Le Bloc doit voir au-delà de la prochaine élection.

Adopter une stratégie à long terme

Tribune libre

Permettez-moi de profiter d'une période où la politique "bat son vide", pour prendre le contre-pied d'une expression connue, afin d'aborder la question de la survie du Bloc.

Il me semble avoir lu quelque part, dernièrement, que le Bloc avait économisé en vue de jouer son va-tout à l'élection qui vient. Je crois qu'il s'agit d'un très mauvais panier dans lequel mettre ses oeufs, et qu'il serait préférable pour le Bloc de chercher à simplement survivre à 2015 et de conserver l'essentiel de ses finances et de son énergie pour l'élection d'ensuite.

Considérons la situation actuelle. Le portrait présenté par les sondages est que le Bloc végète autour de 17%. Une bonne campagne le ramènerait peut-être autour de 25%, mais pour l'instant, le NPD demeure le principal bloc au Bloc, si je peux me permettre ce jeu de mots. Le PC de Harper se maintient grosso modo entre 10% et 15%. Quant au PLC de Justin Trudeau, il obtient autour de 30%, ce qui est à peu près le score de Jean Chrétien en 1993. Ce score ne représente donc que le retour des ultrafédéralistes traditionnellement libéraux à leur parti naturel, et rien de plus. Je n'imagine guère ce score augmenter beaucoup, au-delà de l'embellie estivale actuelle qui ne veut rien dire, étant donné le bagage que le parti et le patronyme Trudeau traînent au Québec. Le reste va au NPD.

Donc, le NPD a perdu les ultrafédéralistes libéraux, mais conservé les nationalistes québécois qui votaient autrefois pour le Bloc et se sont laissé charmer par Jack Layton. C'est suffisant pour que ce parti conserve la majorité des circonscriptions. Thomas Mulcair s'est montré assez habile pour être perçu comme un défenseur des intérêts du Québec. Quoi qu'il fasse, donc, le Bloc ne peut que surnager au-delà de la prochaine élection. Espérons qu'il conserve au moins un siège.

Car c'est après que le portrait devrait devenir intéressant. Pour peu que les sondages disent vrai, et ils sont remarquablement stables depuis plusieurs mois, on devrait se retrouver, à l'issue de la prochaine élection, avec un gouvernement minoritaire, vraisemblablement libéral. Si c'est le cas, on peut s'attendre à une nouvelle élection dans un délai rapproché, comme il arrive presque toujours en situation minoritaire.

Or, entre temps, à moins qu'il y ait menace constante d'élections anticipées, Stephen Harper aura probablement passé la main. Qui sera le nouveau chef du PC? Probablement quelqu'un d'encore plus étranger au Québec que Harper. Voyez-vous un candidat possible, intéressant pour le Québec ayant des chances d'être élu chef de ce parti? Moi pas.

Quant au NPD, il aura probablement terminé troisième. Or, Mulcair suscite déjà le mécontentement au sein de son parti, notamment à cause de ses positions trop pro-Israël et de sa volonté de rapprocher le parti du centre. Ces dissensions ne manqueront pas d'éclater au grand jour lorsque le parti se retrouvera à nouveau troisième. Si donc il y a course à la chefferie, ce qui me semble assez probable, qui deviendra chef du NPD? La même question que dans le cas du PC se pose ici: voyez-vous un candidat possible, intéressant pour le Québec et ayant des chances d'être élu chef de ce parti? Moi pas.

C'est pourquoi je suis d'avis que s'il survit jusque-là, le Bloc aura des chances intéressantes à l'élection qui suivra celle de 2015. Le PC fera un score semblable avec Harper ou probablement pire avec son successeur. Le PLC de Trudeau aura dans les 30%, score composé des non-francophones et des ultrafédéralistes francophones. Quant au NPD, avec un nouveau chef de l'extérieur du Québec, il risque de perdre les voix qu'il a prises au Bloc depuis 2011, à moins que ce nouveau chef ait un charisme comparable à celui de Jack Layton, ce qui est improbable.

Après le décès de Layton, les sondages montraient d'ailleurs que le NPD perdait graduellement des points au profit du PLC et surtout du Bloc, jusqu'à l'arrivée de Mulcair, qui a fait remonter le NPD. Le même phénomène risque de se reproduire après le départ de Mulcair. Or, je vois mal les anciens électeurs du Bloc, des nationalistes qui supportent Mulcair parce qu'ils croient qu'il défend les intérêts du Québec, jeter leur dévolu sur le PLC de Trudeau ou sur le PC. À moins qu'ils décident soudainement d'appuyer les Verts (!), cet électorat devrait revenir au bercail du Bloc.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 août 2014

    Salut Ougho,
    Voilà qui décrit bien l'air du temps. On peut parler de souveraineté tant qu'on veut, mais sans choquer ou bousculer personne. Même le Devoir se soumet à cette règle.
    Voilà bien pourquoi l'arrivée de Mario Beaulieu dans le paysage dérange tant. Il est déterminé à brasser la cage, et cela dérange le petit ron-ron quotidien.
    Ce qui est intéressant, c'est que Bernard Drainville semble disposer à suivre la voie ouverte par M. Beaulieu.
    On commence à avoir un aperçu de ce qui sera en jeu dans la course à la chefferie du PQ.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    16 août 2014

