Le glaive et la pesée

Vigile

Réplique à l’article de Catherine Dorion :
« Réponse à Michel Seymour - Au Québec, le vent vient de tourner »,
Le Devoir du 7-8 mai 2011.
http://www.ledevoir.com/politique/elections-2011/322814/reponse-a-michel-seymour-au-quebec-le-vent-vient-de-tourner


Référence : Michel Seymour, « Élections fédérales - Que s'est-il donc passé? »,
Le Devoir, 4 mai 2011

http://www.ledevoir.com/politique/elections-2011/322492/elections-federales-que-s-est-il-donc-passe

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Le glaive et la pesée

Un nouvel âge de la parole

Claude Gauvreau disait qu’il faut poser des actes d’une si complète audace que même ceux qui les critiqueront devront admettre qu’un pouce de délivrance a été conquis pour tous. S’il est une raison sous laquelle les Québécois de toutes les langues et de toutes les cultures devraient s’unir, c’est bien celle-là.
Allant dans ce sens, l’écriture de Catherine Dorion éveille l’espoir que nous fassions d’un nouvel âge de la parole notre demeure. Souhaitons que la flamme qui porte les convictions qu’elle défend existe de manière grandissante chez-nous. La longue traversée du désert du silence s’achève-t-elle ? Si le vent vient effectivement de tourner, c’est dans cette direction qu’il nous faut en rechercher les premiers signes.
Les arguments contenus dans la présente réplique sont formulés dans l’espoir de contribuer au processus de délibération civique qui participera à un retour structuré du mouvement indépendantiste québécois. Je m’exprime dans la conviction qu’un tel retour demande la contribution de plusieurs ordres d'activismes politiques pour naître à lui-même de la manière la plus complète qui soit.

Irréductibles indépendantistes et gens de la nuance

Sur l’échiquier politique indépendantiste, il y a une place pour « les gens de la nuance » qui incarnent des positions moins fermes ou polarisées que celles tenues par les « irréductibles indépendantistes » (comme les Irréductibles Gaulois de la bande dessiné Astérix).
Si les nuancés cherchent à exprimer l’horizon d’action politique réel du Québec afin de nous permettre un meilleur entendement de notre contexte sociologique, les irréductibles sont le fer de lance de l’avancée historique de notre société vers un nouveau stade de son accomplissement historique.
Si les premiers s’attachent d’abord à la balance de la justice, ils sont sujets aux risques qu’encourent les juges qui apportent des remèdes trop doux aux maux dont ils ont la responsabilité du traitement. Si les seconds sont assujettis à l’obligation d’une recherche formidable de justesse dans l’expression du moindre geste, c’est que la marge de manœuvre entre le bon et le mauvais est mince pour qui porte le glaive. Nous jugeons mal ici les manques de contrôle dans l’utilisation de la force.
Aussi, prenant pour point de départ une réflexion sur la nature de l’engagement politique qui nous conduira à la tenue d’un 3e référendum, j’aimerais soutenir qu’il ne sert à rien de nier les possibilités qui existent à l’intérieur de l’horizon d’action politique des relations Québec- pour mieux en faire valoir les blocages. La maturation de toute conviction politique profondément enracinée dans les Québécois ne peut se faire qu’à travers l’évaluation lucide et responsable des choix qu’ils ont à faire.
Faisons confiance à notre société civile dans sa capacité à délibérer lorsque les choses sont présentées avec clarté. Convenons donc ici que l’important ne consiste pas tant en ce que tous pensent la même chose, mais qu’une majorité forte de Québécois francophones et anglophones se déterminent à travers la conviction que l’indépendance politique du Québec soit la chose la plus juste à accomplir pour l’épanouissement de leur société.

