Tommy Chouinard - (Québec) Le gouvernement Charest doit assujettir les écoles privées non subventionnées à la loi 101 pour éviter une «déconstruction sociale» au Québec, estime le Conseil supérieur de la langue française.
Dans un avis rendu public aujourd'hui, il croit que sa recommandation éliminerait le recours aux «écoles passerelles» anglaises pour contourner la loi et obtenir le droit d'accéder au réseau anglophone financé par l'État.
«L'utilisation de subterfuges ou d'illégalités pour contourner la loi est inacceptable, tout autant que la mise sur pied d'institutions visant ce contournement», a affirmé le président du Conseil, Conrad Ouellon, en conférence de presse.
«On ne peut accepter, ne serait-ce qu'au nom de l'équité, que l'on puisse acheter, pour ses enfants et ses descendants, un droit constitutionnel à l'enseignement en anglais au Québec dans des écoles financées par l'État.»
Selon lui, l'assujettissement des écoles privées non subventionnées rend la situation «claire» : les francophones, les immigrants et leurs enfants doivent fréquenter l'école française publique ou privée, subventionnée ou non. La fréquentation des écoles anglaises est permise seulement aux anglophones québécois ou canadiens qui répondent aux critères de la loi 101, aux enfants de résidents temporaires et à ceux qui bénéficient d'une exemption spéciale du ministre.
L'avis du Conseil fait suite à un jugement de la Cour suprême rendu en octobre dernier. Le plus haut tribunal du pays avait déclaré inconstitutionnelle la loi 104 adoptée en 2002, qui prévoyait divers moyens pour colmater la brèche dans la loi 101. Québec voulait empêcher que des parents, surtout allophones mais aussi anglophones et francophones, contournent la loi en envoyant leur enfant dans une «école passerelle» pendant une courte période de temps pour ensuite réclamer le droit de fréquenter le réseau régulier de langue anglaise auquel il n'avait pas accès autrement selon la Charte de la langue française. Le nombre de personnes déclarées admissibles à l'enseignement en anglais grâce à un passage à l'école privée non subventionnée était passé de 628 en 1998 à 1379 en 2002.
Selon Conrad Ouellon, la Cour suprême, qui donnait un an au gouvernement pour réagir, ouvre la voie à deux types de solution dans son jugement. Il écarte le premier, «d'ordre administratif», qui consisterait à analyser de façon qualitative «l'authenticité» du parcours scolaire de chaque enfant pour déterminer s'il a droit ou non d'accéder au réseau anglais subventionné après un passage dans une école non subventionnée. «Cette mesure pourrait entraîner des contestations judiciaires à chaque étape du traitement d'une demande, a souligné M. Ouellon. Dans la mesure où les voies juridiques semblent avoir donné le maximum de ce qu'on peut en attendre et où elles arrivent à proposer des solutions instables, le Conseil est d'avis qu'il faut redonner au politique la place qu'il devrait avoir.»
Citant des passages du jugement, il a fait valoir que la Cour suprême «appuie» également l'idée d'assujettir les écoles dites «passerelles» à la loi 101. «Sans réaction appropriée de l'État», la situation actuelle «laissera le Québec exposé, sans recours, à une dynamique de déconstruction sociale», indique le Conseil dans son avis.
Pour M. Ouellon, «l'existence des droits particuliers pour la communauté anglophone historique du Québec et du Canada ne saurait nous distraire de l'obligation de l'État de fournir aux nouveaux arrivants le moyen de s'intégrer au Québec français, où ils ont choisi de vivre et de s'installer. Voilà pourquoi le maintien du creuset de l'école française dans un Québec français doit rester la première option».
«On ne peut accepter, par principe, la création d'une deuxième classe d'immigrants, a-t-il ajouté. Alors que les enfants des immigrants iraient à l'école française, certains d'entre eux, souvent plus fortunés, pourraient aller à l'école anglaise non subventionnée, obtenant ainsi le droit de fréquenter l'école anglaise publique ou subventionnée.»
«On doit donc en toute logique faire en sorte que tous les établissements d'enseignement primaire et secondaire soient assujettis aux prescriptions de la Charte» de la langue française.
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