Qui a peur de l’indépendance ?

Chronique de Louis Lapointe

J’ai toujours pensé que la charte de la laïcité ne suffirait pas à convaincre les nationalistes mous de voter pour le PQ.

J’en ai même fait le sujet de plusieurs chroniques depuis l’automne dernier.

À preuve, aussitôt que la question de l’indépendance est apparue dans la présente campagne électorale, on les a tous vu se sauver chez les libéraux, comme ces coquerelles qui s’enfuient la nuit à la vue de la lumière.

Les présomptions de corruption qui pèsent sur le parti libéral n’y changeront pas grand-chose non plus.

Les Québécois ont peur.

Ils ont peur de l’indépendance.

Ils ont peur d’un référendum.

Ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas.

Un sentiment normal.

Les éditorialistes de la Presse l’ont répété tout l’automne.

Le moteur de la charte de la laïcité, c’est la peur de l’inconnu.

Les libéraux l’ont bien compris et ont adopté exactement la même stratégie que le Parti québécois.

Ils ont sorti l’épouvantail de l’indépendance et du référendum.

Un épouvantail encore plus gros que ceux de la charte de la laïcité et de la corruption dans l'esprit de plusieurs Québécois.

On le voit bien, les Québécois ont moins peur des foulards que du référendum.

Ils ont aussi moins peur de la corruption des libéraux que de l’indépendance.

Des gens qui portent des foulards, ils en voient régulièrement à la télévision quand ils ne les croisent pas dans la rue. Ils savent qu’ils ne sont pas dangereux.

Il en est de même de la corruption dont on leur parle tous les jours à la télévision depuis cinq ans. Les visages de la corruption dans l'industrie de la construction les accompagnent tous les soirs à l’heure du souper. Étonnamment, certains sont même devenus leurs héros.

Par contre, de l’indépendance on ne leur en parle presque jamais.

Comment voulez-vous que les Québécois en connaissent les vertus, surtout les plus jeunes qui en ont rarement entendu parler?

Les Québécois ont davantage peur de l’indépendance parce qu’elle comporte une plus grande part d’inconnu et d’incertitudes que la vue de signes ostentatoires ou de la corruption.

Alors, il arrive ce qui devait arriver.

Les libéraux n’ont même pas eu besoin de planter leur épouvantail dans la présente campagne électorale.

Les stratèges du Parti québécois s’en sont chargés eux-mêmes.

À la vue de PKP levant le poing, tous les nationalistes mous qui ont plus peur de l’indépendance et du référendum que des foulards et de la corruption ont décidé d’aller se réfugier là où ils auraient moins peur, chez les libéraux.

Comment les ramener au PQ?

En leur faisant encore plus peur ou en leur donnant davantage confiance en eux?

Deux semaines, c'est bien court!

***

Sur le même sujet :

Une couleuvre ne fait pas le printemps

Pour bien des Québécois, l’indépendance du Québec est encore un sujet tabou dont il ne faudrait surtout pas parler tant il fait peur. Un peu comme ce silence qui entourait la corruption dans l’octroi de contrats publics dans l’industrie de la construction avant qu’on instaure la commission Charbonneau.

Le Parti québécois l’a bien compris, mais, plutôt que de chercher à atténuer cette crainte en parlant des avantages de l’indépendance pour le Québec comme le faisaient René Lévesque et Jacques Parizeau dans le bon vieux temps, Pauline Marois préfère leur parler de laïcité.

Le prix de la trahison

Les indépendantistes se satisferaient-ils d’une charte de la laïcité, quitte à rester dans le Canada à défaut de gagner le prochain référendum sur l’indépendance ?

Je ne connais aucun indépendantiste sensé qui serait prêt à troquer l’indépendance pour la Charte de la laïcité.

Cette charte n’a pas été conçue pour les indépendantistes, mais bien pour les Québécois qui ne le sont pas.

Plutôt ceux qui ont été soulagés par les deux derniers échecs référendaires.

Le syllogisme identitaire

En fait, si ce projet reçoit l’appui d’une majorité de Québécois dont la fibre nationaliste vibre et même si faire du Québec une province laïque est un projet légitime, cela ne fait pas du Québec un pays.

