L’Assemblée nationale a voté jeudi la motion dite PKP visant à obliger Pierre Karl Péladeau, député de Saint-Jérôme, candidat potentiel à la direction du Parti québécois et actionnaire de contrôle de Québecor, à se défaire de ses actions. Le souci éthique cache mal la volonté partisane des 84 députés qui ont appuyé cette motion.
La question éthique soulevée par cette motion n’est pas sans fondements. Québecor est une entreprise à vocation culturelle et médiatique qui, par ses fonctions et la part de marché qu’elle détient, exerce une grande influence auprès des Québécois. Son volet médiatique, même s’il est plus restreint depuis la vente de ses hebdomadaires régionaux, conserve une grande audience à travers TVA, LCN et ses quotidiens, et pourrait servir d’instrument politique au service d’une cause ou d’ambitions personnelles. Même s’il n’a aucune intention à cet égard et même s’il jure sur l’honneur qu’il n’interviendra jamais dans le contenu éditorial des médias d’information, il y a une question de perception qui en politique est plus importante que la réalité.
Aujourd’hui, Pierre Karl Péladeau respecte les règles de l’Assemblée nationale puisqu’il n’est que simple député. Mais, à moins que le débat actuel ne l’en ait dissuadé, sa volonté de succéder à Pauline Marois à la tête du Parti québécois est clairement affirmée. Il s’engage, si la fonction lui échoit, à se soumettre aux règles applicables aux membres du conseil exécutif et à mettre ses actions dans une fiducie sans droit de regard. Mais, pour les 84 députés qui ont voté pour cette motion, ce n’est pas assez. On veut qu’il se départe de ses actions, ce qui a déjà été exigé par le passé à deux ministres du gouvernement Charest.
On sent ici la revanche toujours douce au coeur de l’Indien, comme le veut le dicton populaire. On ne peut nier que le présent débat est fortement coloré par la partisanerie. Le sondage Léger Marketing–Le Devoir du 27 septembre a contribué à déclencher une salve contre celui qui semblait déjà couronné chef du PQ. La popularité de Pierre Karl Péladeau inquiète ses adversaires potentiels à la direction du PQ, dont Jean-François Lisée, qui a voulu le mettre sur la défensive en soulevant la question éthique. Elle inquiète encore plus la Coalition avenir Québec, qui craint l’attrait que représente le député de Saint-Jérôme pour son électorat conservateur. Ce n’est pas sans raison qu’elle a déposé la motion PKP. Quant aux libéraux, cette affaire leur permet de mettre le PQ sur la défensive alors que celui-ci devrait être à mener une critique offensive du gouvernement. Tous ont intérêt à faire durer ce plaisir des mois. Et ce sera le cas puisque l’on se prépare à soumettre le cas Péladeau à l’examen d’une commission parlementaire.
La situation créée par la présence à l’Assemblée nationale de l’actionnaire de contrôle de Québecor est inédite. C’est comme si le quatrième pouvoir (médiatique) siégeait dans l’enceinte réservée au premier pouvoir qu’est le législatif. L’omniprésence de Québecor soulève la question de conflits d’intérêts potentiels qui, même s’ils ne sont qu’apparents, exigent que soit mis en place un mur coupe-feu à toute épreuve. L’intérêt des actionnaires de Québecor le commande aussi.
M. Péladeau rejette l’idée de se départir de ses intérêts. Ce serait la solution la plus simple, mais l’Assemblée nationale ne peut faire fi des enjeux économiques que pourrait soulever cette avenue. Un peu de recul s’impose pour que tous puissent aborder la question sans partisanerie et trouver une solution qui fasse l’unanimité, comme le veut la tradition à l’Assemblée nationale lorsqu’il est question d’éthique. Le député de Saint-Jérôme a sans doute à cheminer, ce qu’il ferait probablement mieux s’il n’avait ce fusil sur la tempe que lui ont mis ses adversaires.
PIERRE KARL PÉLADEAU
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