Laura-Julie Perreault - Oui, le manque de reconnaissance des compétences des immigrés a transformé des dermatologues en esthéticiennes et des pharmaciens en aides-cuisiniers. Devant la commission Bouchard-Taylor hier, les ordres professionnels ont admis que tout ne tourne pas rond. Mais ils refusent de porter l'odieux de la chose.
«Nous entendons beaucoup d'histoires d'immigrants qui ont des parcours d'intégration difficile. Oui, il y a des difficultés dans notre cour, mais il y aussi une partie de la démarche qui ne nous appartient pas», a dit Louis Beaulieu, président du Conseil interprofessionnel du Québec, qui regroupe les 45 grands ordres professionnels du Québec.
Le Conseil, qui a présenté un mémoire devant la Commission qui tient cette semaine à Montréal des audiences nationales, montre notamment du doigt les universités qui, trop souvent, n'offrent pas de programmes de formation adaptés aux besoins des nouveaux immigrants qui veulent rejoindre une profession réglementée au Québec.
«Ce que vous nous dites, c'est que parfois il y a des larrons qui ne sont pas intéressés à ouvrir des programmes courts de formation parce que ce n'est pas aussi lucratif?» a demandé, mi-sérieux, le commissaire Gérard Bouchard après s'être dit inquiet de la durée excessive de certains cours imposés aux immigrants qui veulent pratiquer au Québec la même profession que dans leur pays d'origine. «Des larrons? Nous préférons les appeler des collaborateurs», a répondu M. Beaulieu.
Selon le président du Conseil interprofessionnel, les ordres, loin de se mettre la tête dans le sable, ont fait leur examen de conscience au cours des dernières années et ont amélioré leurs pratiques pour faire face à un nombre croissant de demandes provenant des nouveaux arrivants. Le nombre de demandes a quintuplé entre 1997 et 2006 pour atteindre 4000 l'an dernier. Depuis 2001, le Québec reçoit un peu plus de 40 000 immigrants par année.
«En 10 ans, 84% des demandes d'équivalence en vue d'obtenir un permis professionnel ont été totalement ou partiellement acceptées», a affirmé hier Louis Beaulieu. Deux tiers des personnes qui ont eu des réponses positives ont dû recevoir une formation d'appoint.
Répondant aux critiques formulées par le ministre Philippe Couillard à l'égard de l'Ordre des médecins, le président du Conseil interprofessionnel, qui était notamment accompagné hier du président de l'Ordre des ingénieurs du Québec, a reconnu que les ordres professionnels n'ont pas tous le même rendement. «Il y a des ordres qui fonctionnent très bien, d'autres bien et certains qui ont plus de progrès à faire, mais je ne les nommerai pas», a dit l'homme en point de presse. Il nie cependant que certains des membres de son organisation rendent la vie impossible aux immigrants par pur corporatisme.
Les deux commissaires ont écouté avec attention hier la présentation du Conseil. Ils avaient eux-mêmes le mois dernier dénoncé le mutisme des ordres professionnels dans le débat sur les accommodements raisonnables et l'intégration des musulmans dont ils sont les chefs d'orchestre.
Hier, une dizaine d'organisations ont aussi témoigné devant la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles. Le Bloc québécois était du compte. Le chef souverainiste Gilles Duceppe est venu dire que son parti n'est «ni pour ni contre les accommodements. La question, pour nous, est de déterminer à quelles conditions ils peuvent faciliter l'intégration», a exposé Gilles Duceppe. Dans cette ligne d'idée, le Bloc québécois n'est pas en faveur d'interdire à tous les employés de l'État le port de signes religieux, comme l'ont proposé certaines grandes centrales syndicales la veille.
Le Bloc québécois, même s'il prône la laïcité, ne veut pas non plus voir le crucifix de l'Assemblée nationale disparaître. «Nous n'allons pas faire des talibans de nous-mêmes et faire disparaître des crucifix historiques et des croix de chemin comme ils ont fait exploser les bouddhas de Bamiyan», a lancé le chef souverainiste en point de presse.
À venir:
Les audiences nationales se poursuivent ce matin dès 8h 45. Le parti Québec solidaire, le B'nai Brith et l'Assemblée des évêques catholique du Québec feront valoir leur point de vue.
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