Les comptes maquillés de Monte dei Paschi ébranlent l'Italie

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Le plus vieil établissement bancaire au monde au bord du précipice


C'est plus qu'une banque, c'est une institution, un monument de l'histoire italienne, le poumon qui fait respirer toute une ville et une région jusque-là prospères. Monte dei Paschi di Siena (MPS), le plus vieil établissement bancaire du monde, avait déjà perdu une partie de sa bonne réputation établie depuis 1472, en quémandant, en 2012, sous forme d'obligations, un prêt de 3,9 milliards d'euros à l'Etat pour se renflouer. Il lui reste à sauver son avenir après le scandale de produits dérivés qui le frappe.
MPS, tout aussi vieille et respectable qu'elle soit – mais très exposée aux titres de dette italienne –, n'a pas boudé le recours à la "finance créative" : trois opérations sur produits dérivés vont ainsi alourdir ses pertes estimées déjà à plus de 2 milliards d'euros pour 2012, après 4,7 milliards en 2011.
L'opération menée, en 2009, avec la banque japonaise Nomura, devrait lui coûter 220 millions d'euros ; celle nouée, en 2008, avec la Deutsche Bank lui aurait permis de dissimuler 367 millions d'euros de pertes. Une autre, enfin, menée avec un établissement financier dont l'identité n'a pas été communiquée, porterait le total de l'addition à 760 millions d'euros.
Les investisseurs pressent la troisième banque d'Italie de sortir tous les "cadavres des placards". La révélation par le journal Il Fatto quotidiano d'une enquête de la justice sur ces maquillages a eu pour premier résultat la démission de l'ex-directeur de MPS – de 2006 à 2012 –, Giuseppe Mussari, de son poste de président de l'Association bancaire italienne. C'est aussi sous son mandat que MPS a acquis, fin 2007, Banca Antonveneta auprès de l'espagnole Santander pour 9 milliards d'euros, un prix jugé beaucoup trop élevé.
Dans la foulée de ce scoop, le titre MPS a chuté de 8,43 % à la Bourse de Milan mercredi et de 8,19 % jeudi, ce qui ramène la valeur du groupe à 2,725 milliards d'euros.
L'Etat devra-t-il remettre la main à la poche ? Alors qu'une assemblée générale d'actionnaires se tenait vendredi 25 janvier pour valider une augmentation de capital de 4,5 milliards d'euros, visant àaider la banque à rembourser ses emprunts et combler ses pertes, cette question empoisonne la campagne électorale en cours.
LÉGÈRETÉ
Même si les actuels dirigeants de MPS écartent toute idée de nationalisation, Mario Monti, le président du conseil sortant et candidat à sa succession à la tête d'une coalition centriste, est dans le collimateur. Tout ce qu'il compte de concurrents, de la Ligue du Nord au Mouvement 5 Etoiles, lui reproche sa "légèreté" en permettant à l'Etat d'accorder à MPS un prêt "les yeux fermés".
Symbole assez encombrant : les 3,9 milliards de prêts à MPS de 2012 correspondent au montant de la taxe sur la résidence principale introduite par M. Monti et payée de mauvais gré par les Italiens.
Mario Draghi, le directeur de la Banque centrale européenne et autre défenseur de la "rigueur italienne", est aussi visé. N'était-il pas aux commandes de la banque d'Italie au moment de ces affaires ?
Mais c'est Pierluigi Bersani, candidat de la gauche et favori des sondages, qui pourrait pâtir le plus de ce scandale. La banque toscane a en effet pour principal actionnaire (à 35 %) une structure à but non lucratif nommée la Fondation. Son conseil d'administration est au trois quarts composé du gratin politique local. Or Sienne et la Toscane sont gérées depuis des lustres par la gauche dans la plus grande harmonie avec l'établissement.
Tous les maires de Sienne, à l'exception du dernier, ont été des dirigeants de MPS. La Fondation pouvait-elle ignorer les agissements de sa banque de référence et M. Bersani était-il ignorant de tout ? En attendant, les Siennois font les frais des errements de la banque.
La Fondation MPS, qui a distribué 2 milliards de financements à la ville et à la région Toscane entre 1995 et 2008, doit limiter sa générosité. Les clubs de football et de basket verront leur dotation réduite. Même la célèbre course équestre du Palio fait les frais de la rigueur. Les contrade (quartiers) qui font courir chacune un cheval ne recevront plus les 15 000 euros que la Fondation leur octroyait jusqu'alors rubis sur l'ongle.


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