Vous connaissez sans doute l’histoire. Le bal de fin d’année approche et un garçon doit trouver une fille pour l’accompagner. Il fait une première demande à celle dont il rêve depuis longtemps, mais elle retarde sa réponse sans lui dire « non », mais sans non plus lui permettre d’espérer. Il fait alors une seconde demande qui se termine comme la première. En désespoir de cause, il tente une troisième demande à une fille qu’il n’aurait certainement jamais invitée, si les choses s’étaient déroulées autrement. Mais il n’a pas le choix. Un troisième refus compromet sa présence au bal. Elle accepte. Elle n’attendait qu’une invitation. N’importe laquelle. Tous les deux savent très bien qu’ils iront au bal des losers. Mais ils iront au bal. Le projet Énergie-Est de TransCanada est pour le Québec une invitation au « bal des losers ». Pour le comprendre, remontons un peu dans le temps.
Contrairement à d’autres producteurs de pétrole comme les pays du golfe Persique, le Venezuela ou les pays de la mer du Nord, le pétrole canadien ne se trouve pas près de l’océan, mais au centre du continent. Cela n’était pas très grave tant que le pétrole traditionnel canadien se vendait à proximité. Mais après 2007 et la hausse du prix du pétrole, le pétrole issu des sables bitumineux devient rentable, pour peu que l’on puisse atteindre l’océan et l’exporter. Permettre à ce pétrole d’atteindre l’océan se résumait à inviter la plus belle fille au bal.
TransCanada est confiant. Avec le pipeline Keystone XL, il pourra relier les sables bitumineux avec les raffineries du golfe du Mexique. Il fait sa demande en 2008. Mais comme le pipeline doit traverser la frontière canado-américaine, il doit demander la permission au président américain. Ce dernier, préoccupé par les conséquences environnementales, n’a toujours pas répondu. On risque de rater le bal.
Un concurrent, Enbridge, tente sa chance en 2010. Il invite les sables bitumineux à prendre le chemin de Northern Gateway vers l’océan Pacifique. Ils acceptent. Mais encore une fois les préoccupations environnementales et les droits amérindiens retardent la décision et ne laissent rien entrevoir de bon pour le bal.
TransCanada n’a plus rien à perdre. Pour aller au bal, il doit inviter le Québec, ce qui lui permettrait de rejoindre l’Atlantique, son troisième choix. La demande est faite en mars 2014. Le bal lui coûtera cher. Un trajet de 4600 kilomètres au lieu de 1897 kilomètres pour Keystone XL. Et le Québec, ce n’est pas encore l’Atlantique, mais le Saint-Laurent. Qu’importe. Contrairement aux États-Unis et à la Colombie-Britannique, la Belle Province fait peu de cas des conséquences environnementales.
C’est dommage que le Québec accepte de sacrifier sa réputation pour une invitation. Il serait préférable qu’il refuse à son tour et que les sables bitumineux demeurent dans le sol. Le fleuve peut être propre et attirant pour tellement d’autres activités. Mais c’est difficile de penser à long terme quand on a une mentalité de « loser ».
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