Dans tout ce débat, il me semble que c'est l'essentiel qui se trouve déplacé à l'arrière-plan.
Il nous faut comprendre que de discuter des pollutions et contaminations de l'eau, comme cela se passe dans les discussions de chaumières, les assemblées locales, les médias ou encore, comme cela se passera certainement au BAPE, c'est jouer un jeu risqué et obtu.
Ce que l'on fait alors c'est de ne discuter que des effets sur site(s) du développement de ces énergies. C'est ce à quoi se résume tout le corpus des études d'impacts, lesquelles jamais ne donneront un portrait d'ensemble.
Toutes les audiences du BAPE, même avec le meilleur des mandats, n'ont jamais offerte vraiment plus.
C'est comme si nous acceptions une pondération des conséquences en faveur du proche face au lointain, de l'immédiat face au moyen et long terme.
Il nous faut pourtant : Penser global et agir local.
A l'heure actuelle, l'atmosphère terrestre recèle quelque 392 ppm (parties par million) de gaz à effet de serre (équivalent CO2).
Le système terrestre permet une inertie du climat de plusieurs décennies (environ 30 ans) avant que ne se manifeste pleinement les effets des gaz à effet de serre présents.
Ainsi, nous vivons dans un climat qui correspond au plein déploiement des gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère au début des années 80.
On en voit les conséquences. Déjà cela permet la libération de méthane d'anciennes zones de pergélisol et de tourbières autrefois gelées, émanations qui à leur tour pourront agir comme phénomène amplificateur du réchauffement global.
Des scientifiques réputés pensent désormais que le seuil de concentration de gaz à effet de serre à ne pas franchir est de 350 ppm. Ce seuil est derrière nous.
Inquiet du développement des hydrocarbures au Québec et des gaz de schiste en particulier, Équiterre a produit tout récemment un document où la question climatique et les négociations internationales à ce propos sont à l'avant-plan.
Il me semble que ce soit la seule bonne approche.
Une telle approche permet de porter un tout autre regard sur le développement des hydrocarbures que celui qui s'inquiète des risques de contaminations et pollutions sur site(s). (Regard qui par ailleurs n'est pas anodin ou inutile, seulement secondaire.)
Ainsi, j'ai bien moins de fascination que beaucoup d'autres pour le documentaire Gasland, dont pourtant la diffusion au Québec n'a pas encore vraiment commencée.
L'exigence, voire l'urgence de « décarboner » (se passer des énergies fossiles) les économies du monde permet d'aller jusqu'à dire que si l'énergie, ici carbonée, rendue disponible ne permet pas d'aller en ce sens, même le constat après-coup d'une exploitation sans contaminations significatives des gisements de gaz ou de pétrole (par Junex, Gastem, Corridor Ressources et consorts) aura été non souhaitable. Les risques l'auront emporté sur les avantages.
Une fois extraites, les énergies fossiles quittent le site (le puits, la zone d'exploitation, l'estuaire, le golfe) et transitent finalement dans nos usages, privés (personnels, familiaux, entreprises) ou publics.
L'utilisation des énergies fossiles est désormais paradoxale. Le seul contexte d’une bonne utilisation en est un où son usage permet d'avancer vers une mutation des infrastructures qui fera que nous arriverons à nous passer des énergies fossiles.
Le risque imminent de manque de pétrole (pic pétrolier) est lui-même pris dans un contexte climatique qui s'interprète comme un trop plein d’énergies fossiles. C’est ce contexte qui est le phénomène englobant.
Équiterre met aussi quelque peu en évidence le risque de retomber dans les mêmes ornières si le signal-prix continue d'être favorable au pétrole. La tentation sera alors forte d'en rester là, tant que faire se peut, sur la voie de cette dépendance.
En somme, bâtir un monde durable est pour le moins difficile et risqué si l'on utilise ou prend appui sur les paramètres singuliers d'énergies non-renouvelables. Voilà sans doute le point essentiel auquel il est urgent de réfléchir.
Dans son rapport, Équiterre met en doute les capacités et les aptitudes du Québec, par sa structure industrielle générale, d’opérer des conversions avantageuses en usant des énergies fossiles. Ce rapport met aussi en doute les volontés du gouvernement de jouer sainement de ce paradoxe.
Les pièces nécessaires pour aller vigoureusement en ce sens ne sont pas là, comme ne le sont pas davantage les engagements de l'État, par delà les changements de gouvernements, afin que se mettent en place ces pièces manquantes.
Tout porterait plutôt à conclure que le Québec est capable d’aller de l’avant vers plus de renouvelables avec les énergies (formes et quantités) dont il dispose actuellement, sans s’embarrasser d’une gestion paradoxale, susceptible d’agir comme un piège, bâti de tous nos usages incoordonnés, majoritairement privés.
Cela dit, les ressources et les moyens les plus immédiatement disponibles pourraient plutôt se trouver du coté des initiatives et planifications locales, voire des mouvements locaux s'affectant d'économies d'énergies dans tous ses aspects, en particulier à travers l’institutionnalisation de formes collectives et participatives de l'aménagement du territoire.
Alain Vézina
Havre-aux-Maisons
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