    Lise Payette fait son possible http://www.vigile.net/Le-vent-va-tourner pour faire ressortir le ridicule de la servilité du ministre Lebel à son chef Harper pour une tournée de propagande au Québec. Difficile de mettre des gants blancs pour commenter ce sujet dans les pages électroniques du Devoir. On y refusa cette petite prose:
    Ce gouvernement remplit la promesse de Lord Durham! Un pont que nous payons de nos impôts, on devra le repayer en le traversant!... Un robot aux yeux clignotants, au discours saccadé et ininterrompu, sans oreilles et sans émotion viendra faire son "love in" sans que nous voyions la ruse?
    Si nous votons pour un parti fédéraliste, c'est que nous avons déjà disparu!

  • Archives de Vigile Répondre

    14 août 2014

    Tout comme Bernard Landry, les québécois qui croient vraiment en l'indépendance du Québec devraient appuyer Mario Beaulieu. Il faut cesser de se diviser sur des questions de gauche, de droite, d'intérêts du Québec, d'intérêts des régions, les mous versus les purs et durs. L'urgence de la situation pour la survie du peuple québécois est telle que l'on doit faire bloc derrière un seul objectif soit l'indépendance du Québec.
    Cela ne doit pas nous empêcher de discuter des composantes de cette indépendance, d'avoir des divergences mais cela doit nous empêcher de rester dans son coin et de ne pas appuyer celui qui a été élu démocratiquement à la tête du Bloc québécois.
    Par ailleurs, ce qui presse pour l'indépendance du Québec, c'est l'élection rapide au Parti québécois d'un chef également déterminé à faire l'indépendance du Québec. Un chef qui n'aurait pas peur de faire campagne avec Mario Beaulieu dans la prochaine électorale fédérale pour l'indépendance du Québec.
    En remettant l'indépendance du Québec et ses modalités au coeur des discussions de la campagne fédérale, cela forcera Justin Trudeau et le NPD à déclarer leurs positions sur le droit du Québec à formuler lui-même la question référendaire, sur le 50% + 1, sur l'intégrité des frontières d'un Québec indépendant, etc.
    Cela changera la dynamique de cette campagne en faveur du Bloc québécois. Mais pour que cela se fasse, il faut que le bateau amiral de l'indépendance du Québec, soit le Parti québécois, s'implique activement dans cette campagne. Le Bloc peut difficilement mener seul la lutte contre trois partis fédéralistes, plusieurs milieux financiers fédéralistes, de nombreux chroniqueurs qui se plaisent à dire que l'indépendance c'est dépassée alors que depuis 1975 une quarantaine d'entités géographiques ont accédé à l'indépendance.

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    13 août 2014

    Toute cette belle politique théorique ne laisse au Bloc qu'une place de hasard ou du moins de pis aller.
    Le Bloc Québécois se positionne maintenant pour afficher à tous les jours à Ottawa le refus du Québec de se laisser ignorer, voire mépriser.
    Déjà que le peuple ait dormi autant à Ottawa qu'à Québec sur de fausses promesses par le NPD et le PlQ, maintenant que les conséquences économiques se font sentir sur notre niveau de vie, assistés sociaux dans le Canada, allons-nous miser sur ce sommeil politique encore pour une autre élection?
    Si les Québécois ne réalisent toujours pas le tort que nous fait le Canada, qu'ils n'arrivent pas gonflés à bloc dès l'année qui vient, dans quel état croyons-nous qu'ils arriveront après un autre mandat de lavage de cerveaux par les médias conscrits?

  • Henri Marineau Répondre

    13 août 2014

    La démission du député bloquiste de Haute-Gaspésie–La Mitis–Matane–Matapédia, Jean-François Fortin, vient ajouter de l’huile sur le feu aux réactions controversées ayant entouré la nomination de Mario Beaulieu à la tête du Bloc.
    Dans sa lettre de démission, Jean-François Fortin reprend pour l’essentiel les arguments des détracteurs du nouveau chef qui, selon eux, « radicalise le parti par son approche dogmatique, divise les souverainistes » et sape « la crédibilité établie par Gilles Duceppe et poursuivie par Daniel Paillé ».
    De son côté, Mario Beaulieu argue que les ténors du Bloc québécois font front commun derrière lui et que les arguments évoqués par le député Fortin viennent « torpiller le Bloc québécois et la cause indépendantiste », tout en ajoutant que le député démissionnaire « n’a jamais accepté la décision démocratique » des membres du Bloc de le choisir lors de la course à la chefferie.
    À mon sens, le Bloc québécois, sous la gouverne de Mario Beaulieu, joue la carte de la clarté concernant son option indépendantiste et il se doit de maintenir le cap dans cette voie malgré les soubresauts qu’elle provoque au sein de l’aile conservatrice du parti. En termes clairs, ça passe ou ça casse !