conduisent les derniers modèles de voitures et tiennent des gadgets modernes dans leurs mains. Ils ont confiance en eux et sont constamment égoïstes. Leurs fesses sont de plus en plus parfaites, et stéréotypées.
Beaucoup d’entre eux prennent des sédatifs, des antidépresseurs ou des drogues, la plupart d’entre eux sont malheureux, peu sûrs d’eux, mécontents de leur travail, malheureux dans leur famille, incapables de trouver ou de chercher leur deuxième moitié. Tout cela, bien sûr, ne se montre pas! En apparence, d’innombrables hommes et femmes occidentaux ont l’air ravissants!
Les fascistes italiens et allemands ont essayé désespérément de créer cette race de super-humains en apparence sûrs d’eux, mais obéissants.
Ils ont échoué.
Mais cet Empire est en train de réussir! Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il existe une chance que les robots remplacent finalement les êtres humains. Pas les robots de plastique et de métal, mais des humains reconditionnés, recyclés en robots.
Le fascisme italien, le nazisme allemand, le corporatisme des États-Unis, l’impérialisme, le racisme, le colonialisme, l’exceptionnalisme, la propagande, la publicité, l’éducation – tout cela a été habilement entrelacé.
Félicitations, l’Empire! Vous êtes le premier à avoir réussi à standardiser les êtres humains et leur façon de penser!
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Ce n’est pas facile de combattre un tel Empire, avec des paroles et des idées.
Ce n’est pas seulement la logique ou la philosophie générale des concepts qu’il faut affronter, et défier.
Il y a aussi des milliers de perceptions, de dogmes, de codes, tous poursuivant le même but – maintenir les gens loin de la réalité et d’un mode de pensée et d’analyse indépendants.
La plupart des citoyens de l’Empire occidental sont en fait beaucoup plus endoctrinés que les membres de groupes tels que les talibans ou État islamique, parce que l’Empire travaille très dur et emploie des millions de professionnels qui créent des concepts extrêmement efficaces destinés à contrôler les esprits humains: des idéologues aux psychologues, en passant par les propagandistes, les éducateurs, les artistes, les journalistes et d’autres personnes hautement spécialisées.
Des médias sociaux aux séries télévisées, en passant par les films de Hollywood, la musique pop et les chaînes de télévision, presque tout mène dans la même direction – entraîner les gens loin des principes de base de l’humanisme. Les forcer à ne pas penser comme un groupe de personnes rationnelles, bienveillantes, compassionnelles.
La réalité est soit banalisée soit portée à des niveaux fantasmagoriques auxquels nulle logique ne peut être efficacement appliquée.
Le destin le plus important de la pensée humaine – réfléchir, rêver et concevoir de nouvelles formes bien meilleures et plus douces pour la société – est totalement absent du récit auquel les hommes, les femmes et les enfants de l’Empire et de ses colonies sont confrontés quotidiennement.
Les citoyens de l’Empire sont empêchés de penser et d’agir de manière naturelle. Résultat, ils sont frustrés, déprimés et confus. Mais au lieu de se rebeller (la plupart d’entre eux n’en sont pas capables, de surcroît), ils deviennent de plus en plus agressifs. Tandis que les victimes de l’Empire, dans le monde entier, sont assassinées, exploitées et humiliées, l’organisation du monde apporte en fait très peu de joie (malgré de nombreux bénéfices matériels) aux citoyens de l’Empire – les Européens et les Nord-Américains.
À l’autre extrême: des milliards de gens dans les anciennes colonies et dans les néo-colonies sont aussi bombardés, constamment, par les mêmes messages tordus, recyclés et modifiés [et trop souvent des vraies bombes, NdT]. Ils sont confrontés à une avalanche perpétuelle de propagande (légèrement modifiée pour chaque région particulière), ruisselant jour et nuit des canaux d’endoctrinement de l’empire : les feuilletons télévisés, le plus bas niveau des films et des jeux vidéo (la même chose, vraiment), la musique pop avec des paroles répétitives relevant de la mort cérébrale, l’art décoratif inoffensif et les reportages publiés par les agences de presse dominantes. Ces messages sont diffusés via les organes de presse locaux qui sont à leur tour principalement contrôlés par des intérêts commerciaux qui collaborent résolument avec le régime mondial occidental.
L’Empire et son organisation du monde sont outrageusement racistes et brutaux, mais la plupart de ses citoyens, même ses sujets dans les territoires dévastés, sont forcés de croire qu’il ont effectivement le système le plus tolérant et progressiste sur terre.
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Y a-t-il un espoir que l’humanité survive à cette production de masse de l’idiotie?
Oui, bien sûr qu’il y en a un!