Cela risque même d’en retarder l’échéance, satisfaisant la plupart des nationalistes mous qui souhaitent habiter un Québec fort dans un Canada uni si le recours à la clause dérogatoire leur permet de le faire.

Le risque de la vérité

La corruption est entrée dans nos mœurs, voilà pourquoi nous la tolérons chez nos dirigeants, alors que l’honnêteté est un risque, puisqu’elle peut nous faire perdre le peu que nous possédons : emploi, auto et maison.

La peur du vrai changement

Dans le fond, les Québécois préfèrent le statu quo à toute forme de changements, qu’ils soient cosmétiques ou plus profonds.

En fait, ils savent tous en leur for intérieur que le seul vrai changement c’est l’indépendance et les inévitables confrontations qui l’accompagneront.

Celles qu’ils vivront dans leurs familles, celles que le gouvernement du Canada et le ROC leur imposeront et qu’ils ne se résignent toujours pas à vouloir vivre pour fonder un pays.

Le jeu en vaudrait-il la chandelle ?

Toucher l’âme des Québécois

C’est peut-être parce qu’il ne sait pas comment se comporter dans le triomphe que notre peuple appréhende le jour où il connaîtra enfin l’indépendance, un peu comme dans un premier rendez-vous avec l’être aimé où hâte et crainte rivalisent avant de laisser place à l’extase ou à la déception. Les Québécois n’ont pas encore réussi à apprivoiser l‘indépendance, voilà pourquoi ils tardent tant à se l’approprier. Ils connaissent bien les émotions qui accompagnent la défaite, celles qu’ils ne veulent plus vivre, pas celles qu’apporte la victoire. Ils sont ignorants de ces choses comme nos grands-parents l’étaient des gestes et des mots de l’amour. Ce n’est certainement pas en faisant de l’indépendance un sujet tabou qu’on la fera !

Featured bccab87671e1000c697715fdbec8a3c0

Louis Lapointe534 articles

  • 889 975

L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





Laissez un commentaire



10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 avril 2014

    Le réveil est brutal ce matin, la réalité d'un Québec bien différent de mon enfance qui s'anglicise à vue d’œil. Le dégoût de voir comment le changement et la nouveauté font peur au Québécois.
    La population vieillissante avec leur téléphone à cadran, les jeunes qui ne votent pas et les immigrants laissés à eux, voilà le résultat des élections 2014.
    Les mots qui me viennent pour d'écrire les Québécois sont, amnésiques, sédentaire, soumis et individualiste.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mars 2014

    Monsieur Lapointe
    Vous ne pouvez pas être plus clair que ça avec votre texte. Le PQ récolte ce qu'il a semé, c'est-à-dire, la peur ou l'indifférence totale sur la question de l'indépendance pour ne pas en avoir assez parlé. En 2014, ce parti est encore incapable de mentionner le mot indépendance, ça veut tout dire. Je me demande si ce ne sont pas eux qui ont la trouille de perdre tous les avantages de leur carriérisme de dépendance avec la succursale provinciale d'Ottawa.
    Selon moi, ils sont tellement infiltrés de taupes fédéralistes qu'ils ne contrôlent même plus leur agenda politique. Notre immobilisme collectif va nous coûter cher surtout avec cette immigration massive qui est en train de nous assimiler et de nous faire perdre nos repères. Le réveil va être très brutal si nous ne décidons pas urgemment de nous prendre en main une fois pour toute. Vous connaissez la chanson de Pauline Julien: Mommy! Mommy!
    INDÉPENDANCE OU ASSIMILATION!
    André Gignac 24/3/14

  • Fernand Durand Répondre

    24 mars 2014

    La peur d’un référendum c’est le bout du bout, un référendum c’est comme une élection, il y a des préparatifs, des débats et on doit voter, ça ne se fait pas en cachette. C’est comme dire, je ne voterai pas pour le PQ parce qu’il fera une autre élection, quelque soit le parti au pouvoir il y aura d’autres élections, dans le pire des cas, au quatre ans.
    Pire, certains disent que nous devons collectivement éliminer les référendum et s’enlever collectivement ce droit de parole et ce pouvoir, pour toujours. Mais ils sortent d’oú cette bande de zoufs.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2014

