Accommodements raisonnables

Les Français sont stupéfaits

Tolérance des Québécois / Sondage sur le racisme des Québécois


par Marco Fortier -

Les récents «accommodements» ayant fait la manchette au Québec provoquent l'incrédulité en France, qui demeure un des pays les plus fermés aux demandes d'aménagements spéciaux pour les minorités.
Les accommodements raisonnables, ça n'existe pratiquement pas en France. La République impose la laïcité d'une main de fer aux 63,4 millions de Français, y compris aux 10 millions qui sont d'origine étrangère, selon les estimés officiels.

Informés des histoires d'accommodements qui sèment l'émoi au Québec depuis l'automne, des Français de toutes les couches de la société se sont montrés surpris. Ils n'en reviennent pas des contorsions que font leurs cousins québécois pour répondre aux demandes de certaines minorités, même quand rien dans la loi ne les oblige à «accommoder».
Différence des droits
«Ce n'est pas à moi à m'ingérer dans les affaires québécoises, mais il y a des principes sur lesquels il ne faut pas reculer, comme l'égalité des hommes et des femmes», affirme sans détour Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l'Intérieur qui a été candidat à l'élection présidentielle française, en 2002.
«Il faudrait quand même habituer les gens à vivre dans un espace commun et ne pas faire prévaloir, en tout lieu et à tout moment, le souci de leur différence. La revendication du droit à la différence aboutit très vite à la différence des droits», ajoute cet ardent défenseur de la laïcité et des «valeurs républicaines», rencontré à son bureau de l'avenue de Bourgogne, au coeur de Paris.
Ah, ces cousins québécois
Ce genre de réaction, qui vient du fond du coeur, on l'a entendu toute la semaine en France. Toutes tendances politiques confondues. De gauche comme de droite.
Les Français interrogés comprennent mal la propension des Québécois à offrir des «accommodements». Il faut dire que depuis plus de 200 ans, les traditions françaises dictent exactement le contraire des «aménagements» envers les minorités.
L'étonnement des Français est d'autant plus grand que les cas récents d'accommodements ayant fait la manchette au Québec n'auraient jamais été imposés par la Cour suprême du Canada, si elle avait été invitée à se prononcer: les vitres givrées du YMCA d'Outremont ne répondent à aucun fondement juridique, pas plus que l'exclusion des hommes aux cours prénataux d'un CLSC, ou l'aménagement d'horaires spéciaux pour les filles qui refusent de se baigner devant les gars.
Les Français s'indignent aussi devant certains accommodements, raisonnables aux yeux de la loi, ceux-là, imposés par le plus haut tribunal canadien: le port du turban autorisé pour les policiers de la GRC - «un représentant de l'État avec un turban?» - tout comme le port du kirpan dans les écoles. Oh là là, le kirpan dans les écoles...
Pas de kirpan en classe
Même obligatoirement scellé dans une enveloppe - donc peu utile dans une bagarre, en principe -, le couteau rituel des sikhs n'a pas sa place en classe, estiment les Français que nous avons interrogés.
«Le kirpan en classe ? Aaaahh... C'est exactement ce que ne souhaite pas la France», soupire Céline Dupuy, directrice des communications dans le 20e arrondissement de Paris, un des plus multiethniques de toute la France.
Étonné
Guy Benedetti, conseiller municipal de l'arrondissement, se montre lui aussi très étonné par les accommodements au Québec.
«La volonté d'envahir l'espace public avec la religion est dangereuse. C'est dangereux, parce qu'il n'y aura plus de communauté qui s'appellera le Canada. Il y aura plusieurs communautés qui vivront côte à côte», croit-il.
Plusieurs communautés qui vivent côte à côte? Oui, c'est un peu ça, le multiculturalisme à la canadienne. Mais elles vivent en paix, les communautés, au Canada. Elles sont contentes.
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Accommodements raisonnables
La France est laïcs (sic) jusqu'au cimetière
Marco Fortier