La bataille a commencé.
Ce ne sont pas seulement les manœuvres des marines russes, chinoises et iraniennes qui contestent actuellement l’impérialisme occidental.
Ce ne sont pas seulement les Latino-américains et les Sud-Africains qui ont fait des efforts décisifs pour récrire l’histoire et pour armer le peuple avec des connaissances plutôt qu’avec des diplômes.
Peut-être le plus grand cinéaste européen actuellement en vie, Emir Kusturica, a récemment écrit, sarcastique, que «la Troisième Guerre mondiale commencera avec le bombardement de RT par le Pentagone», en se référant au puissant réseau de télévision Russia Today. RT a commenté :
«RT est une réelle menace pour la propagande états-unienne puisqu’elle atteint les Américains chez eux, dans un anglais parfait, meilleur que celui qu’ils utilisent sur CNN.» Et c’est pourquoi, selon le directeur, Washington pourrait en avoir assez et chercher à faire taire RT par la force – un peu comme l’Otan l’a fait avec la télévision d’État serbe en avril 1999.
À son tour, Kusturica prédit que Moscou détruirait CNN, qu’il considère comme le porte-drapeau de la propagande pro-américaine: «CNN, dans ses transmissions en direct, assure que depuis les années 1990, l’Amérique a mené des actions humanitaires, et non des guerres, et que ses avions militaires font pleuvoir des anges, pas des bombes!»
Bien que quelques-uns des plus grands penseurs qui affrontaient l’Empire – Saramago, Galeano et Pinter – soient récemment décédés, il en y a encore beaucoup qui parviennent à échapper à l’endoctrinement. Certains se regroupent autour des chaînes de télévision non occidentales comme TeleSUR, RT et PressTV.
C’est comme le Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, de nouveau. Certaines personnes, obstinément, refusent de brûler leurs livres.
Même en Occident, certains médias puissants – CounterPunch, Dissident Voice, ICH, VNN, Global Research, et d’autres – gardent le cap. Ils ne gagnent pas encore, loin de là, mais ils ne meurent pas non plus!
Tant que la pensée indépendante est vivante, tout n’est pas perdu.
«Je me révolte ; donc nous existons», a écrit le philosophe français Albert Camus. Il a ajouté aussi : «Le sentiment de révolte est né dans l’oppression.»
L’Empire nie qu’il opprime le monde. Il endoctrine à la fois les oppresseurs et les opprimés, redéfinissant, et en fait convertissant l’oppression en liberté.
Ceux d’entre nous qui parviennent à échapper à son endoctrinement se révoltent aujourd’hui. Par conséquent, l’humanité existe encore.
Le champ de bataille devient très bien défini : il se passe maintenant sur le plan de l’information et de la connaissance.
Les actes, les ruses pratiqués par l’Empire sont sales, horribles, mais très transparents. Ils peuvent être acceptés ou tolérés par des milliards de gens uniquement grâce à la répétition permanente des mensonges, et à cause des concepts tordus martelés dans les cerveaux des gens au travers de l’enseignement dominant.
La guerre pour la survie de l’humanité est déjà en cours. C’est la Grande Guerre humaniste – la guerre sur les esprits et les cœurs des gens, pas sur un territoire. On peut aussi l’appeler la guerre de l’information, une guerre de désintoxication, ou une guerre pour ramener les êtres humains à la vie en les sortant de leur intoxication, de leur torpeur et de leur servilité, une guerre pour un monde bien meilleur, une guerre qui mettrait la connaissance au-dessus des diplômes tamponnés, la chaleur humaine et la gentillesse au-dessus de la violence et de l’agression, et les êtres humains au-dessus des profits et de l’argent.
La victoire ne pourra intervenir qu’accompagnée par la connaissance, la pensée indépendante, l’humanisme rationnel, la compassion, la solidarité, et enfin la chaleur humaine.
Andre Vltchek est philosophe, romancier, réalisateur et journaliste d’investigation. Il a couvert guerres et conflits dans des dizaines de pays. Ses derniers livres parus sont : Exposing Lies Of The Empire et Fighting Against Western Imperialism. Discussion avec Noam Chomsky : On Western Terrorism. Point of No Return est un roman politique acclamé par la critique. Oceania traite de l’impérialisme occidental dans le Pacifique sud. Enfin, son livre provocateur sur l’Indonésie : Indonesia – The Archipelago of Fear.
Andre réalise aussi des films pour teleSUR et Press TV. Après avoir passé de nombreuses années en Amérique Latine et en Océanie, Vltchek réside et travaille aujourd’hui en Extrême-Orient et au Moyen-Orient. Vous pouvez le contacter sur son site Internet ou sur Twitter.
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