Le rapport de force de François Legault

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La politique est faite d'intérêt, de rapport de force et d'effectivité

Au premier coup d'œil, le foulard bleu poudre ou « bleu CAQ » que portait Régis Labeaume en serrant la main de François Legault à l'Aquarium de Québec donnait l'impression que le maire faisait un clin d'œil au nouveau premier ministre. « Pure coïncidence », précisait l'entourage du maire, ajoutant que le foulard avait été acheté dans un bazar de Bakou, en Azerbaïdjan.


Peu importe, au même titre que son foulard lui serrait le cou, l'emprise de la CAQ sur la région de Québec limite dorénavant le rapport de force de Régis Labeaume. Avis à ceux qui discutent avec François Legault : c'est lui qui a le gros bout du bâton.


« Le premier ministre […] s'est fait élire là-dessus. Il faut respecter ça. Son projet, c'est un troisième lien à l'Est. Je me vois mal me battre pour l'Ouest actuellement. Ça ne serait pas une bonne idée », admettait le maire de Québec à propos d'un enjeu de transport entre la capitale et la Rive-Sud souvent évoqué pendant la dernière campagne électorale.


Plusieurs se sont pincés en entendant Régis Labeaume parler de la sorte. Depuis plus de 10 ans, il règne en roi et maître sur Québec. Son style parfois corrosif n’appelle pas à la réplique. Le voir abdiquer de la sorte, rendre les armes sans baroud d’honneur, a été une surprise.


S’il peut être colérique et cassant, Régis Labeaume est aussi pragmatique. Il sait qu’avec 11 des 14 circonscriptions de la grande région de Québec, François Legault jouit d’un rapport de force favorable, très favorable même. Se battre, dans ce cas-ci pour un 3e lien à l’Ouest, aurait été inutile. C’est Québec qui décide et le premier ministre veut que la construction se fasse à l’Est, elle se fera à l’Est.


Autre surprise, le maire est prêt à « embarquer » dans la réforme de l’immigration que le gouvernement propose, pourvu que les immigrants soient choisis pour combattre la pénurie de main-d’œuvre. Exit la critique sur la réduction du nombre d’immigrants. François Legault veut quelque chose, le maire de Québec est prêt à l’appuyer. Rapport de force, quand tu nous tiens!


Scheer à l'écoute


Le mandat fort que les Québécois ont donné à François Legault lui confère aussi un avantage dans sa relation avec les partis fédéraux. Ceux-ci seront en campagne électorale dans moins d’un an et ils ne voudront pas se fermer de portes au Québec.


Les commentaires d’Andrew Scheer, le chef conservateur de passage à Québec jeudi, sont éloquents. Il est prêt à discuter des pouvoirs du Québec en matière d’immigration (sans préciser sa pensée), il veut ajuster l’immigration aux besoins de la main-d’œuvre et, même si on le sent très mal à l’aise sur l’interdiction des signes religieux, il affirme qu’il respectera la décision de Québec.


On peut comprendre ici que M. Scheer ne veut pas froisser le nouvel homme fort du Québec et qu’il marchera sur des œufs aussi longtemps qu’il le faudra.


La morale de ces constats, c’est que le message de François Legault à ses interlocuteurs est clair : il veut aller de l’avant avec son programme et, sans imposer ses vues, il estime qu’il a le gros bout du bâton.


Sébastien Bovet est chef du Bureau parlementaire de Radio-Canada à l’Assemblée nationale