Les caisses populaires, ces coopératives qui agissent comme des banques

Tribune libre

Paul Cliche, membre d’une caisse populaire Desjardins depuis 60 ans
Après avoir fermé son point de services au Village olympique en 2011, la Caisse populaire Mercier-Rosemont vient aussi de fermer le guichet automatique qu’elle avait alors laissé ouvert. Les usagers de ce dernier se retrouvaient surtout parmi les locataires de cet immeuble, formé de deux pyramides comptant près de 1 000 appartements; mais aussi parmi les employés travaillant dans les nombreux bureaux gouvernementaux et privés qu’il abrite. Les représentants de l’association des locataires du village ont eu beau écrire aux dirigeants de la caisse, les rencontrer puis organiser des moyens de pression (pétition, manifestation); l’entreprise propriétaire du Village a eu beau aussi offrir de loger le guichet gratuitement, rien n’y fit. Le couperet a finalement tombé comme l’avait d’ailleurs décrété la direction de la caisse dès la fermeture du point de services en 2011.
Cette dernière a soutenu que le guichet ne desservait pas assez de clients pour être rentable. Elle s’est bien gardée toutefois de fournir des chiffres à l’appui de ses dires. On repassera pour la transparence ! Le nouveau point de services étant situé à une distance de quelque deux kilomètres aller-retour, de nombreux locataires handicapés qui ne sont pas motorisés ou trop âgés -dont plusieurs octogénaires- ne peuvent s’y rendre sans l’assistance de quelqu’un d’autre. La succursale de la banque installée en face des pyramides, rue Sherbrooke, vient donc de voir son nombre de clients augmenter pour la peine.
La fermeture qui vient de se produire au Village olympique, est arrivé à des centaines, sinon à des milliers, de points se services et de guichets automatiques des caisses populaires Desjardins, ces dernières années, à travers le Québec. Ces derniers ont été fermés sans de véritables consultations et souvent malgré une vive opposition fondée des milieux où ils étaient implantés depuis longtemps. Ce phénomène a pris tellement d'ampleur qu'il a soulevé beaucoup de mécontentement, surtout dans les communautés rurales dont les membres, se voyant privées de services du jour a lendemain, doivent franchir maintenant des distances déraisonnables pour avoir accès à leur caisse.
«La démocratie n’est pas en santé dans le réseau des caisses»
Un ex-président du Mouvement Desjardins, Claude Béland, a admis récemment dans un courriel adressé à un quotidien qui venait de publier un reportage où on relevait l’acuité de la situation que les caisses imitent de plus en plus le fonctionnement des banques. «La démocratie n’est pas en bonne santé dans le réseau des caisses. Les assemblées générales actuelles sont désertes, les membres ayant, tout compte fait, très peu de pouvoirs. La caisse n’est plus ‘leur’ caisse. Pas étonnant que la fidélité s’effrite…La caisse apparait comme une institution financière comme les autres», a t’il écrit
M. Béland a dirigé le Mouvement Desjardins pendant 13 ans, de 1987 à 2000. Il agit maintenant comme professeur en démocratie et en gouvernance auprès d’entreprises de l’économie sociale. Il préside aussi le Mouvement démocratie et citoyenneté du Québec.
Plusieurs, estimant que les caisses ont perdu leur âme, critiquent la politique de rémunération de la haute direction du Mouvement Desjardins, dont le salaire versé à la présidente Monique F. Leroux. Ses défenseurs la justifient en établissant une comparaison avec les banques. On la justifie en effet en arguant qu’il faut à la tête de ce mouvement coopératif de bons banquiers et que le marché des bons banquiers est un très compétitif. On oublie justement que les coopératives financières que sont les caisses ne sont pas des banques. Dans le cas des banques, le partage des profits de l’entreprise revient aux investisseurs, Dans le cas des coopératives, le partage se fait entre les membres sociétaires. «On ne peut donc dire que tout va bien dans une coopérative en cherchant à copier ce qui se fait dans des entreprises dont les valeurs et les règles de gouvernance sont fondamentalement différentes», a conclu M. Béland.
Le fondateur du mouvement, Alphonse Desjardins et son épouse Dorimène, qui lui ont fait faire modestement ses premiers pas dans la cuisine de leur résidence à Lévis, doivent se retourner dans leur tombe en constatant une telle déviation de l’idéologie coopératiste! Quant à moi, je suis toujours à 78 ans membre d’une caisse populaire où je profite des services d’une conseillère dévouée. Mais que j’aimerais retrouver la ferveur coopérative de mes 20 ans alors qu’étudiant je remplissais la fonction de gérant de la caisse populaire du Collège de Lévis, institution que Desjardins avait lui-même fréquenté 90 années plus tôt!

