Le 400e du Canada britannique ou les fédérales variétés du 400e

Québec 400e - imposture canadian

(Texte publié dans Le Soleil du 10 juillet 2008 sous le titre "Les fédérales variétés du 400e...")
Les reproches concernant le manque de contenu historique de ces célébrations du 400e, les dénonciations du Spectacle manifestif du 3 juillet au Parc de l’Amérique française, et bien d’autres malaises confus ou libellés, toutes des critiques qui dénoncent la dévitalisation de cette fête « nationale » que certains espéraient, ( c’était sans compter sur la vigilance des officines fédérales ), tout cela ne semble pas ébranler le jovialisme dont font preuve certains observateurs officiels dont l’éditorialiste Robert Fleury du Soleil dans son texte intitulé « L’Âme de Québec » au lendemain du jour J de ce 400e. Le contrepoint de ce court point de vue pourrait être la chronique de la [« Montréalaise » Nathalie Petrowski publiée dans La Presse du 2008 07 05->14322], le lendemain du spectacle de lancement de l’édition du 400e du Festival d’été de Québec, où certains de nos grands de la chanson engagée du Québec ont eu chacun la portion congrue d’un spectacle de variétés historiques, où la partie acadienne dépassait en longueur celle consacrée à l’époque de la Nouvelle-France s’étendant pourtant sur plus du tiers de notre histoire quadricentenaire. La chroniqueuse culturelle de La Presse livrait ses impressions à la suite du spectacle d’ouverture du Festival d’été, avatar de la Superfrancofête, qui présentait en 1974 le spectacle mémorable des Leclerc, Vigneault et autres Charlebois, recevait le groupe... américain… Van Halen, tout de rouge vêtu. Les 150 000 personnes présentes illuminaient cette nuit particulière du 400e du rouge scintillant des macarons du festival semblant à ces yeux ébahis, non pas refléter l’âme de Québec, mais plutôt celle des « soldats britanniques prêts à attaquer », 249 ans plus tôt, dans ce même Parc des Champs de bataille.
Ce détournement de fête, toutes couleurs réunies sauf le blanc et le bleu québécois, est partout dans les célébrations du 400e. Il est à bons droits dénoncé par plusieurs, dont L’Enfirouapé matou Yves Beauchemin. Et, il ne l’est jamais plus évident, et pour longtemps, que dans « l’édifice construit par le gouvernement fédéral à l’anse Brown sur le boulevard Champlain » tel qu’observé par [Denis Julien->aut2139] et dénoncé dès le 16 juin dernier : « Cette oeuvre choquante évacue complètement 150 ans d’histoire de la Nouvelle-France. On n’y retrouve absolument rien qui nous rappelle la période de 1608 à 1759. Comme si le 400ème de Québec avait commencé avec l’arrivée de Wolfe. »
« En tant que Montréalaise qui a vu le loup, le lion et le renard 2 » nous dit encore Nathalie Petrowski, « ... j'avais beau chercher des signes de Champlain et de sa civilisation française, tout ce que j'entendais, c'était du gros rock américain... ». Dans cette même veine, Paul McCartney sera l’invité du 400e. Prononcera-t-il, lui, quelques mots de français ? Sans doute, et cela suffira-t-il à jovialiser le tout... Sans doute aussi. Comme l’ajout in extremis d’un Champlain au spectacle du 3 juillet où l’on a fait se déplacer pour quelques numéros, les Dufresne, Vigneault, Charlebois, Dubois et autres Pagliaro. Le genre ne laissait pas d’autre choix que ce laminage.
Pourquoi n'a-t-on pas pensé à les réunir aussi pour un spectacle consacré à la chanson québécoise actuelle et récente par exemple au Festival d'été, présenté le lendemain ? Que dis-je, bien sûr qu'on y a pensé, mais comme pour le reste, il ne fallait à tout prix ne pas risquer d'aviver la flamme nationaliste en donnant de la place à nos grands de la chanson engagée qui soulèvent par trop nos âmes. En somme, comme partout, il s'agit de reléguer à la marge tout ce qui peut donner du contenu, de la substance à cette fête, sans la noyer dans la neutralité des variétés propres aux divertissements de circonstance. Ces artistes ayant fait les belles heures de la québécité historique ne sont convoqué(e)s que pour une chanson, noyé(e)s dans un parcours de 400 ans d'histoire. Il n'est pas question de leur donner par ailleurs, puisqu'on les a sous la main, en ville, une place digne de ce nom pour se déployer dans la contemporanéité du jour.
Luc Archambault
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« Le 400e du Canada britannique ou les fédérales variétés du 400e »

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Dans un certain monde du spectacle de variétés, La Conquête n’est dès lors plus qu’une chicane... vite oubliée. Pour celles et ceux qui redoutaient que cette année du 400e de Québec devienne « une grosse Saint-Jean célébrée dans une débauche de bleu et blanc » comme s’y attendait, naïvement, Nathalie Petrowski, ils peuvent temporairement s’estimer satisfaits. Leur mainmise pesante, écrasante, sournoise ou affichée, a réussi à dévitaliser la fête de toute substance historique, patriotique, nationaliste, partie de ce que nous sommes. Mieux, on assiste à des avancées spectaculaires, Champlain est le premier gouverneur du Canada, la ville de Québec est la plus belle du Canada, il y a maintenant deux peuples fondateurs de la Nouvelle-France et de Québec, ceux de France et du Royaume-Uni, la musique est un langage universel, même si les paroles sont anglaises, et « l’Âme de Québec » ne s’en porte que mieux...

