Lettre adressée au premier ministre du Québec

Le MLQ réclame une charte de la laïcité

Laïcité — débat québécois

Montréal, le 20 mai 2009
M. Jean Charest

Premier ministre du Québec

Édifice Honoré-Mercier, 3e étage

835, boulevard René-Lévesque Est

Québec (Québec)

G1A 1B4
Objet : Urgent besoin d’une charte de la laïcité

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Monsieur le premier ministre,
Le Mouvement laïque québécois réclame de façon urgente la tenue d’une commission parlementaire ou la publication d’un livre blanc sur la place de la religion dans l’espace public au Québec et l’adoption d’une charte de la laïcité afin que soit concrétisé par un dispositif législatif clair et cohérent le principe de neutralité de l’État.
Étant donné qu'il n’existe actuellement aucune déclaration ou reconnaissance formelle de la laïcité de l’État, tant au Québec qu’au Canada, nous craignons que l'inaction sur l’ensemble des questions relatives à la laïcité ne contribue à détériorer le climat social et politique du Québec.
Lors du dépôt du rapport de la Commission Bouchard Taylor, votre gouvernement a choisi de rejeter la recommandation visant le retrait du crucifix de l’Assemblée nationale. Pourtant, ce geste symbolique puissant aurait exprimé une volonté d’engagement ferme et résolu en faveur du principe de neutralité de l’État et aurait eu force d’exemple pour l’ensemble de la société.
Plus récemment, votre gouvernement a renié l’avis du Conseil du statut de la femme qui a clairement recommandé l’interdiction du port de signes religieux au sein de la fonction publique. Vous avez préféré rallier, par la voix de la ministre de la Condition féminine Christine St-Pierre, la position ambiguë et contradictoire de la Fédération des femmes du Québec.
La question de la neutralité de l’État ne se limite pas uniquement à un dossier de condition féminine; le port de signes religieux rejoint l’ensemble de la population québécoise, hommes et femmes, toutes origines et appartenances identitaires confondues et que toutes les religions sont visées également.
Le débat de fond sur la laïcité que nous souhaitons est beaucoup plus large que la seule question des signes vestimentaires car il concerne tout autant le bon fonctionnement de nos institutions démocratiques et de notre système d’éducation.
Au niveau municipal, votre gouvernement néglige de donner force de loi à un jugement du Tribunal des droits de la personne ayant statué que la récitation de prières lors de séances de conseils municipaux est contraire à la Charte des droits et libertés. Ce jugement a reconnu la laïcité des municipalités en tant qu’institutions publiques. Certains maires récalcitrants persistent dans leur pratique discriminatoire et se retrouvent encore devant les tribunaux aux frais de l’ensemble des contribuables.
En matière d’éducation, votre gouvernement a décidé de maintenir à grands frais des contenus de nature religieuse et des services complémentaires d’animation spirituelle dans les écoles et ce malgré les réserves émises par divers comités ministériels d’approbation des programmes ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Cette persistance indue du religieux dans nos écoles pourtant supposées laïques suscite de nombreux litiges dont certains se retrouvent présentement devant les tribunaux.
L’ensemble de ces problèmes qui ont pour origine commune la présence indue du religieux dans certaines institutions étatiques demeurent toujours non résolus. Nous considérons donc que la saine gestion du bien commun et le maintien de la paix sociale passent par l'instauration d'une véritable laïcité des institutions publiques.
Pour assurer un tel contrat social, nous croyons que le Québec doit adopter une charte de la laïcité reposant sur les principes fondamentaux suivants :
- La liberté de manifestation publique de ses opinions et croyances doit être assortie de limites propres au respect du pluralisme religieux, à la protection des droits et libertés d’autrui, aux impératifs de l’ordre public et au maintien de la paix civile.
- Tout agent public et tout collaborateur du service public a un devoir de stricte neutralité (et d’apparence de neutralité) religieuse et politique (au sens partisan de ce mot).
- Il est interdit aux tribunaux de tenir compte des croyances et convictions intimes des personnes pour moduler un jugement ou une sentence relatif à leurs actes ou encore pour leur accorder ou leur retirer quelque droit ou avantage.
- Ni le législateur, ni les agents de l’Administration, ni les tribunaux n’ont la moindre compétence pour se prononcer sur la validité des croyances à un monde surnaturel.
- L’État ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne (directement ou indirectement) aucun culte.
Par la requête formelle que nous vous adressons aujourd’hui, nous réaffirmons l’importance de redéfinir un contrat social faisant état des droits et des obligations de tous les citoyens envers les institutions communes.
Veuillez agréer, Monsieur le premier ministre, l’expression de nos meilleurs sentiments.
Marie-Michelle Poisson

Présidente

Mouvement laïque québécois


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