    Qui a peur de l'indépendance?
    - Le confort.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2014

    «Bonjour...peut-être est-ce que les gens ne savent pas comment fonctionne un référendum...bizarre comme approche ( je crois que plusieurs de mes compatriotes sont des "ti-Jean connaissant)...mais on pourrait commencer à les initier avec une question... sur la langue française, par exemple... adossée au bulletin de vote.»

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2014

    Notre peur viens de nos origines Judéo-Chrétiennes.
    On nous a appris depuis notre tendre enfance qu'il
    faillait toujours tendre l'autre joue. Quel sera la
    prochaine étape. Je n'en sais absolument rien.
    Si les jeunes décident pour une fois de lâcher leur
    téléphone intelligent, leur Ipod, Ipad, portable etc.
    et de s'exprimer concrètement ça pourrait faire toue
    la différence. S'est à eux de décider car ils sont notre
    avenir.

  • Denis Lalande Répondre

    23 mars 2014


    Le Québec est en burn-out
    Comment voulez-vous… quand on ne peut rien.
    Comment voulez-vous … quand on a peur.
    Notre ossature développe des raideurs,
    et on souhaite rester assis
    parce que nos muscles répondent mal
    à nos désirs, à nos envies.
    Comment voulez-vous faire quelque chose
    quand on ne peut plus décider.
    Comment voulez-vous croire en l’espoir
    quand on a peur de tout ce qui change !
    Perdue, l’ambition de faire un pays.
    Oublié, le courage exemplaire de l’ancêtre.
    Indifférents de notre langue française qui se meurt.
    On fait encore confiance au fédéralisme trompeur.
    Des brigands nous volent des milliards.
    Des tripoteurs font des dons aux nantis.
    Des détrousseurs prennent nos derniers deniers.
    Des juges complaisants appliquent la clémence.
    Assis dans notre merde
    on se renferme, on se ferme
    au lieu de prendre la parole
    pour, au monde, crier notre présence …
    On se résigne.
    On plie l’échine.
    On badine.
    On est une nation bien fine.
    On ne se reconnaît plus.
    On ne s’en souvient plus.
    On ne cherche plus.
    On n’en veut plus.
    On est malades !

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2014

    @ Marcel Haché
    Lorsque vous parlez de gouvernance souverainiste, vous me ramenez à l'ancienne autonomie provinciale de l'Union Nationale disparue de la "map" comme on dit. Comme stratégie politique, c'est pas fort! pas fort! Nous n'avons pas fini de patauger dans la merde ici au Québec avec ces partis politiques sans projet d'avenir stimulant pour la nation québécoise. C'est désolant! Vive le "p'tit" provincialisme minable!
    INDÉPENDANCE OU ASSIMILATION!
    André Gignac 23/3/14

