Jean-François Bégin - Guy Bertrand a peut-être changé de couleur de cheveux, mais sa soif insatiable de publicité est restée la même.
Dans ce pays qui aime tant se draper dans la Sainte-Flanelle, s'attaquer publiquement aux lacunes en français du capitaine du Canadien est un laissez-passer assuré pour les gros titres. Le genre de tentation à laquelle l'avocat de Québec, qui n'a probablement jamais rencontré une caméra ou un micro qu'il n'aimait pas, est incapable de résister.
Devant la commission Bouchard-Taylor, Me Bertrand a dit trouver «méprisant et irrespectueux» que le Canadien de Montréal ait «laissé» Saku Koivu présenter ses coéquipiers uniquement en anglais lors du match inaugural de la saison locale du CH.
Évidemment, Me Bertrand était complètement hors sujet dans ce forum où l'on est censé discuter d'accommodements raisonnables. Veut-il nous faire croire que l'intégration des immigrants serait facilitée si Koivu donnait des entrevues en français entre deux périodes d'un match du CH? Que le débat identitaire serait plus serein si le capitaine allait chanter Je ne regrette rien devant René Simard à L'heure de gloire?
Si ses critiques visaient Koivu lui-même, Me Bertrand aurait mieux fait de se taire plutôt que d'ajouter sa voix à un débat qui a déjà été fait 100 fois.
Mais si Guy Bertrand s'en prenait à la direction du Canadien, c'est autre chose. L'impair commis lors du match d'ouverture était impardonnable. Pas parce que Koivu parlait anglais. Parce que toute la présentation des joueurs, peu importe qui la faisait, était en anglais, devant un public très majoritairement francophone, dans une ville francophone.
Ça, c'est méprisant et irrespectueux, pas de doute là-dessus. Le Canadien a d'ailleurs finalement rectifié le tir, hier. Dans la vidéo diffusée avant le match, Koivu s'exprimait en français: «Salut, ici Saku Koivu, voici mon équipe, voici mes coéquipiers, etc.» Il continue de dire les numéros de ses coéquipiers en anglais, mais c'est un net progrès. Si seulement on l'avait dispensé de nous servir l'affreux et insignifiant slogan «La ville est hockey», tout aurait été parfait.
Bravo pour avoir réparé la gaffe, donc. Mais cette gaffe n'aurait jamais dû être commise. Elle montre comment le Canadien tient parfois ses partisans pour acquis. Comme lorsqu'il signe un contrat de télé qui oblige ses fans à se payer le câble pour regarder leurs favoris. Comme lorsqu'il vend son verre de bière flat au prix d'une caisse de six. Ou qu'il assomme les spectateurs avec une cérémonie interminable, comme ça a été le cas avec l'hommage par ailleurs mérité à Tom Gorman, Frank Selke et Sam Pollock, avant le match d'hier.
Pour le reste, que Koivu soit incapable de répondre en français aux questions des journalistes après 12 ans à Montréal, franchement, je m'en tape. Koivu n'est pas payé 4,75 millions par année pour faire des relations publiques, même si, à ce prix-là, il pourrait sûrement se payer quelques leçons de français chez Berlitz. Il est payé pour jouer au hockey et être un leader de son équipe, ce qu'il fait très bien.
Bien sûr, il serait préférable que Koivu puisse dialoguer avec ses admirateurs dans la langue de la majorité. Mais son appartenance à la communauté montréalaise, Koivu la manifeste autrement, notamment par le travail remarquable de sa fondation, qui a amassé des millions pour l'achat d'appareils de diagnostic à l'Hôpital général de Montréal.
Vous dites? Le Canadien a une valeur symbolique dans notre société? Et ça astreindrait son capitaine à des devoirs supplémentaires? Balivernes. Quand les Canadiens français (j'emploie cette terminologie à dessein) étaient un peuple plus ou moins asservi dans le beau grand Canada anglo des années 40 et 50, alors là, oui, le Canadien était plus qu'un club. Il était un véhicule pour les aspirations nationalistes d'un peuple qui rêvait d'avoir sa place au soleil. Un capitaine ou une vedette qui parlait français, ça voulait dire quelque chose. Quelque chose comme «Envoye, Maurice, montre-leur, aux maudits Anglais!»
Mais aujourd'hui? Trente ans après l'adoption de la loi 101, le Québec n'est plus la société en instance de «louisianisation» qu'il a peut-être déjà été. Le Québec est une société confiante qui n'a pas besoin de quelques «bonjours» et «mercis» en français de la part d'un joueur de hockey pour se rassurer sur sa pérennité.
Du moins je l'espère.
Dur pour la famille
Daniel Brière s'est fait huer comme un malpropre au Centre Bell, hier soir. C'était dans l'ordre des choses, j'imagine, même si cette réaction épidermique des partisans ne fait sans doute que confirmer à l'attaquant des Flyers qu'il a bien fait de lever le nez sur le Canadien.
En matinée, juché sur un tabouret pour accommoder la meute médiatique, Brière soulignait à quel point les méchancetés dites à son sujet cet été affectaient ses proches. «Je m'excuse auprès de mes amis et parents de les avoir mis dans cette situation. Les gens ne réalisent pas que ce n'est pas à Daniel Brière que ça fait mal, mais à son entourage», a-t-il dit.
Maintenant que tout le monde s'est bien défoulé, peut-être qu'à la prochaine visite des Flyers, on pourrait se contenter d'apprécier le talent exceptionnel d'un joueur qui a toujours été un gentleman. Brière mérite mieux que ce traitement enfantin.
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