Daniel Loiselle, Jean Simard et Michel Bélanger - Les auteurs adressent leur lettre ouverte à M. Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque nationale.
Il y a 25 ans que l'Association des professionnels de l'enseignement du français au collégial (APEFC) fait affaire avec la Banque Nationale (succursale Saint-Laurent). Il y a 25 ans que l'APEFC fait la promotion de la langue française et de la littérature, en particulier des écrivains français et québécois. Notre association croit que le développement de la nation québécoise s'est fait et se fera sur la base d'une langue d'usage commune, le français, et d'une histoire culturelle transmise par les institutions qui structurent notre société.
Vous comprendrez donc, M. Vachon, notre étonnement et notre vive déception devant l'attitude de la BN quant à l'utilisation du français et de l'anglais à son siège social montréalais. Vous avez affirmé que le recours à l'anglais était obligatoire dans le secteur des TI entre les employés de cette grande banque québécoise, à cause de l'unilinguisme d'administrateurs venus de l'Ontario et de consultants internationaux. Puis vous déclarez qu'on offrira des cours de français. Pensez-vous que, sans l'exigence explicite de leur employeur, de hauts dirigeants unilingues anglais se mettront à travailler en français à Montréal?
L'APEFC se souvient de l'insulte que Donald Gordon avait faite aux Canadiens français en affirmant, en 1962, que la direction du CNR ne comptait pas de Canadiens français car aucun n'était assez compétent. Cette humiliante déclaration a été largement démentie depuis des décennies, les universités québécoises formant de plus en plus de cadres francophones compétents, l'Office québécois de la langue française contribuant à la francisation des termes dans tous les domaines, les gens d'affaires francophones gravissant rapidement l'échelle du pouvoir économique.
Mais il est vrai que la commission Laurendeau-Dunton (1963-1969) puis la commission Gendron (1968-1973) avaient révélé que les Québécois francophones devenus bilingues et occupant de hautes fonctions étaient, (trop) souvent, les premiers à juger les autres francophones bilingues comme peu compétents. Le vibrant poème Speak White de Michèle Lalonde est-il toujours d'actualité?
«Pardonnez-nous de n'avoir pour réponse que les chants rauques de nos ancêtres et le chagrin de Nelligan.»
Propositions de lecture (des oeuvres courtes) pour hauts dirigeants: La traversée de la ville, M. Tremblay; Nikolski, Nicolas Dickner; L'homme de la Saskatchewan, Jacques Poulin.
Nous ne souhaitons pas que la BN se lance dans «une chasse à l'Anglais» (La Presse, 25 novembre). Nous croyons que la direction de la BN, cette grande banque qui s'est édifiée fièrement sur une image nationaliste, ne peut manquer à un devoir de solidarité culturelle: la BN peut et doit contribuer au développement et au rayonnement de la langue officielle du Québec, le français.
Nous suivrons attentivement les développements de cette affaire. Et nous agirons en conséquence à l'occasion de la prochaine assemblée générale de nos membres. Nous croyons que la BN peut valoriser le statut du français dès l'embauche, à la signature de contrats de services et dans les communications entre ses employés, et ce, à tous les niveaux. Aux dirigeants de la Banque Nationale de choisir le statut qu'ils accordent à la langue officielle du Québec.
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Daniel Loiselle, Jean Simard et Michel Bélanger
Les auteurs sont respectivement président, vice-président et trésorier de l'Association des professionnels de l'enseignement du français au collégial (APEFC).
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