Mario et sa rossinante

S'il y a une constante dans l'autonomisme de M. Dumont, c'est plutôt dans son refus catégorique d'expliquer comment il forcerait le gouvernement fédéral à négocier et ce qu'il ferait dans l'hypothèse hautement probable où il opposerait une fin de non-recevoir catégorique à ses demandes.

Élection Québec - 8 décembre 2008

Pour justifier son apostasie, l'ex-député adéquiste d'Iberville, André Riedl, a plaidé que Mario Dumont n'avait aucun plan de match pour le Québec. En réalité, c'est plutôt que ce plan est mis de l'avant ou rangé sur la tablette, selon qu'il sert ou non les intérêts immédiats du chef de l'ADQ.
Hier midi, sur les ondes de Radio-Canada, M. Dumont a soutenu avoir été un modèle de constance sur la question de l'autonomie politique du Québec au cours des 15 dernières années.
Il est vrai qu'à ce chapitre les propositions qui seront adoptées en fin de semaine au conseil général réuni à Drummondville découlent en droite ligne du rapport Allaire, dont le rejet avait amené le président de la Commission jeunesse à claquer la porte du PLQ en 1992.
La liste des pouvoirs que l'ADQ souhaite rapatrier est peut-être un peu moins longue qu'à l'époque, et l'«élimination» du pouvoir fédéral de dépenser a été remplacée par un simple «encadrement», mais l'esprit demeure le même.
En 2002, quand l'ADQ a semblé faire une réelle percée et remporté une série d'élections partielles, M. Dumont s'est cependant empressé de mettre une sourdine à ces revendications. Les nouveaux bailleurs de fonds de l'ADQ n'ayant montré aucun appétit pour les chicanes constitutionnelles, il les a assurés que le dossier avait disparu de son écran radar.
On tente maintenant de réécrire l'histoire. Le document préparatoire au conseil général de la fin de semaine explique que, à la suite de l'échec du référendum de 1995, l'ADQ avait choisi de mettre la question constitutionnelle en veilleuse pour une période de 10 ans.
En réalité, le moratoire ne portait que sur la tenue d'un autre référendum, et personne n'a jamais soupçonné un éventuel gouvernement adéquiste d'en projeter un. Par son discours devant le Canadian Club de Toronto, en septembre 2002, M. Dumont avait ouvert la porte à la victoire libérale d'avril 2003. C'était une grave erreur qu'il devrait assumer.
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Il est dommage que le conseil général n'ait pas eu lieu deux semaines plus tôt. À quelques jours des élections fédérales, il aurait été intéressant de savoir ce que les amis conservateurs de M. Dumont pensaient de ses propositions.
Il fallait entendre le chef de l'ADQ accuser le premier ministre Charest d'affaiblir le Québec avec ses attaques contre les conservateurs. Pourtant, les demandes de M. Charest paraissent bien modestes à côté de ce que lui-même réclame.
D'ailleurs, il y a d'excellentes idées dans le document adéquiste. Par exemple, au chapitre de la fiscalité, le Québec gagnerait beaucoup en autonomie si l'abattement spécial dont il bénéficie passait de 16,5 % à 42 %. Qui plus est, cela ne nécessiterait aucun amendement à la constitution.
Puisque le PC comptait sur l'aide de l'ADQ pour augmenter sa représentation au Québec, la campagne fédérale n'offrait-elle pas à M. Dumont une bonne occasion de sensibiliser Stephen Harper à ses demandes?
Maintenant que les élections sont passées, il remonte sur sa rossinante autonomiste. Hier, le président de la commission politique de l'ADQ, Stéphane LeBouyonnec, a même voulu voir dans l'élection de 50 députés du Bloc québécois le signe que la question constitutionnelle demeure une préoccupation pour les Québécois. «Il faut faire en sorte que ce fruit-là mûrisse, a-t-il déclaré. C'est notre devoir de ramener ça au premier plan.»
Malheureusement, le premier ministre canadien connaît maintenant le poids réel de l'ADQ, et il risque d'être nettement moins réceptif. S'il y a une constante dans l'autonomisme de M. Dumont, c'est plutôt dans son refus catégorique d'expliquer comment il forcerait le gouvernement fédéral à négocier et ce qu'il ferait dans l'hypothèse hautement probable où il opposerait une fin de non-recevoir catégorique à ses demandes. Il est vrai que, dans la situation presque désespérée où se trouve l'ADQ, la question devient presque théorique.
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Jean Charest pouvait difficilement trouver un meilleur moment que la veille du conseil général pour débaucher deux députés adéquistes. Hier, on pouvait sentir M. Dumont rager intérieurement à l'idée de voir les médias converger vers Drummondville dans le seul but d'assister à la décomposition de son parti. Le chef de l'ADQ a d'ailleurs reconnu que, en dépit de la solidarité démontrée par son caucus, il ne pouvait pas être certain que l'hémorragie était définitivement stoppée.
En réalité, le PLQ n'a pas vraiment intérêt à accueillir d'autres transfuges dans ses rangs. Le coup porté à l'ADQ est terrible, peut-être même fatal, mais M. Charest se retrouve maintenant avec deux députés qui n'ont aucune qualification pour accéder un jour au conseil des ministres et dont l'arrivée risque de causer certains problèmes sur le terrain.
Dans une circonscription comme Champlain, la colère des électeurs adéquistes pourrait bien favoriser le PQ, qui l'avait emporté dans trois élections consécutives entre 1994 et 2007. Il sera très difficile de distinguer le vrai du faux dans les rumeurs qui circulent sur les avantages qui auraient été accordés aux transfuges adéquistes pour les convaincre de retourner leur veste, mais certains choisiront sans doute de les croire.
D'autres adéquistes pourraient être tentés de passer dans le camp péquiste. Si seulement deux d'entre eux faisaient le saut, le PQ retrouverait son statut d'opposition officielle et les ressources qui vont avec. Là encore, c'est un pensez-y bien. Même quand ils étaient de la famille, les militants péquistes n'ont jamais aimé les parachutés. Les affaires de Pauline Marois vont peut-être moins mal que celles de M. Dumont, mais elle devrait tout de même faire attention.


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