Journal de Montréal

20/01/2007 06h48
Au bout de la ligne de métro numéro 13, au nord de Paris, on débarque dans un autre monde. Disparus les grands boulevards, les cafés, les boutiques à la mode. Ici, tout est gris.
C'est une banlieue de béton, où les immigrants vivent entassés dans de grandes tours semblables à des poulaillers. Une cité plutôt calme: à peine 50 voitures ont brûlé lors des émeutes qui ont embrasé la France à l'automne 2005.
Un des blocs de béton, au centre de la ville, abrite la clinique médicale. Les patients sont de toutes les couleurs, de toutes les origines, de toutes les religions. Les employés aussi.
Ici, vous ne verrez pourtant aucun médecin, aucune infirmière, aucun concierge même, portant le voile, la kippa, le turban ou tout autre objet religieux. La loi française interdit le port de «signes religieux ostentatoires» à tous les employés de l'État, sur leurs lieux de travail.
Les symboles religieux, comme le voile ou le turban, ont aussi été bannis des écoles publiques françaises. Les élèves d'origine étrangère sont invités à laisser leurs traditions à la maison pour «s'intégrer». Tout le contraire du multiculturalisme à la canadienne, qui encourage les «Néo-Canadiens» à afficher leur différence.
Pas de passe-droits
«Nous appliquons très strictement les règles de la laïcité et nous en sommes fiers», dit Jacques Lefils, directeur du centre médical de Pierrefitte.
Un ophtalmologiste d'origine juive a demandé récemment à ne pas travailler le samedi, jour du Sabbat. La réponse de Jacques Lefils a été : non merci, vous irez travailler ailleurs.
À l'occasion, des patientes d'origine musulmane se présentent à l'urgence et refusent de se faire soigner par un homme. La réponse : voici le médecin qui peut vous recevoir, vous y allez ou vous n'y allez pas, c'est votre choix.
«Toute demande d'accommodement de ce type est systématiquement ignorée», explique Jacques Lefils.
«On ne se dispute pas, on ne hausse pas le ton, on ignore la demande. Qu'on soit Gaulois depuis 15 générations ou Maghrébin, une urgence, c'est une urgence. Surtout qu'on manque de médecins dans la région», ajoute-t-il d'un ton calme.
En gynécologie, les accommodements sont possibles, précise Jacques Lefils. Pas juste pour les musulmanes, les hindoues ou les juives. Certaines femmes, peu importe leur religion, préfèrent se faire examiner les parties intimes par une femme. On respecte ça.
La pétanque d'abord
Revenons dans le 20e arrondissement de Paris. C'est le quartier du plus célèbre cimetière au monde, le Père-Lachaise, où sont enterrés Jim Morrison, Édith Piaf et compagnie. Les musulmans, eux, manquent de place pour enterrer leurs morts. Ils ont demandé à la ville de céder un terrain, à côté d'un autre cimetière catholique.
Laissons Guy Benedetti, conseiller municipal, révéler quelle a été la réponse de l'arrondissement: «On a répondu non, parce qu'ils voulaient occuper un lieu extrêmement populaire pour le jeu de boules», explique-t-il.
Le jeu de boules. La pétanque. On vous le demande: pourquoi céder à des morts un lieu aussi apprécié des vivants? «La République est aussi dans les cimetières», dit en souriant Guy Benedetti.
«Ce qu'ils ont dit ...»
«En arrivant au Québec, je me disais que le modèle multiculturel canadien pourrait nous inspirer. À mon retour en France, j'en étais moins convaincu.»
Alain Juppé, ex-premier ministre français qui a séjourné un an à Montréal, en 2005-2006
«L'immigration implique aussi l'acceptation des lois, des règles et des valeurs du pays d'accueil. Nous sommes accueillants, mais ceux qui veulent venir vivre en France doivent accepter quelques règles de comportement, notamment l'égalité des sexes.»
Jean-Pierre Chevènement, ex-ministre français et chef d'un parti de gauche


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