À la sortie des États généraux sur l'éducation en 1996, le verdict était unanime : l'école devait prendre un grand virage pour améliorer la réussite des élèves et contrer le décrochage scolaire. Dix ans plus tard, la réforme est critiquée de toutes parts. Que s'est-il donc passé?
Pour répondre à cette question, Le Soleil a réuni autour de la même table les représentants des commissions scolaires, des directeurs d'école, des enseignants et des parents. Le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, a toutefois décliné l'invitation.
Pour expliquer le bilan mitigé de la réforme, la présidente de la Fédération des comités de parents évoque d'abord la résistance au changement, en montrant du doigt les enseignants : «On est venu jouer dans les façons de faire des enseignants et ça en a heurté plusieurs», dit Diane Miron.
Cet avis est partagé par André Caron, président de la Fédération des commissions scolaires : «Il ne faut pas oublier que la réforme a été un enjeu de négociation à deux reprises, ça n'a pas aidé.»
Mais la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE) rejette d'emblée ces accusations. Pour sa vice-présidente, Paula Duguay, ce sont d'abord les conditions dans lesquelles la réforme a pris naissance qui sont à blâmer : "La réforme s'est implantée avec précipitation, elle a été imposée de façon universelle. (...) On a souvent dit que c'était une réforme de papier parce que lorsqu'on est venu pour l'implanter, on a eu beaucoup de difficultés."
Manque de suivi
Malgré les interprétations différentes, tous s'entendent toutefois sur un point : le manque de suivi et d'évaluation a sérieusement nuit au succès du «renouveau pédagogique» (nouveau nom de la réforme).
Depuis son implantation en 2000 au primaire, la réforme n'a fait l'objet d'une évaluation formelle que cette année, par l'entremise de la Table de pilotage sur le renouveau pédagogique.
Le bilan, rendu public à la fin août, est très mitigé : les enseignants estiment que les élèves sont plus motivés, mais ne réussissent pas mieux. Leurs résultats ont chuté considérablement en français écrit, en mathématiques et en science.
La réforme a aussi été victime d'un problème de communication, ajoute Serge Morin, président de la Fédération des directeurs d'établissement d'enseignement. "On a fait une communication de bonhomme sept heures ! lance-t-il. On a utilisé un langage compliqué, on a parlé de " socioconstructivisme " et de " compétences transversales " alors qu'on aurait dû utiliser une stratégie de communication plus proactive, pour rassurer la population.»
Les acteurs du milieu montre du doigt le ministère de l'Éducation, qui a manqué de leadership sur plusieurs plans, estiment-ils. Rien que pour la dernière réforme, depuis le dévoilement des grandes orientations en 1996, cinq ministres se sont succédé.
Quel avenir ?
Six ans plus tard, les commissions scolaires, directeurs d'école et parents estiment que les mesures annoncées par le ministre Fournier permettront de rectifier le tir. Seuls les enseignants, et plusieurs experts qui ont fortement critiqué la réforme au fil des ans, auraient préféré mettre un frein à l'implantation de la réforme en deuxième secondaire et à l'évaluation des «compétences transversales», le temps que le Conseil supérieur de l'éducation se penche sur la question.
Seul le temps dira si le virage annoncé permettra de remettre la réforme sur les rails qui mèneront les élèves à l'objectif de départ : mieux réussir à l'école.
40 ANS D'ÉCOLE PUBLIQUE
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