Sur la nécessité d’une pensée nuancée

Ainsi, deux arguments vont dans le sens de l’évitement de luttes fratricides inutiles que pourraient se livrer les irréductibles et les nuancés au cours des temps à venir.
Premièrement, force est de constater que bon nombre de Québécois peuvent s'identifier davantage aux constats et aux stratégies avancés par les nuancés que par celles défendues par les irréductibles (je ne parle d'aucune stratégie en particulier). Les faits historiques parlent d'eux-mêmes en ce domaine : les Québécois affectionnent (heureusement) la recherche d’un territoire commun de partage qui s’établirait tant au niveau des individus qu’à celui des sociétés. En outre, il ne faut pas oublier que, si l'élection de la semaine dernière a effectivement modifié un certain nombre de choses dans l’état d’esprit qui nous a caractérisé depuis plusieurs années, la souveraineté du peuple s’est déjà exprimée à deux reprises contre le projet indépendantiste d’une part, et, d’autre part, les sentiments mitigés des Québécois vis-à-vis de l'indépendance n'ont pas disparu par enchantement en une nuit. Autrement dit, la fatigue politique québécoise demeure à ce jour.
Dans ces conditions, la ligne de partage des eaux qui devrait nous séparer ne doit pas se faire entre les nationalistes (qu’ils soient nuancés ou irréductibles), elle doit se faire entre les gens chez qui dominent les allégeances politiques envers le Québec et ceux chez qui elles s’attachent d’abord au .
Deuxièmement, reconnaissant d’emblée que l'accession du Québec à l'indépendance procède nécessairement d'une pensée pragmatique, il me semble que les analyses des nuancés relèvent davantage de la « realpolitik » que celles développées par les irréductibles. Partant de là, j’aimerais affirmer que les catégories d’analyses produites à travers les interventions des nuancés sont ainsi en mesure d’ouvrir des champs d'argumentations et de stratégies qui pourront éventuellement servir la cause nationaliste québécoise autant que la construction de convictions indépendantistes actives au sein du peuple.
Ainsi, de ce point de vue, cette réplique à l’Article de Mme Dorion naît du sentiment qu’une injustice a été commise dans l’évaluation des arguments que Michel Seymour articulait dans son article paru le 4 mai 2011 dans Le Devoir et qui s’intitulait « Élections fédérales – Que s’est-il donc passé ? ». Je ne crois pas que les idées qu’il défendait constituaient une invitation à un nouveau Beau risque. Je crois plutôt que Seymour a tenté d'exprimer la compréhension qu’il a de l'horizon d'action politique possible pour le Québec à l'heure actuelle.
Personnellement, je suis généralement d’accord avec sa perception des choses et je me range dans le camp des « indépendantistes de conclusion » qui proposent que nous déterminions maintenant une série de conditions perdantes dans les rapports Québec-Canada qui viendraient justifier un rassemblement de l’ensemble des patriotes québécois sous une raison commune indépendantiste.
Idéalisme et espoirs
Nous sommes au début d'un processus qui demandera certainement du courage et de la détermination. Peut-être plus encore, nous devrons faire preuve de la clarté d'esprit et de la force de caractère qui rendent possible le déploiement consciencieux des actions historiques.
Dans ces conditions, si on songe au travail qui doit être accompli pour accompagner le Québec vers un nouveau référendum, il ne s'agira surtout pas d’offrir le spectacle d’individus impatients qui tirent sur toute pensée divergente ou qui tirent sur tout ce qui n’est pas convaincu à leur hauteur extraordinaire de l'importance de l'accession du Québec à son indépendance politique.
Si l'objectif véritable est l'indépendance du Québec, alors l'heure n'est pas aux attaques violentes contre nos camarades et nos opposants, elle est au regroupement des forces et des arguments capables de porter notre société vers l'objectif visé.
Il faut être convaincant par l’exposé de raisonnements bien maîtrisés qui sont offerts aux gens de manière précise autant que respectueuse. Faire l'indépendance du Québec, c'est vouloir faire un pays avec tous les Québécois – même ceux qui ne pensent pas comme nous. Il nous faudra ainsi aimer beaucoup et mépriser peu. Aussi, il nous faudra nous mettre au service des idées plutôt que de mettre les idées à notre service.
Il ne faut pas que la politique indépendantiste soit une force réactive mais une force active. Il ne faut pas réagir aux opinions qui ne sont pas le reflet de nos sentiments et de nos conclusions, mais être un territoire d'affirmation positif intégral.
En d’autres termes, il nous faut être possédés par l'expression de notre propre pensée politique jusqu'au point où les gens auront d'eux-mêmes le désir de se l’approprier à leur tour : c’est en cela que nous pouvons aimer beaucoup et mépriser peu ; c’est en cela que nous serons au service des idées sans nous servir mal d’elles ; c’est en cela que notre passion trouvera le chemin des bouches et des cœurs sans devenir pour autant une violence mal dirigée.
Nicholas Belleau,
Sainte-Anne-de-Beaupré,
9 mai 2011.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2011

    Pour connaître un réseau d'organismes indépendantistes
    CAP SUR L'INDÉPENDANCE: http://www.capsurlindependance.org/