Dans la conduite des négociations avec le gouvernement, les étudiants font preuve d'une bonne foi s'approchant de la mansuétude. La réponse immédiate et proactive des Fédérations, en dépit des lourdes menaces faisant peser sur elles la Loi 78, soulageait le gouvernement d'un accablement étendu par le dépôt de cette loi. Mais foncièrement, la compromission fiscale des leaders étudiant est quasi entière : en assumant la totalité du montant de la hausse au détriment des crédits d'impôts dont bénéficient les étudiants, les leaders se pliaient à l'exigence formulée par le gouvernement. Cette exigence était celle d'un ''coût nul pour les contribuables''; entendu pour la majorité imposée sur le travail et taxée sur les biens courants.
Comme le montre la réduction du litige étudiant à la question fiscale, on ne saurait alourdir la contribution fiscale des individus. C'est ce qu'exprime l'impasse des négociations. Pourtant, la mansuétude étudiante et la duplicité des autres en évacuèrent deux enjeux fiscaux incontournables : le déplacement du fardeau fiscal des entreprises sur les particuliers, et le détournement de l'économie (re)productive par les entreprises de la finance.
En 1964, les particuliers versaient 38% des recettes fiscales de l'État québécois. En 2009, ils en versaient 79%. Actuellement près de la moitié des entreprises (et près de 55% des entreprises de la finance) ne paient pas d'impôt au Québec; leurs exonérations fiscales accordées par Québec atteignent près de 37G$ par an, soit plus que leurs bénéfices nets. Pourtant, entre 1985 et 2005, les revenus des entreprises québécoises ont doublés, l'investissement des entreprises demeura stable (15% du PIB) et le salaire moyen des travailleurs diminua légèrement.
On concéderait que certaines entreprises créent des biens et services utiles. Mais ce n'est entièrement pas le cas des entreprises de la finance : la majeure partie de leurs ''investissements'' vise à induire des valeurs spéculatives en usant de la valeur issue du travail, ou sur reconnaissance de dette réelle. À l'échelle monde, le seul marché du change accapare 4000 des 8000 milliards de dollars échangés ou investis quotidiennement. La majorité des transactions mondiales forment ainsi de courtes boucles opportunistes (durant moins d'une semaine), au lieu d'investissements productifs ou reproductifs patients. Des valeurs spéculatives ou factices ainsi induites, moins de 10% mobilisent l'économie productive... Laquelle peine à éduquer et à produire des biens durables, en concurrence aux rendements offerts par le secteur financier.
Au Québec, le PIB imparti aux entreprises de la finance approche 48G$, comparativement à 42G$ pour la fabrication et 74G$ pour les industries productrices de biens. Comme les entreprises de la finance font 9,7% des ''investissements'' contre 8,9% pour celles du grand secteur des biens, il apparaît judicieux de prélever la monnaie des activités financières avant même de distinguer le caractère utile ou non d'une activité économique ou d'une autre.
Mais faudrait-il que l'économie serve à enrichir, à cultiver ou à civiliser (le plus grand nombre). Et à quelle condition la richesse est-elle produite? Serait-elle, du reste, utile, durable et civile ? Le sociologue Guy Rocher propose une réponse d'économie politique joignant la question morale : la culture et la diffusion de la connaissance forment, selon lui une dépense productive : elles nous qualifient et, permettant la maîtrise de nos ressources et l'encadrement éthique de l'activité productive, elles nous enrichissent. Car la richesse n'est-elle pas l'utilité et l'adéquation culturelle de ce qui est produit et reproduit? Chose sûre, cette utilité, cette adéquation sinon la production elle-même ne sont plus assurées par les ''impératifs'' du commerce. S'impose alors de prélever la monnaie où les aléas des marchés travestissent les valeurs issues de la culture et du travail, industriel et domestique en valeurs factices que l'on demande aux États de garantir. Cela, au péril de l'équilibre fiscal et de la transmission culturelle, du civisme et de la maîtrise économique des nations.
Comme société, nous ne pouvons prendre au sérieux le développement économique, social et humain en taxant les étudiants et en exonérant les financières comme le fait le gouvernement. D'un point de vue comptable, nous ne pouvons réfuter l'apport de l'éducation dans production du capital accumulé et gagné, en excluant leur taxation de l'équation de la hausse.
Pour amorcer l'équilibre fiscal et assurer le tribut financier du développement humain, la CLASSE proposa le mois dernier de réinstaurer une taxe modeste sur le capital accumulé des banques et autres financières québécoises. Cette taxe, de 1,2% en 2005, rapportait alors 709M$ annuellement au trésor public. Elle fut abolie par les Libéraux l'an dernier.
Merci.
Références :
Institut de la statistique du Québec : PIB par secteurs industriels
http://www.stat.gouv.qc.ca/publications/cptes_econo/pdf2012/PIR1211.pdf
Cirano : activité économique/investissements : portail Le Québec économiques : http://qe.cirano.qc.ca/theme/activite_economique/investissements
Institut d'information et de recherche socio économique (IRIS) Note au budget 2010 : Comment payer les services publics? : http://www.iris-recherche.qc.ca/wp-content/uploads/2011/06/Note-Budget2010.pdf
Chaire d'études socio-économiques de l'UQAM : l'Autre déséquilibre fiscal : http://www.cese.uqam.ca/pdf/rec_06_autre_desequilibre.pdf
Attac-France pour la part prise par les marchés de change à l'échelle monde.
James Tobin, instigateur de la proposition de taxe éponyme dans le CCPA Monitor ; avril 2011
Frais de scolarité
La hausse et la détente : par une fiscalité plus juste
Comme société, nous ne pouvons prendre au sérieux le développement économique, social et humain en taxant les étudiants et en exonérant les financières comme le fait le gouvernement.
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