La mondialisation nous impose de réinventer l’État québécois

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Repenser la souveraineté politique et réinventer l'État québécois


Simon-Pierre Savard-Tremblay, président de Génération nationale, animait la rencontre.


 


Génération nationale a accueilli samedi le 21 mai passé au Centre St-Pierre trois panélistes pour discuter du rôle que doit prendre l’État québécois dans un contexte de mondialisation financière galopant. Les paradis fiscaux, conséquence certaine du modèle néolibéral actuel, a été au centre de la rencontre.



Alain Deneault, professeur et chercheur au Réseau pour la justice fiscale Québec (RJFQC), Gabriel Ste-Marie, député du Bloc québécois de la circonscription de Joliette à la Chambre des communes et Wedad Antonius, militante d’ATTAC-Québec ont pris la parole suite à l’allocution du président de la conférence, Simon-Pierre Savard Tremblay.



Après que M. Savard-Tremblay ait introduit au public la députée péquiste Véronique Hivon, le président de Génération nationale a débuté la rencontre en mentionnant que nous nous devons, comme les Patriotes l’ont fait par le passé, nous soulever contre « l’ordre marchand ».Cet ordre marchand, c’est celui du capitalisme financier. Celui qui affaiblit les États-nations.



Concerné directement, le Québec doit réagir. Il lui faut se donner les moyens de résister aux pressions qu’exercent sur lui les paradis fiscaux.




L’on doit carrément « repenser la souveraineté politique », M. Deneault





Alain Deneault (droite) au côté de Gabriel Ste-Marie (gauche).



 


L’exposé d’Alain Deneault, professeur en science politique de l’Université de Montréal, a débuté par un commentaire sur le pervertissement du contrat social formateur de l’État de droit. Selon lui, les paradis fiscaux en sont une limite forte. L’idée d’État-nation a été possible lorsque les individus ont délaissé certains droits pour les voir être garantis par un État qui en deviendrait garant.



Or, les paradis fiscaux, les législations de complaisance comme M. Deneault les nomme, « rendent inopérantes les lois votées au niveau national lorsqu’on en vient à penser le politique à travers cette mondialisation financière ».



Ces législations de complaisance, que sont la Barbade, les Bermudes, les îles Caïmans, l’Île de Man, le Delaware et de nombreuses autres finissent par « tout permettre sur un mode constitutionnel afin de soustraire les entreprises aux règles de droits ». Une sorte de « souveraineté à l’envers où les lois s’estompent », renchérit-il.



Ce sont des « lois qui ne sont même pas dignes de ce nom », continue M. Deneault. Elles ont été élaborées et soutenues par des banques et des gouvernements, et non par les peuples. D’ailleurs, elles ne les servent pas, elles servent les entreprises dans une sorte « d’ultra permissivité, aussi longtemps qu’on est riche », nous explique M. Deneault, « aussi longtemps qu’on a la chance de se payer un avocat fiscaliste qui connaît les rouages de ces endroits offshore ».



L’auteur d’Une escroquerie légalisée relie le début de son exposé avec la situation actuelle du Québec. Selon M. Deneault, nous sommes en train de réaliser que « l’État n’a plus d’emprise sur certains enjeux ». On doit donc le repenser. Le repenser, c’est penser à une « souveraineté nouvelle, soumise à aucune autorité », hormis celle du peuple.



Certains parlent déjà du délitement de l’État-nation. Le professeur nous explique que dans certains magazines, hebdomadaire de renom (The Economist, Forbes) le terme est tout simplement en train de disparaître. On lui préfère maintenant celui d’Economies (les Économies). Terme qui permet d’inclure les nouveaux acteurs en puissance que sont les entreprises multinationales.



Ces dernières acquièrent des droits jamais acquis auparavant comme la possibilité pour elles de poursuivre un État, comme stipulé dans un article de l’accord de l’ALENA. Accord signé et entériné par les États mêmes qui « deviennent les complices des intérêts des entreprises », finit par dire M. Deneault. Allant dans le même sens, nous avons « perdu le sens de ce que devrait être l’État », poursuit M. Savard-Tremblay avant de donner la parole à M. Ste-Marie.



 



« Avant toute chose, il faut combattre les banques et les multinationales », M. Ste-Marie



Pour le député du Bloc, Ottawa n’agit pas assez vite. Comme si les choses allaient se régler d’elles-mêmes. Il donne en exemple un député conservateur qui lui a déjà dit qu’en matière de lutte aux paradis fiscaux « il n’y a pas de problèmes, Dieu va nous sauver ».



Assez lucide pour comprendre que le Canada ne peut agir seul, que la communauté internationale doit s’unir si elle veut réellement faire bouger les choses, M. Ste-Marie croit que « pendant ce temps-là, pendant que les hautes instances s’organisent, on n’agit pas ».



