Les Québécois n’ont pas l’indignation facile

Les symboles ont une importance vitale

Chronique de Jean-Pierre Bonhomme

Vive le hockey libre 11

Il y a un an, exactement, je publiais, ici (CENT-PAPIERS) *, un article relatif à la question du hockey québécois (ce qui en reste)… En ce début de saison nouvelle, nous constatons que le problème identitaire des Québécois souligné par ce sport dit ‘national’ est exacerbé. Un capitaliste veut donner à la capitale une équipe de hockey ‘québécoise’ (avec l’argent de la nation) pour faire concurrence à l’équipe de métropole devenue carrément anglaise.
Je crois que ces gestes vont réussir à diviser les Québécois entre eux et tuer ainsi toute velléité d’affranchissement. Les Québécois vont sombrer dorénavant dans des rivalités factices et destructrices; les symboles ont une importance vitale… Étant donné que l’important n’est pas ce qu’on dit, mais le nombre de fois qu’on le répète, je crois de mon devoir de le redire ici tel quel; c’est l’équipe de hockey Canadian d’aujourd’hui qu’il faut franciser en utilisant les moyens de l’opinion et de l’État. Voici!
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le monde de la rondelle québécoise et montréalaise. Un important député de notre Assemblée nationale, Pierre Curzi, nous le signalait clairement et calmement il y a deux ou trois semaines : l’équipe de hockey de Montréal, avançait-il sur cette glace mince, pose problème parce qu’elle ne reflète pas l’identité québécoise. Il y a là, selon lui, un «problème identitaire». C’était une manière polie, presque universitaire – de dire que l’équipe, nommée «canadien» ne représente pas la population où elle évolue et qui la paye.
C’est pourtant une évidence. Jusqu’à tout récemment l’équipe «canadien» (cela voulait dire jadis canadien-français) – la seule de la ligue principale sur le territoire national – était le symbole sportif fort des Québécois. La direction et la propriété du Club étaient anglaises, c’est vrai, mais il y avait assez de joueurs québécois pour que la population puisse avoir l’illusion de se trouver chez elle, de «s’identifier» à «son» équipe.
Maintenant les Québécois ne peuvent même plus se faire d’illusion. L’équipe «canadien» est devenue complètement «canadian». Il n’y a pratiquement plus de joueurs du pays d’ici dans cette formation; ils viennent d’un peu partout au Canada anglais et dans le reste de l’Amérique. Il n’y a qu’un pas à faire pour extrapoler; cela signifie que les propriétaires ont choisi, consciemment ou non, de faire de Montréal une ville «canadian» plutôt que québécoise.
Et si on leur pose la question ils répondent que les Québécois ne sont intéressés qu’à «gagner» un point c’est tout. Comme si des joueurs québécois – qu’on trouve dispersés un peu partout en Amérique – ne pouvaient pas «gagner». C’est comme si l’équipe de foot du Mexique ne comptait pas de Mexicains et qu’on insistait pour que ceux-ci trouvent cela «normal». Il y a un mot pour cela : c’est du colonialisme; un point c’est tout!
Il est vrai que la population de Montréal – en son centre – est portée sur l’anglais; les immigrants s’y mettent à loisir; il est aussi vrai que les familles françaises de Montréal vivent plus près de Terrebonne et de Repentigny que de la Place d’Armes, mais, tout compte fait, le Grand Montréal reste majoritairement français; pourvu que ca dure! Et la métropole est encore québécoise.
Notre Assemblée nationale nous a donc mis la puce à l’oreille… Que faire? Il faudrait commencer par prendre conscience du fait et s’en indigner. Les Québécois n’ont pas l’indignation facile, il est vrai… mais tout de même! il n’y a pas lieu de se féliciter de cette sorte de déconfiture.
Lors de la première partie du Canadian, cette année, le gardien de but Carey Price s’est fait copieusement huer; on a dit que cette déconvenue est due au fait que le joueur n’a pas bien performé. Peut-être bien. Mais n’est-ce pas aussi, au fond, que ce joueur, originaire de la Colombie britannique, n’est pas de chez nous? N’était-il pas devenu le symbole d’un ailleurs auquel il est devenu impossible de s’identifier? Moi je pense que oui.
Et que font les journalistes dits «sportifs», ceux de La Presse notamment? Ils se portent au secours de M. Price par des entourloupettes magiques, sans même mentionner qu’il y a un problème fondamental en l’instance; sans mentionner le débat ouvert par nos députés. Ces journalistes sont-ils si désincarnés qu’ils ne peuvent percevoir la nécessité pour un peuple de savoir se représenter, de prendre sa place dans l’univers ludique comme dans les autres?
Pour ma part je désire que les Québécois ne se divisent pas les uns contre les autres. Ils sont déjà assez fragilement pourvus comme ils le sont maintenant. Un club de hockey «canadian» de Montréal contre un club de hockey plus français à Québec, ce ne serait pas bon pour notre nation; cela briserait son âme en deux!
L’équipe de hockey «canadian» devrait appartenir à une société sans but lucratif et alors elle deviendrait vraiment canadienne et québécoise. Actuellement ce club de hockey ne me représente pas; ce n’est pas «mon» équipe.
Jean-Pierre Bonhomme
* - http://www.centpapiers.com/


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 octobre 2011

    Monsieur Bonhomme,
    Il n'y a pas que des Canadiens des autres provinces dans l'équipe du Canadien de Montréal mais des Russes, des Biélorusses, des Tchèques, des Américains, des Suisses. Ce n'est pas qu'une équipe "canadian" mais une équipe internationale digne de la mondialisation capitaliste qui veut que notre monde soit sans frontière et qu'il n'y ait plus de nation, ni d'identité ethnique ou nationale.
    Par exemple, il y a trente ans, les Maple Leafs de Toronto était l'équipe des Canadiens-Anglais. Maintenant, elle est devenue elle aussi une équipe internationale à laquelle les Canadiens-Anglais ont de la difficulté à s'identifier.
    Fini les deux supposés peuples fondateurs du Canada. Ils sont en train de s'effacer pour laisser la place à des gens venus de partout dans le monde qui vont évidemment parler anglais parce que c'est la langue du commerce, de la business, bref c'est la langue du capitalisme...