Une seule consolation dans cette néantisation d’une partie essentielle de ce que nous sommes, dans ce ravalement à la marge de nos grands de la chanson, toute période de grande noirceur, de ratatinement, fait inévitablement place à une période de lumière et de déploiement. Nous vivons actuellement à la petite semaine une période de grande noirceur que ne parviennent pas à masquer ni les lumières du plus gros feux d’artifice jamais présenté au Canada, le 4e plus gros dans le monde cette année... ni l’autocongratulation et entrencensement actuellement de mise. Il ne faut pas gâcher le party... Mais il y aura un lendemain de veille. Quand on s’apercevra qu’on est resté sur notre faim, qu’on a rien senti, qu’on ne s’est que diverti superficiellement et sans lendemains, alors que nous aurions pu vivre quelque chose de grand, de mémorable. Quand ce qu’il restera de cette fête nous semblera bien peu historique, alors que cela aurait pu être l’occasion de vraiment donner de la place à la chanson contemporaine du Québec, comme nos artistes savent le faire quand on les laisse être les Lions, les loups et les renards que nous sommes. Quand on s’apercevra que nos grands de la chanson n’ont pas eu la place qu’ils et elles méritaient, parce qu’ils et elles ont des convictions qui ne conviennent pas à nos dirigeants fédéralistes affairés à miner le sentiment national québécois, le réveil sera aussi brutal que la discrète et laminante brutalité de cet enfermement dans lequel on tente de nous maintenir aujourd’hui.
Elle est là « l’Âme de Québec », pas ailleurs. Ce supplément d’âme que la fête peut distiller, n’est pas au rendez-vous. Et, c’est délibéré. On va même jusqu’à inventer deux peuples fondateurs à Québec pour faire de la place à la France et au Royaume-Uni de Sir Paul, pour satisfaire le nation-bulding fédéral, avec notre argent. Les tableaux anciens qu’on placarde sur les murs du Vieux Québec, sont ceux du Musée des Beaux-Arts du... Canada...
Tout cela ne peut que nous donner le goût de nous réapproprier, la partie de nous, qui nous est ainsi volé. Merci encore à ces nouveaux Durham de la fête, qui font comme si notre Musée du Québec manquait de tableaux, d’artistes, de culture, pour célébrer notre histoire passée et contemporaine. On a voulu néantiser notre culture politique, nos artistes engagés, supplanter nos institutions muséales, cacher nos fleurs et nos couleurs… Là est le problème des programmateurs fédéraux et de celles et ceux qui veulent faire neutre pour ne pas leur déplaire, à vouloir trop en faire, ils se tirent dans le pied. N’avoir pas en plus d’un spectacle « historique », saisi cette occasion pour que nos grands et grandes de la chanson explosent leurs talents, déploient leur voix, provoquent en nous tous les frissons qui nous enflamment, et je ne parle pas de nos gens de théâtre, de nos peintres et sculpteurs, de nos orchestres symphoniques, est une grave erreur. L’Histoire, ce n’est pas seulement évoquer le passé, c’est aussi créer aujourd’hui ce qui la fera demain être un événement dont on se souvient, parce qu’il nous a bousculés, émus, provoqués, ébranlés. Et, c’est raté du côté de nos grands de la chanson d’aujourd’hui.
Il n’y aura d’historique, que le spectacle de Sir Paul. Cela, ne manquera pas de devenir évident. Céline aura beau avoir ses invités, ce ne sera tout de même que son spectacle... et tant mieux, elle le mérite. Que sont pour nous les Leclerc, Vigneault, Lévesque, Julien, Léveillée, Desrochers, Ferland, Gauthier, Charlebois, Dubois, Dufresne, Plamondon, Rivard, Piché, Boulet, Desjardins, Fortin, Leloup, Lapointe, Loco et autres innombrables Locass ? Des icônes d’un temps ancien qu’on voudrait révolu ? Comme s’il s’agissait de les remettre à leur place, comme on tente de le faire avec nous. Êtes-vous certain de faire le bon choix en nous ravalant ainsi ? Faire un succès, supplanter Québec 84, c’est bien, nous reste à savoir fêter avec tout ce que nous sommes et pouvons être, non pas seulement avec ce que d’autres veulent que l’on soit.


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