Les règles du jeu

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Pour susciter de telles appréhensions dans le camp adverse, faut-il que PKP soit dangereux !

Le choix d’un nouveau chef est toujours un moment important pour un parti politique, mais les péquistes ont moins droit à l’erreur que jamais. Avec le creux historique enregistré par le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir, c’est un euphémisme de dire que le PQ a un urgent besoin d’élargir sa base.

Gilles Duceppe, qui est le premier choix de 26 % d’électeurs péquistes, est encore plus populaire chez les caquistes (29 %) et les solidaires (29 %). Dans une mesure nettement moindre, c’est aussi le cas de Véronique Hivon et d’Alexandre Cloutier, dont les appuis sont plus nombreux à l’extérieur du PQ qu’à l’intérieur, même s’ils souffrent manifestement d’un déficit de notoriété.

À l’opposé, Pierre Karl Péladeau, Sylvain Gaudreault, Bernard Drainville et Jean-François Lisée sont beaucoup mieux perçus par les électeurs péquistes que par ceux des autres partis. Les règles qui régiront la course à la succession de Pauline Marois pourraient donc avoir pour effet d’avantager certains candidats selon qu’elles permettront la constitution d’un bassin plus ou moins large d’électeurs.

Depuis 1985, les statuts du PQ stipulent que le chef doit être élu au suffrage universel des membres, mais Alexandre Cloutier, inspiré par l’expérience du Parti socialiste français, a proposé d’accorder le droit de vote à tous ceux qui accepteraient de signer une déclaration dans laquelle ils affirmeraient se reconnaître dans les valeurs progressistes et souverainistes du PQ.
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Le suffrage universel des membres est sans doute plus démocratique que le système traditionnel des délégués, mais cela confère malgré tout un grand pouvoir aux organisateurs professionnels. Si André Boisclair l’a emporté dès le premier tour en 2005, c’est simplement parce que son équipe avait vendu plus de nouvelles cartes de membre que toutes les autres réunies. Il y a présentement dans l’entourage de Pïerre Karl Péladeau des gens qui avaient assuré la victoire de M. Boisclair et les mêmes méthodes risquent de donner les mêmes résultats.

Ceux qui craignent que l’élection de PKP ne détourne le PQ des principes progressistes qui ont présidé à sa fondation, et qu’elle provoque à terme son éclatement, voient d’un bon oeil la proposition de M. Cloutier.

Même si c’est simplement pour un séjour temporaire, l’idée de rejoindre les rangs d’un parti politique est un geste qui peut en rebuter certains. De nombreux partisans de Québec solidaire et d’Option nationale pourraient vouloir participer à l’élection du futur chef du PQ s’ils n’ont pas à y adhérer formellement. On pourrait aussi imaginer une mobilisation des centrales syndicales pour bloquer la route à PKP.

Changer les règles d’élection du chef n’est cependant pas une mince affaire. Cela suppose la convocation d’un congrès spécial qui pourrait coûter jusqu’à 500 000 $. Les 329 563 votes perdus par le PQ auront pour effet de diminuer substantiellement le financement public auquel il aura droit. Ceux que le système actuel avantage pourront légitimement plaider que le parti n’a pas les moyens de s’offrir le luxe d’un congrès spécial qui s’ajouterait au congrès d’orientation qu’il faudra aussi tenir après l’élection du nouveau chef.
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Il est, en outre, loin d’être acquis que les membres du PQ accepteraient de partager le privilège de choisir celui ou celle qui les dirigera pendant plusieurs années. Déjà, le contrôle qu’ils sont en mesure d’exercer sur les orientations du parti entre deux courses à la chefferie est passablement moins étroit que jadis, quand chaque conseil national se transformait en véritable tribunal d’inquisition devant lequel le chef devait démontrer sa ferveur souverainiste.

Si Gilles Duceppe est aussi populaire à l’extérieur des cercles péquistes, c’est sans doute qu’on le trouve plus rassurant que les autres. Jusqu’à présent, il a été d’une très grande discrétion sur ses intentions. Ceux qui souhaitent voir le PQ tourner le dos au « bon gouvernement » pour se concentrer sur la souveraineté auraient cependant intérêt à lire la chronique que l’ancien chef du Bloc québécois a signée lundi dans Le Journal de Montréal.

Si plusieurs en sont arrivés à la conclusion que « promouvoir la souveraineté et bien gouverner » dans le cadre fédéral sont deux choses contradictoires, M. Duceppe n’a manifestement aucune objection à poursuivre ce jeu sur deux tableaux auquel ont joué tous les chefs péquistes depuis 1995. Contrairement à M. Péladeau, il semble avoir des réserves de patience inépuisables.

Quel que soit le mode d’élection qui sera finalement choisi, il ne faudrait pas trop tarder à définir les règles du jeu. Tant qu’on n’aura pas fixé un plafond à la somme que chaque candidat sera autorisé à dépenser, il y en a un qui détiendra un avantage insurmontable sur tous les autres et qui ne privera sans doute pas d’en profiter.


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