Éthique et politique

Le code Charest

Codifier le mensonge et le conflit d'intérêts

Chronique de Louis Lapointe

Les spécialistes de l’éthique affirment qu’un véritable comportement éthique doit être le résultat d’un réflexe, pas celui d’un calcul visant à soupeser ses intérêts personnels à agir suivant un code de conduite. Parce qu’il est conscient de ce problème philosophique, Jean Charest a décidé de diminuer ses exigences pour que tous les membres de son gouvernement puissent les respecter sans avoir à réfléchir aux conséquences de leurs agissements. Dans sa grande sagesse, Jean Charest vise donc le plus petit commun dénominateur que pourront respecter tous ses ministres dans un pur réflexe éthique, sans qu’ils aient à s’inquiéter de leurs intérêts personnels dans des entreprises qui sont ou seront en relations d’affaires avec l’État.
C’est dans cet esprit que Jean Charest a une nouvelle fois ajusté à la baisse les règles de conflit d’intérêts que doivent respecter tous ses ministres. Ne reculant devant aucun défi et inspiré par les plus nobles exigences morales, celle d’une éthique commune à laquelle tous les députés pourraient s’astreindre par pur réflexe, il nous a annoncé hier que nous aurions d'ici juin un commissaire à l’éthique et un code d’éthique pour l’Assemblée Nationale. Une situation à laquelle Bernard Landry a déjà fait face lorsqu’il a nommé André C. Côté commissaire au lobbying en juin 2002, à la suite de l’affaire oxygène 9. Mais contrairement à Jean Charest que rien n’oblige à agir rapidement, parce qu’il était en fin de mandat, le gouvernement de Bernard Landry était pressé par le temps. Une autre preuve des hautes exigences morales qui guident l’actuel gouvernement.
Les règles du code Charest

Pas besoin d’être devin pour imaginer le genre de règles d’éthique que devrait contenir le code Charest. Notre premier ministre nous a donné suffisamment d’indices de ce que pourrait être ce code depuis qu’il a accédé au pouvoir en avril 2003.
Nous savons déjà que le conflit d’intérêts sera autorisé, il sera peut-être même élargi et deviendra une condition pour être nommé ministre. Le Québec souhaite des ministres entreprenants ! Les exceptions créées pour Sam Hamad, Pierre Corbeil, Philippe Couillard et Pierre Arcand sont en voie de devenir une règle générale qu’il faudra certainement codifier. Avenant comme il est, Jean Charest devrait profiter du précédent créé par Pauline Marois pour autoriser la nomination de conjoints dans de hautes fonctions liées à ses ministres. Qui sait, si elle avait été avocate, Michou aurait certainement pu être nommée juge à la Cour du Québec ! Une autre règle que Jean Charest voudra certainement codifier en s’inspirant du cas de l’ex-épouse de Bernard Landry, qui avait été nommée juge alors qu’il était ministre.
Ce code devrait également clarifier la situation concernant les nominations partisanes à la tête des sociétés d’État. Il devrait en être de même pour toutes les nominations d’administrateurs et dirigeants d’établissements publics. Ils devront non seulement avoir une affiliation politique reconnue avec le parti au pouvoir, mais également des intérêts financiers à défendre au sein de ces organisations comme nous l’avons encore vu cette semaine dans le cas du FIER Boréal du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Pourquoi la vente de parcs nationaux, d’autoroutes, de ponts, de réseaux d’aqueduc, et j’en passe, à des amis du parti ne serait-elle pas également autorisée et même financée par la CDPQ ou la SGF ou dans le cadre de tout autre programme ad hoc que voudra bien instituer le gouvernement du Québec de temps à autre? Une véritable politique d'achat chez nous dont pourront bénéficier nos gens d'affaires!
Si l’on se fie au genre de campagne électorale que Jean Charest a menée l’automne dernier, nous ne devrions pas non plus nous étonner si ce code autorisait également le mensonge lorsqu’il se justifie. Comme nous le rappelait récemment feu Jean Pelletier et comme l’avait si bien dit avant lui Charles Guité, témoignant alors à la commission Gomery, lorsqu’il y a situation d’urgence appréhendée, il ne faut surtout pas lésiner sur les moyens utilisés pour sauver le Canada et le Québec du péril séparatiste. Dans un tel contexte, on comprend que les mensonges qu’a pu commettre Jean Charest au cours de la dernière campagne électorale au sujet de la Caisse de dépôt n’en étaient pas, puisqu’ils visaient à empêcher l’élection d’un gouvernement qui avait pour objectif de briser le Canada.
Une raison suffisante pour que ce code interdise également toute utilisation directe ou indirecte d’argent des contribuables québécois afin de faire la promotion d’idéologie visant à briser le Canada. Cela ne devrait pas poser trop de problèmes, même le PQ est d’accord avec cela !

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mai 2009

    La corruption institutionnalisée fera détruire la nation canadienne-française. C'est le grand objectif des pouvoirs pro-fédéralistes au Québec.