La langue catalane, symbole fort du nationalisme dans cette région du nord-est de l’Espagne, est devenue le nouvel enjeu de la bataille entre la Catalogne et Madrid, qui vient de présenter une réforme lui donnant un poids moindre dans l’enseignement régional.
Dans le contexte ultra-sensible de la poussée nationaliste qui a précipité les élections du 25 novembre en Catalogne, le projet de réforme de l’enseignement, annoncé par le gouvernement espagnol, a été reçu comme une bombe dans cette région à la très forte identité culturelle.
Une voix de poids s’est invitée mercredi dans le débat : celle du FC Barcelone, le prestigieux club de football, porte-drapeau traditionnel de l’identité catalane, qui a volé au secours de la langue régionale. « Le FC Barcelone entend défendre énergiquement la langue catalane et le modèle d’immersion linguistique existant en Catalogne depuis 34 ans », a expliqué le club. Et de poursuivre : « La langue catalane et son enseignement dans les écoles font partie de notre identité et sont un élément essentiel pour la cohésion sociale. »
Un symbole fort
Le catalan, banni de l’espace public sous la dictature franquiste (1939-1975), avait retrouvé ses droits avec la transition démocratique et la Constitution de 1978, qui a défini le modèle de l’autonomie des régions espagnoles. Devenue la langue de l’enseignement dans cette région de 7,5 millions d’habitants, le catalan est resté le premier symbole du nationalisme régional, alors que le castillan n’y est enseigné que comme une langue vivante. Dans une Catalogne agitée par une poussée indépendantiste, des déclarations cet automne du ministre espagnol de l’Éducation, José Ignacio Wert, qui avait proposé « d’hispaniser » l’enseignement régional, avaient sonné comme une provocation.
Ces derniers jours, le projet de réforme de l’enseignement porté par le ministre, qui obligerait le gouvernement de Catalogne à financer un enseignement en castillan aux élèves dont les parents l’exigent, a relancé la polémique. Globalement, le projet redonne du poids au castillan, parlé dans toute l’Espagne, face aux autres langues « co-officielles » parlées dans les régions, comme le basque, le galicien ou le catalan.
Colère!
Mardi, la représentante de l’Éducation catalane, Irene Rigau, a claqué la porte d’une réunion à Madrid avec M. Wert, se disant prête à attaquer, devant le Tribunal constitutionnel, ce texte qui « remet en question le statut de la langue catalane ». « La langue n’est pas négociable », a lancé Mme Rigau en quittant la salle.
En face, les nationalistes de droite au pouvoir en Catalogne, dénonçant une « claire offensive » de Madrid, s’apprêtent à convoquer le 12 décembre une réunion avec les partis indépendantistes de gauche pour ébaucher une réponse.
« La nouvelle loi est comme de l’essence jetée sur le feu, au milieu de la tension existant entre la Catalogne et l’Espagne », a affirmé mercredi Josep Maria Cervello, un responsable du syndicat d’enseignants Ustec, en annonçant des manifestations de soutien à l’enseignement en catalan. « Un attentat à la langue, à la cohésion sociale et la promotion de l’égalité des chances qui gouvernent l’école catalane », a dénoncé la plateforme Somescola de défense de cette langue.
Depuis une décision, en juin 2010, du Tribunal constitutionnel espagnol, qui avait gommé certains points du statut d’autonomie élargie dont bénéficiait la Catalogne depuis 2006, le ressentiment montait dans cette région traditionnellement riche. La crise économique, puis l’arrivée au pouvoir l’an dernier à Madrid d’un gouvernement de droite, qui a imposé à la région de lourds sacrifices sociaux, ont encore fait monter la fronde nationaliste. Celle-ci s’est traduite dans les urnes, le 25 novembre, par une forte poussée des partis de gauche, pro-indépendance.
Espagne / Catalogne
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