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2014

    Je me permets de reprendre ici avec quelques changements mon commentaire au dernier article de Rodrigue Tremblay, Réveillez-vous. Il s'applique ici avec la même pertinence.
    Comme beaucoup de Québécois je ressens le malaise qui ressort de la facilité avec laquelle Pauline Marois a été mise sur la défensive sur le référendum, incapable de rebondir de façon innovante. Au sortir de ce débat, on a l’impression que peu de choses ont bougé chez les stratèges péquistes depuis 20 ans. La faiblesse de la position de Pauline Marois est d’autant plus décevante qu’elle a justement cet air de déjà vu.
    Selon moi, il ne s’agit pas de prendre un engagement absolu contre la tenue d’un référendum, d’ailleurs s’agit-il de tout référendum ? Tout tient selon moi à la mise en ordre des concepts et à la façon de les présenter.
    Point un. Il faut rappeler qu’un référendum est d’abord un exercice démocratique. C’est un outil encadré par une loi québécoise qui permet de consulter la population sur un sujet donné. Or, la hargne anti-référendaire devrait déjà permettre de contre attaquer en demandant aux ennemis de la consultation populaire si ils ne sombrent pas doucement dans le déni de démocratie en s’acharnant à discréditer ce moyen, en lui-même irréprochable. Il y là des pendules qu’il faudrait remettre à l’heure.
    Point deux. Le référendum est un outil qui pourrait être utile d’utiliser pour débloquer la situation lorsque le manque d’indépendance sera ressenti plus massivement comme un frein au développement du Québec. C’est le sentiment frustrant d’être privé des moyens politiques qui assureraient la réalisation de notre potentiel qui fera de l’indépendance une conséquence inscrite dans notre dynamique nationale.
    Point trois. Le manque d’audace et d’imagination des gouvernements successifs du Parti québécois à occuper pleinement les champs de compétence déjà attribués à la province de Québec ne plaide pas en faveur de l’indépendance. Il y a un discours et des politiques nationales à mettre en place. Je ne ferai pas d’énumération, je suis sûr que ceux qui liront ces lignes pourvoiront avec leurs propres exemples. C’est un programme emballant d’occupation maximale de notre territoire politique que le gouvernement sortant du Parti québécois a négligé de proposer à l’électorat, se contentant de proposer à peu près la continuité. Les ambitions, les initiatives et les objectifs visés restent malheureusement trop en deçà de ce qui peut être disputé dans le cadre fédéral. Si le gouvernement du Parti québécois ne fait pas vraiment tout pour faire reculer les limites de la souveraineté dans le cadre actuel, la souveraineté future qu’on nous propose restera pour beaucoup de pragmatiques un luxe superflu.
    Point quatre. Un référendum à froid, sorti de nulle part, serait un suicide politique. Il ne faut pas demander à l’outil référendaire de donner ce qu’il ne peut pas donner. Cet outil ne peut être utilisé correctement que lorsque le besoin de trancher devient pressant et largement ressenti. Par contre, dans des circonstances précises et appropriées, un référendum sur un autre sujet que la souveraineté permettrait de recadrer l’outil pour le bénéfice de tout le monde et désamorcerait du coup la dramatisation entretenue qui entoure ce concept.

  • Marcel Haché Répondre

    22 mars 2014

    M.Lapointe.
    Tant et aussi longtemps que les indépendantistes ont fait eux-mêmes la promotion d’un référendum, les fédéraux et les médias n’avaient pas à intervenir, sachant fort bien que cette avenue était sans issue.
    C’est précisément parce qu’il semblait plausible qu’un gouvernement péquiste tâte à nouveau du référendum que les fédéralistes se sont appropriés de cet épouvantail à moineaux. Si le P.Q. l’avait fait lui-même, s’il s’était amusé à présenter cette bibitte à l’électorat, s’il s’était engagé encore une fois dans cette voie qui lui avait pourtant valu deux retentissantes rebuffades, les médias auraient laissé la campagne électorale suivre son cours, certains qu’ils sont du résultat à un éventuel référendum.
    Les nationalistes mous n’ont pas peur de l’Indépendance. Ils ont peur du brasse-camarade inévitable qu’un référendum ne manquerait pas de créer. Croyez-vous à cette lubie qu’un référendum gagné par la peau des dents laisserait Ottawa et Washington totalement froids ? Regardez simplement aller ces deux capitales aussi loin qu’en Crimée, où un référendum révèle des scores bien meilleurs que 50% plus 1, pas loin de l’unanimité.
    Si la gouvernance souverainiste ne constituait pas un danger réel pour les fédéraux, comme se plaisent à le répéter les caribous, pourquoi pensez-vous alors les médias se sont-ils autant déchaînés dès l’élection ?
    La menace d’un référendum est une arme bien plus décisive que la tenue elle-même de la consultation. Les fédéraux l’ont manifestement compris (voir alors les sondages qui montrent la vulnérabilité du P.Q.). À nous de nous en souvenir… si Nous Nous donnons une majorité péquiste, bien évidemment, ce qui est loin d’être certain, bien évidemment aussi…