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Paul Cliche76 articles

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Membre fondateur du Mouvement pour une démocratie nouvelle et auteur du livre Pour une réduction du déficit démocratique: le scrutin proportionnel ; membre de Québec Solidaire; membre d’ATTAC Québec; membre à vie de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal.





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 novembre 2013

    Il y a près d'un mois nos deux enfants (7-9ans) sont arrivé de l'école avec toute une paperasse de la caisse pop. qui les avait visité. Notre mécontentement de parents exprimé ils se sont mis à hurlé qu'ils n'avaient pas le choix, qu'ils ne pourraient pas gagner le concour,etc.
    La caisse pop. a perdu sa couleur verte pour la rouge de coka cola avec des nananes sous les capsules.
    Pourquoi ne pas empecher les banques de rentrer dans les écoles comme pour les machines à coke?

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2013

    Avant de jeter le blâme sur Monique F. Leroux, il faut s'interroger si c'est son caractère qui est en jeu, ou le produit de sa formation. Je ne connais peu sur elle, si ce n'est qu'elle prit la tête du Mouvement Desjardins en 2008, et fut réélue en 2012. En cherchant, je trouve ceci :
    Bacc. en administration, UQ Chicoutimi;
    comptable agréée et cma.
    Présidente et chef de la direction au mouvement desjardins, 2008- ;
    world color press inc, 2005-2007;
    sénior VP exécutif et chef de l’exploitation de québecor, 2000-2001;
    VP principale de la division du québec, et VP des finances banque royale du canada, 1995-2000;
    enseignante en comptabilité et des impôts, HEC.
    membre du CA de l'association européenne des banques coopératives;
    conference board du canada;
    le CA de montréal international;
    le conseil consultatif canadien de Catalyst;
    université de montréal;
    hec montréal;
    institut de cardiologie de montréal.
    intérêts caritatifs:
    fondation de l'institut de cardiologie de montréal;
    l'OSM;
    membre du comité des gouverneurs à investissement, femmes-montréal.
    et
    Monique F. Leroux est présidente du conseil et chef de la direction du Mouvement Desjardins, premier groupe financier coopératif du Canada.
    Membre du Conseil canadien des chefs d'entreprise et du Conseil des fondateurs du réseau Québec Global 100, madame Leroux préside également le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité et est membre du conseil d'administration de Coopératives et mutuelles du Canada. Elle est membre du conseil d'administration et du comité exécutif du Groupement européen des banques coopératives, vice-présidente du comité présidentiel et membre du comité exécutif de la Confédération internationale des banques populaires, membre du conseil d'administration du Crédit industriel et commercial du Crédit Mutuel. Madame Leroux est membre du Global Agenda Council sur le rôle des entreprises du World Economic Forum, du Conseil des gouverneurs de HEC Montréal, du comité aviseur de la Faculté de gestion Desautels de l'Université McGill et du Conseil des gouverneurs de Finance Montréal. Madame Leroux est membre du Comité consultatif sur la fonction publique nommé par le premier ministre du Canada, du Comité aviseur canadien de Catalyst et du groupe canadien de la Commission trilatérale. Enfin, elle est partenaire fondatrice du Sommet international des coopératives de Québec (2012-2014).
    Madame Leroux est membre de l'Ordre du Canada, officière de l'Ordre national du Québec, chevalier de la Légion d'Honneur et de l'Ordre de la Pléiade, récipiendaire du prix Woodrow-Wilson, de la médaille du Centre Jacques-Cartier et du prix Hommage de l'Ordre des comptables professionnels agréés (CPA). Elle est docteure honoris causa de plusieurs universités canadiennes. Elle est Fellow de l'Ordre des CPA du Québec et a été présidente de l'Ordre des comptables agréés du Québec et gouverneure de l'Institut canadien des comptables agréés.

    Ce n'est pas une paroissienne. Interrogeons nous sur le reste du CA de Desjardins et comment elle a pu être installée.

