Dans ce monde des nouvelles technologies et du cyberespace, des milliers de personnes souffrent lourdement de solitude, d’isolement. Le phénomène même de l’itinérance a pris de l’ampleur au fil des années dans notre coin de pays. De nombreuses personnes se retrouvent à la rue, sous un ciel pas toujours étoilé, sans toit et sans le sou. Des drames humains se profilent sous nos yeux, des gens pauvres et démunis meurent dans l’indifférence totale. On le répète ad nauseam que notre société est individualiste, hédoniste et marqué du sceau de l’indifférence! Gilbert Bécaud, Monsieur 100 000 volts, chante avec pertinence cette réalité gravement triste, mais combien réelle : « Laisse-moi te dire et te redire ce que tu sais. Ce qui détruit le monde c'est : L'indifférence. Un homme marche, tombe, crève dans la rue. Eh bien personne ne l'a vu. L'indifférence » Oui, c’est bien tristement vrai!
C’est l’histoire dramatique de Radil Hebrich, happé par une rame du métro de Montréal, baignant dans son sang et laissé-pour-compte sur le quai d’une station par les passants et contrôleurs totalement indifférents. C’est une histoire vraie! Le journal La Presse du jeudi 6 février dernier nous replonge dans le drame inimaginable de cet homme gravement blessé et abandonné à son sort sur le quai de métro Langelier à une heure de fort achalandage le 14 janvier 2014. Plus d’une quarantaine d’usagers et trois opérateurs sont passés près de lui, après que ce dernier fut heurté par une pièce en saillie sur le bord du métro en mouvement. Personne ne lui a prêté assistance! Radil Hebrich, Algérien d’origine et âgé de 59 ans, avait succombé à ses blessures quelques heures plus tard à l’hôpital après être demeuré étendu sans mouvement 16 minutes dans l’indifférence totale dans un lieu public. C’est inimaginable, voire irréel!
Un an plus tard, le coroner Jacques Ramsay vient de remettre son rapport accablant sur cette tragédie. Comment cela peut-il arriver dans une société comme la nôtre? « L’indifférence des passagers en dit long, sur l’apathie citoyenne dans notre société.» de conclure le coroner dépassé par cette situation inconcevable. Radil Hebrich, ingénieur de renom, avait quitté l’Algérie quatre ans plus tôt pour refaire sa vie dans un monde soi-disant meilleur. La transition et l’insertion dans le pays d’accueil n’ont pas tourné positivement pour ce dernier qui vivait une mauvaise passe au moment de l’incident. Cette tragédie n’a pas manqué de souligner vivement la difficile intégration des immigrants en notre terre d’accueil. La qualité de la langue, les nombreuses compétences professionnelles et la vaste culture personnelle des arrivants ne suffisent pas, elles ne sont pas toujours un gage de succès immédiat dans le pays hôte. L’histoire de l’intégration ou de la non-intégration de nombreux arrivants est parfois plus qu’héroïque, voire dramatique.
L’indifférence, c’est pire que la haine, elle fait mourir tous les possibles. C’est l’essence de l’inhumanité. Cloisonnées entre les quatre murs de leur chambre ou dans de minables logements, de nombreuses personnes peinent à vivre convenablement et sombrent facilement dans la déprime en ingurgitant à répétition des comprimés dont on ne mesure pas toujours les effets secondaires à long terme. Nous sommes confrontés un jour ou l’autre à la solitude, l’isolement, voire l’indifférence. Nous avons parfois l’impression dans le creux cyclique de nos vagues existentielles que notre sort n’intéresse plus personne. Alors, plus rien ne semble prendre sens à nos yeux. Nous le savons que trop bien, la solitude fait partie intégrante de notre humanité, de notre finitude. Nous sommes tous, à un moment ou l’autre, des solitaires dans un recoin de notre vie. Nous avons besoin sur ce parcours terrestre, parfois sinueux et tourmenté, de moments bienfaisants et salutaires de solitude, tels un oasis dans le désert aride qui donne répit à nos pas usés et fatigués. Mais il y a des solitudes qui sont choisies et d’autres imposées par des pairs ou par des circonstances inéluctables de la vie. L’exclusion, l’ostracisme, l’indifférence ce sont les pires supplices que l’on peut faire subir à l’humain.
Être seul au monde, c’est lourd à porter certains jours! Notre vivre au monde porte en soi une dimension sociale essentielle à notre équilibre et à notre harmonie. Nous ne pouvons vivre longtemps en isolement, coupés des autres, sans séquelle psychologique. Nous sommes des êtres de relation; la personne humaine n’est-elle pas unique en ce sens qu’elle est la seule entité vivante qui cherche sans cesse la rencontre de l’autre? Tel un oiseau qui s’élève dans le ciel à un point tel qu’il devient presque invisible à l’œil nu, il y a tant de personnes qui disparaissent lentement, discrètement du radar de nos relations sans crier mot pour devenir ces lointains du quotidien. Et que dire de celles que l’on élimine volontairement de nos vies. Dans un isolement malsain, elles s’accrochent désespérément à leur sort minées trop souvent par une tristesse à fendre l’âme.
Elles sont présentes tout près de nous; il revient à chacun de nous d’être vigilant, de tendre la main, de porter un regard de tendresse sur ces personnes qui, pour des motifs souvent mal cernés, se glissent à l’écart de nos vies. Soyons à notre manière des « petits frères des pauvres » pour ces esseulés qui gravitent sans tambour ni trompette dans notre environnement immédiat et trop souvent accaparant. Personne ne mérite de mourir seul, encore moins dans l’indifférence absolue dans un lieu public bondé à souhait, non personne! La mort tragique de Radil Hebrish nous invite à un réel examen de conscience. L’abbé Pierre, le célèbre chiffonnier d’Emmaüs, disait : « La maladie la plus constante et la plus mortelle, mais aussi la plus méconnue de toute société, est l’indifférence. »
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