Dans cette lignée, le député annonce « qu’il faut agir chez soi pour faire des pressions à l’international ».



En exemple, il donne une motion sur lequel travaille actuellement le Bloc. Ce sera le premier projet de loi d’envergure qui remettra en question le système d’imposition de ce qu’il nomme les coquilles vides, ces entreprises prête-noms qui servent aux multinationales à contourner l’impôt. « Car, jamais les parlementaires n’ont eu à se prononcer sur les paradis fiscaux jusqu’alors », détaille M. Ste-Marie.



À l’origine, nous dit M. Ste-Marie, « si l’entreprise est bien l’une de ces coquilles vides, le traité signé, disait que l’entreprise devra payer son impôt au Canada ». Mais, rajoute-il, « ce traité a été changé, illégalement, en cachette, la modification insérée entre les lignes des 10 000 pages de la Loi de l'impôt sur le revenu ».



M. Savard-Tremblay nous explique en entrevue après la conférence qu’il souhaite que cette motion se change en pétition afin que l’on teste le désir de participation et de changement de la population sur cet enjeu de souveraineté.



L’inertie ambiante entourant le sujet, la complaisance des acteurs de pouvoir, le député l’explique parce que c’est « Bay street qui gouverne le Canada ». Ce sont dorénavant les banques « qui gouvernent, commandent et dirigent au Canada ».



« Pour l’instant, c’est le Parti libéral du Canada (PLC) le problème », de conclure M. Ste-Marie. Il prend pour exemple l’actuel ministre des Finances, Bill Morneau, qui possède lui-même une entreprise dans le paradis fiscal du Delaware.



Ainsi, ceux qui ont actuellement les rênes du pays, ceux qui le gouvernaient par le passé, les dirigeants, sont tous ou ont tous été approchés à un moment ou à un autre par ces paradis fiscaux. « C’est un monde, un univers, ce sont leurs réseaux, ce sont leurs amis », finit par dire le député du Bloc.



Et, cela « s’opère au mépris des frontières nationales où ce sont les gens de la super classe qui sont les seuls à vivre les bienfaits de la mondialisation », nous explique M. Savard-Tremblay en entrevue.



 



« Les citoyens veulent comprendre, veulent agir », Mme Antonius



Le temps est aux « petites solutions, on ne peut plus laisser uniquement la charge aux experts de lutter contre les paradis fiscaux, les citoyens doivent maintenant se lancer dans l’arène », débute la militante d’ATTAC. Elle poursuit : « la conjoncture est favorable à l’action ». Le sujet est d’actualité plus que jamais.



À preuve, on le relie maintenant avec l’austérité qui frappe le Québec. On comprend que « l’austérité qui frappe tout le monde ne vient pas du trop de dépenses, mais plutôt d’un manque de revenus », précise Mme Antonius.



Selon elle, il faut aider le public à s’intéresser au sujet. Informé, il exercera une pression sur les gouvernements afin que les choses changent. Pour ce faire, il faut en parler, comme nous le faisons aujourd’hui. Mais aussi, « il faut agir dès maintenant en tant que citoyen informé ».



À ce niveau Mme Antonius propose « d’appuyer la motion de l’équipe du député Ste-Marie ». Mais il demeure important de maintenir une pression afin que les médias continuent d’en parler. Il faut donc penser en termes d’actions médiatiques, « occuper des banques, faucher des chaises, aller dans les assemblées d’actionnaires de grandes compagnies ». Être créatif.



Au niveau provincial, Mme Antonius rejoint M Deneault : « Le Québec peut signer ses propres conventions fiscales ». La militante d’ATTAC croit aussi que nous pouvons utiliser nos institutions publiques comme levier de changement : « En tant que propriétaire de la Caisse de dépôt nous devons exiger d’elle qu’elle mette de la pression sur les entreprises dans lesquelles elle investit, si elle les sait avoir des entités dans les paradis fiscaux ».



Pour ATTAC, il y a un manque de volonté politique. Il ne « faut pas attendre que les grands abolissent ces endroits offshore » puisqu’il ne se passera rien, finit-elle par dire.



 



« Les États ont été confisqués », termine de dire M. Deneault



Et de poursuivre : « On est devant une question qui se doit de coaliser tout le spectre politique, de gauche à droite ». Ce qui rejoint une réponse que M. Savard-Tremblay a déjà donnée à L’aut’journal par le passé : « Génération nationale est une coalition de gens de gauche comme de droite qui veulent ramener l’idée de nation et une défense accrue de la nation». Pour y parvenir, le président de l’organisme nous invite à « réinventer notre système financier international ». En commençant par chez nous.



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