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2013

    @Michel Bélisle alias Didier
    Votre commentaire est misogyne.
    Cependant la fallacie des politiciennes plus humaines contredit le principe d'égalité des sexes. Mais surtout, il suffit de rechercher dans l'Histoire, les chefs d'état ou les matriarques de sexe féminin qui marquent par leur cruauté ou rapacité :
    Impératrice Wutian de Chine
    Impératrice douairière Cixi
    Élisabeth I d'Angleterre
    Boudicca, reine des Iceni
    J'allais inscrire Catherine de Medicis, mais malgré son rôle dans le massacre de la Sainte-Barthelémy, elle a surtout chercher à concilier les partis religieux.
    Et on peut allonger la liste, mais l'exercice me semble futile.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 octobre 2013

    Désolant comportement des Caisses, dont je suis membre depuis toujours. De moins en moins des caisses, de plus en plus des banques. De moins en moins d'âme, de plus en plus de porte-feuille. Des frais aux allures très régressives qui frappent partout indistinctement, les plus petits plus que les plus riches. Où les caisses vont-elles? Pourquoi rester sociétaires? pourquoi ne pas aller vers la Banque Nationale? Et en bout de ligne, est-il temps de réinventer une institution qui trahit son fondateur et engraisse ses gestionnaires au détriment des gagne-petits? Quand on perd son identité, que reste-t-il?
    J'ai vu mes frais augmenter, j'ai vu les frais de mon syndicat de copropriété (3 proprio) augmenter: tant par mois, tant par 'effets déposés', etc. Je trouve ça écoeurant.

  • Jean-Claude Michaud Répondre

    27 octobre 2013

    Très inquiétant cette déroute des caisses pop. Desjardins. Elles chargent maintenant des frais pour retirer un Réer en plus de la déduction d'impôt, cette dernière est normale mais pourquoi charger un frais exorbitant de 50$ pour toucher notre argent. On va vous dire sans doute que c'est pour compléter le formulaire auprès du gouvernement pour le retrait. C'est exagéré comme frais. De plus, il faut magasiner sa caisse pour avoir des bonnes ristournes car elles ne versent pas tous la même étant donné leur autonomie relative.
    Les salaires de ces hauts dirigeants sont ridicules pour une coopérative. D'ailleurs vous avez raison, il est ridicule de faire des dons à des organismes pour se donner une belle image quand on charge des frais à des Organisme sans but lucratif comme le vôtre.
    Je suis partisan d'un capitalisme social et éthique qui comprend la prise en compte des externalités et aussi qui agit de façon éthique envers ses clients. Ce principe devrait encore plus s'appliquer à une coop qu'à une entreprise à but lucratif comme une compagnie ou entreprise individuelle.

  • Claude Richard Répondre

    27 octobre 2013

    Commentaire tout à fait pertinent sur une situation ô combien déplorable. Le phénomène sévit sur tout le territoire québécois.
    Je suis membre d'une section de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, à Repentigny plus précisément, qui a un compte à la Caisse fusionnée Pierre-Le-Gardeur. Nous venons de recevoir un avis nous disant que désormais des frais de 2,95$ par mois seront perçus sur notre compte, de même que des frais de 2,00$ par mois si nous voulons continuer de recevoir des relevés papier. En plus, des frais de chèque nous seront imposés. Jusqu'ici, ces frais n'existaient pas pour les organismes à but non lucratif.
    Et la caisse continue de se vanter d'aider le milieu par des dons de plusieurs centaines de milliers de dollars. C'est vrai, mais on s'aperçoit que ces aides sont ciblées. Au lieu de donner un coup de pouce à tous les organismes bénévoles sous la forme d'exemptions de frais, on va en aider puissamment quelques-uns qui semblent être davantage au goût des dirigeants. Par exemple, les clubs sportifs semblent privilégiés dans ce contexte. De même que des projets bien politiques comme la salle de spectacles de la mairesse de Repentigny.
    Ces nouveaux frais vont évidemment aussi contribuer à éponger la facture du salaire indécent de Monique Leroux. Vraiment, les caisses ont perdu leur esprit populaire en même temps que cette étiquette.

  • Archives de Vigile Répondre

    27 octobre 2013

    "dont le salaire versé à la présidente Monique F. Leroux."
    Une autre femme qui a "humanisé" la finance. Et en politique, elles sont supposées rendre plus humaine la politique avec leur "coeur de mère".
    Mon oeil!
    Et dire que ce sont ces bêtises qu'on racontait lorsque j'étais adolescent, que s'il y avait plus de femmes en politique, on aurait des politiques plus humaines etc...
    Il est remarquable qu'au Québec, l'augmentation du nombre de femmes en politique est directement proportionnelle à l'augmentation de la fréquentation des banques alimentaires par les Québécois de plus en plus appauvris.