Revue de presse

Mise en échec

Quand le sport devient politique

Franchement! Nos politiciens n'ont rien de mieux à faire? C'est ce qu'à peu près tout le monde s'est demandé au Canada anglais en apprenant la décision du Comité parlementaire sur les langues officielles de se pencher sur le choix de Shane Doan comme capitaine de l'équipe canadienne de hockey.

Le verdict est unanime, d'un océan à l'autre. Les politiciens n'ont pas à se mêler de ce genre de choses. Leur insistance sent l'opportunisme à plein nez et démontre un mépris pour le simple fair-play. Doan dément depuis le début avoir prononcé des propos méprisants à l'endroit des francophones, la Ligue nationale a clos le dossier après y avoir jeté un oeil et, pis, l'affaire est devant les tribunaux à la suite d'une poursuite déposée par Doan contre le député libéral Denis Coderre et d'une contre-poursuite de ce dernier.
L'éditorialiste Geoff Matthews, de la chaîne SunMedia, ne peut croire que deux mots prononcés il y a deux ans par un hockeyeur réussissent à éclipser un rapport de la vérificatrice générale sur les retards aux laboratoires judiciaires de la GRC. Ou encore à dévier l'attention de la guerre en Afghanistan, des problèmes environnementaux, de la pénurie de médecins, de la flambée des prix de l'essence. Il n'est pas le seul. Le Winnipeg Free Press dénonce cette unanimité des partis à faire comparaître Hockey Canada alors qu'ils sont incapables de faire front commun dans la résolution de problèmes tellement plus graves, comme les changements climatiques.
Le Globe and Mail s'insurge pour sa part contre cette «chasse aux sorcières» menée sans preuve. Il estime que les politiciens ont «porté un coup de coude vicieux à la réputation de M. Doan dans le seul but d'obtenir quelques votes de plus au Québec». De l'avis du quotidien, les chefs des trois partis d'opposition devraient avoir honte. Le Edmonton Journal voit dans cette affaire une «tentative pathétique pour attirer l'attention de la part d'un groupe de politiciens suffisants». Le Ottawa Citizen pense que «les députés devraient prendre leur travail assez au sérieux pour cesser de faire perdre leur temps à tout le monde alors qu'ils ne cherchent qu'à marquer des points facilement».
Don Martin, du Calgary Herald, ne cache pas son mépris pour le Comité des langues officielles qui, selon lui, se cherche à la fois du travail et de la publicité. «Une chose est sûre, le dernier mot ne doit pas revenir à un comité qui fait preuve d'un zèle missionnaire pour répondre à des questions comme de savoir si Air Canada offre assez de français avec ses bretzels.»
Le front afghan
Le traitement des prisonniers remis par les soldats canadiens aux autorités afghanes n'a pas pour autant disparu des manchettes. Au contraire. La performance du gouvernement Harper a continué à ulcérer et à scandaliser, plusieurs notant qu'Ottawa n'avait pas tiré les leçons de l'affaire Arar et des dangers qu'il y a à jouer les aveugles. «Répondez seulement à la question», demande le Telegram's, de St. John's, au gouvernement Harper. «Le Canada est-il d'accord pour remettre des prisonniers à des gouvernements étrangers pour qu'ils soient torturés?» Lyn Cockburn, de SunMedia, souligne la responsabilité des libéraux dans l'affaire Arar mais rappelle aux conservateurs que ce sont eux qui sont maintenant au pouvoir. «Il est temps d'arrêter ce petit jeu qui consiste à blâmer les autres», écrit-elle, avant d'exiger du gouvernement qu'il dise toute la vérité.
Cette controverse a eu un effet corrosif sur la confiance de bien des Canadiens à l'égard du gouvernement Harper. La réaction initiale du Globe and Mail et du Toronto Star à la dernière entente intervenue jeudi avec le gouvernement afghan en offrait une preuve éloquente hier.
Le Globe juge l'accord excellent puisqu'il va au-delà de celui conclu par les Pays-Bas, mais le quotidien se demande si ce dernier texte «vaut le papier sur lequel il est écrit». Les mensonges antérieurs du ministre de la Défense, Gordon O'Connor, ont semé le doute, tout comme l'attitude passée des autorités afghanes. Conscient des limites qu'impose la situation dans ce pays, le Globe ne se satisfait plus d'une entente améliorée. Il est maintenant persuadé qu'il faut adopter la solution préconisée par Amnesty International, à savoir la construction par l'OTAN d'un centre de détention géré par les Afghans mais supervisé par ses alliés, qui servirait de modèle pour un système correctionnel en construction. «Le but ultime de la mission en Afghanistan a toujours été la reconstruction de cette nation.»
Le Star, de son côté, parle d'une entente improvisée et de dernière minute. Le quotidien déplore qu'il ait fallu une tempête parlementaire, une poursuite d'Amnesty International et une baisse dans les sondages pour faire bouger les conservateurs. Et le simple fait d'avoir négocié un nouvel accord démontre que leurs assurances étaient fausses. Le Star ne s'étonne pas de la baisse de popularité des conservateurs puisqu'ils «ont géré négligemment le plus important engagement international du Canada». «Mieux vaut tard que jamais, mais [cette entente] arrive déraisonnablement tard, conclut le Star. Les conservateurs ont fait honte aux Canadiens et miné leur propre crédibilité avec leur minable performance. Leur façon cavalière de faire peu de cas des droits humains va à l'encontre de la tradition canadienne de promouvoir ces mêmes droits. Cette débâcle afghane représente un sombre chapitre dans l'histoire du Parti conservateur, mais un chapitre instructif.»
Le cafouillis conservateur dans les dossiers afghan et environnemental a eu pour effet de concentrer l'attention des Canadiens sur ces enjeux, constate James Travers, du Toronto Star. Il ne sera plus possible de faire campagne sur cinq priorités simples. L'approche du gouvernement guidera maintenant «le jugement des Canadiens sur les conservateurs et celui du monde, sur le Canada».
mcornellier@ledevoir.com


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