Je conçois très bien que la tolérance est le commencement de l’amour; jeune, un enfant ne peut être tolérant, il ne sait pas encore ce qu’est patienter, attendre, endurer, tolérer; il apprend graduellement la souffrance; il ne sait pas encore aimer ni donner; il est un futur adulte certes, mais il n’a pas atteint le développement suffisant de son cerveau pour penser avec justesse, pour dire qu’il est « mature » et capable d’aimer. Qu’il connaît le sens de la souffrance!
Aimer, c’est donner sans rien attendre en retour. Mais puisque nous sommes tous des êtres humains imparfaits (et que nous le serons toujours), c’est-à-dire à la fois égoïstes (naturellement) et altruistes (par notre apprentissage à la tolérance de la souffrance et donc, à l’amour de soi et des autres, c’est-à-dire, la grandeur humaine), je m’attends toujours à un retour de mes dons, que ce soit par une simple reconnaissance, une gratitude de l’autre à mon égard. Et je le conçois même très bien jusque dans l’acte de copulation où je donne de la jouissance en microseconde à l’autre, à cet être que j’aime physiquement et sexuellement, et je prends cette joie en pur égoïste humain que je suis.
La maturité est l’étape ultime d’un être humain qui lui permet d’aimer, d’aimer avec un grand « A », d’apprendre à être tolérant et à aimer malgré… Rendue à cette maturité, la vie prend tout son sens, l’existence devient plus équilibrée entre égoïsme et altruisme. Dans cet espoir de vivre heureux et longtemps. Ce n’est pas évident pour quiconque.
Je dois beaucoup de cette découverte par l’observation de plusieurs personnes, dont les mères vis-à-vis leurs enfants : leur exemple aura été pour moi d’une grande révélation à ce qu’est l’amour. Que se soit dans leur travail (comme professeur au niveau des enfants du primaire ou comme infirmière, comme responsable de tout à la maison), à la maison auprès de leurs propres enfants, vis-à-vis leur conjoint demandant, et même à l’entretien de la maisonnée, ces femmes ont cette maturité nécessaire à bien conjuguer l’amour et la tolérance à cette fin. Quelle énergie les femmes…! Je pense sincèrement qu’elles sont l’essence même de l’amour, de la tolérance; dans leur génétique, ce sont elles qui enfantent dans la souffrance : elles doivent donc conjuguer tôt dans leur vie cette tolérance à la souffrance, et donc, à l’amour. Plus que les hommes qui doivent faire un effort conscient à cette réalité de la vie. Il existe une asymétrie des sexes qui fait des .
Les êtres humains « adultes » n’atteignent pas tous ce niveau et ne franchissent pas tous cette étape de la maturité de l’être; c’est souvent par des épreuves de maladies, de souffrances physiques ou psychologiques que l’étape de la maturité adulte se franchit et se forge. Ça prend aussi de l’humilité pour reconnaître comme nous l’a enseigné Socrate que nous ne savons pas et qu’il faut toujours apprendre, qu’il y a toujours à découvrir, à toujours à remettre en question (ma définition simpliste de la philosophie), à toujours se remettre en question. Et l’oubli nous accable tous : nous oublions les souffrances qui pourtant nous avaient fait croître vers cette maturité, cette capacité à tolérer et à aimer.
C’est pour cela que lors d’un café-philo récent avec Jacques Senécal, professeur de philosophie, j’ai pris conscience que toute vérité est d’abord le fruit de croyances qu’il faut confronter afin d’en découvrir leur vérité, la vérité possible. Mes croyances, mes convictions actuelles, sont à confronter afin de les décortiquer pour les enrichir; il faut oser combattre ses croyances et même les contredire dans leur « vérité » ! Difficile et épuisant, mais nécessaire pour aimer et s’aimer.
Le philosophe Alain est venu confirmer l’exemple frappant des forces féminines : sa maxime qui m’a bien touché, « Penser c’est dire non! » nous démontre cette nécessité de se remettre en question, questionner nos convictions pour évoluer vers un meilleur être humain toujours à parfaire.
Si je me considère mature, je me dois de ne pas exiger la tolérance mutuelle de l’autre dans nos échanges qui peuvent être de croyances contradictoires : je me dois de me placer au-dessus de l’incompréhension de l’autre vis-à-vis ma personne, et de ma propre incompréhension de l’autre, afin de le laisser cheminer lui-même vers la tolérance et l’amour, et moi-même vers ma remise en question vis-à-vis la croyance de l’autre. Chacun à son rythme. Il faut apprendre à se taire, faire silence pour que l’autre puisse « penser », et nous aussi, remettre en question ses croyances, ses convictions, et devenir autre, devenir meilleur. Jean-Yves Leloup m’a instruit d’une belle observation : « Il n’y a pas de situations justes, il n’y a que des situations qui s’ajustent! » En relations humaines, cette courte maxime est source de paix et d’harmonie.
Il ne faut pas oublier que la tolérance a un but : c’est la paix, c’est l’évolution de l’autre vers la reconnaissance des autres, leur différence, leur richesse. Si le monde vit en paix, c’est qu’il a appris à se respecter, à s’aimer tel que nous sommes et pas autrement. La tolérance et l’amour sauve le monde, et si le monde se perd, c’est qu’il a perdu la tolérance, le respect des autres, de tout autre dont la Nature elle-même.
Maintenant, devrions tolérer la violence? La réponse est simplement non! Nullement question d’appliquer la loi du talion. La violence ne doit pas être tolérée tout simplement parce que la violence est le contraire de l’amour. Il est faux de dire que « Celui qui aime bien châtie bien » ; il faut plutôt dire, celui qui aime bien, tolère bien! Il est impératif d’apprendre à tolérer, tolérer ce qui est tolérable versus ce qui n’est pas tolérable. À chacun sa découverte, mais il n’est pas question de dire : « Oeil pour oeil, dent pour dent. » Malheureusement, c’est encore cette loi qui mène bien des gens, et donc, les guerres humaines font encore loi… Pourtant, Nelson Mandela nous a montré la direction dans le procédé de la réconciliation : pas question de rejeter les bourreaux d’antan sinon nous reconstruirions le « patern » de la violence antérieure.
L’éthique nous commande la tolérance.
Merci au Groupe de réflexion philosophique de Jocelyne Harnois, Trois-Rivières, de m’avoir permis de faire cette réflexion qui n’est qu’une recherche éternelle de ce que les femmes et les hommes appellent la « vérité ».
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