par Cardinal, François
Les prochains jours seront déterminants pour la lutte contre les changements climatiques. La conférence de l'ONU qui s'ouvre aujourd'hui à Nairobi, au Kenya, révélera au grand jour la faille qui existe entre les pays prêts à se lancer dans la bataille... et ceux qui le sont moins.
Au coeur des débats, qui dureront près de deux semaines, on trouve l'article 9 du protocole de Kyoto. Il prévoit que les signataires analysent l'accord à la lumière des plus récentes données scientifiques. L'objectif est de vérifier si le protocole est assez ambitieux pour être reconduit après 2012.
D'une grande innocence a priori, cet article pourrait néanmoins faire dérailler les discussions et mener à un cul-de-sac.
"On espère évidemment que ce sera l'occasion pour tout le monde de s'engager dans un plan beaucoup plus ambitieux après 2012, précise Dale Marshall, analyste à la Fondation Suzuki. Mais on a des craintes sur la position du Canada, qui donne l'impression de vouloir allonger indûment les délais."
La Presse a révélé mercredi la position canadienne à la conférence de Nairobi. Le gouvernement Harper entend profiter de l'article 9 pour demander une révision "complète" du protocole de Kyoto, y compris "l'architecture des engagements", c'est-à-dire les cibles de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.
Cette position va à l'encontre de celle des pays qui souhaitent aller de l'avant dans les plus brefs délais. L'Europe, par exemple, parle de "l'urgente nécessité d'une réponse globale" afin de limiter la hausse des températures à 2°C.
Plutôt qu'une révision en profondeur du traité, elle propose de lui donner des muscles pour l'après 2012. "Tout délai, écrit l'Union européenne, imposera des réductions d'émissions encore plus radicales, augmentera les coûts des mesures d'adaptation et mènera à de graves conséquences."
Devant des positions aussi tranchées, les écologistes se préparent à une conférence intense. "Le rapport de l'ancien économiste en chef de la Banque mondiale Nicholas Stern risque de donner le ton de la conférence, estime Steven Guilbeault, de Greenpeace. Pour la première fois, le volet économique sera au coeur des débats."
On se rappellera que le Stern Review, publié à Londres la semaine dernière, révélait que les changements climatiques pourraient avoir un effet aussi dévastateur sur l'économie mondiale que la grande dépression des années 30, si la communauté internationale refuse de se mobiliser.
"Les conclusions du rapport sont optimistes, déclarait néanmoins l'auteur. Il est encore temps d'éviter les pires impacts des changements climatiques, si nous agissons maintenant et de concert. Mais la tâche est urgente. Attendre avant d'agir, même une décennie ou deux, nous poussera en terrain dangereux."
Le volumineux rapport faisait aussi état des plus récentes études scientifiques sur la question du réchauffement de la planète. En ce sens, il sera également très utile aux délégués, eu égard à l'article 9.
"Il y a aujourd'hui un consensus assez large sur l'importance de limiter la hausse des températures à 2°C, a précisé Matthew Bramley, de l'Institut Pembina. Au-delà d'une telle augmentation, on entre dans une zone dangereuse. Et il ne faut pas oublier que, selon le protocole de Kyoto, les pays ont l'obligation légale de limiter les dégâts."
En effet, les pays membres du protocole se sont engagés à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un taux qui "empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique".
Or, selon le rapport Stern, la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère risque d'atteindre dès 2035 le double de ce qu'elle était à l'ère préindustrielle si rien n'est fait. Cela entraînerait un réchauffement de la température mondiale de plus de 2°C (depuis 100 ans, la hausse a atteint 0,6°).
"À plus longue échéance, il y a 50% de risque que le réchauffement dépasse les 5°C. Ce serait très grave."
La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques se déroule du 6 au 17 novembre à Nairobi, capitale du Kenya.
Pour joindre notre journaliste:francois.cardinal@lapresse.ca
La conférence de Nairobi s'annonce riche en débats
Déjà, la position canadienne inquiète
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