L'opinion de Bernard Landry #40

Ni à gauche, ni à droite

L'opinion de Bernard Landry


L'indépendance du Québec ne peut être honnêtement présentée comme étant de gauche ou de droite: "elle est en avant" comme disait sagement le regretté Marcel Léger. La thèse contraire peut être séduisante et certains, à l'origine du mouvement indépendantiste, disaient même: "Nous ferons du Québec libre un vrai paradis fiscal: une Suisse d'Amérique du nord!" D'autres, par ailleurs, disaient "Le Québec indépendant sera socialiste ou ne sera pas!"
Malgré la sincérité des gens qui croyaient à ces thèses, elles ne peuvent être que contraires au réel et à l'essence même de notre démocratie. Quand le Québec aura la maîtrise complète de son destin, comme dans toutes les autres démocraties, c'est le peuple qui décidera de nos orientations nationales fondamentales. Parfois il voudra être gouverné à gauche, d'autres fois à droite.
Même à l'intérieur du Parti québécois depuis son origine, diverses tendances ont été représentées. Ces vingt ans de gouvernance ont globalement constitué une synthèse à la fois progressiste et efficace. Les gouvernements issus de ce parti se sont consacrés avec ardeur à la distribution équitable de la richesse, mais ils ont aussi contribué à sa création notamment par de judicieuses interventions dans les secteurs à haute valeur ajoutée comme la mise en oeuvre du virage technologique.
De toutes façons depuis la Révolution tranquille le Québec, quels que soient les partis qui l'ont gouverné, a pratiqué une sorte d'économie sociale de marché, à divers degrés, qui ressemble à celle pratiquée par les pays d'Europe du Nord. Les gouvernements dirigés par Jean Charest étant les plus éloignés de cette option. Donc, de façon générale, par ses politiques économiques et sociales progressistes, dont la plupart furent mises en place par le Parti québécois, le Québec est nettement en avance par rapport au Canada. Il est évidemment à des années lumière des États-Unis qui sont, par ailleurs, sur la voie d'un rattrapage significatif à cet égard.
Pour des raisons historiques profondes, il est évident que le Québec libre restera globalement une société progressiste, solidaire et fraternelle. C'est, dirait-on, dans nos gènes sociaux-politiques et depuis longtemps. En effet, lors de la conquête britannique, la plupart des aristocrates sont retournés en France, laissant ici environ 70,000 "Canadiens", devenus le terreau principal des Québécois d'aujourd'hui. Ces ancêtres étaient en grande majorité des paysans, des coureurs de bois et des artisans de condition généralement modeste. Le colonialisme britannique ne les aida pas à progresser matériellement, bien au contraire. Nous étions encore colonisés en 1960 quand Jean Lesage s'est écrié "Maîtres chez nous", comme Maurice Duplessis l'avait lui-même dit quelques temps auparavant.
Notre nation est donc née pratiquement sans classe sociale au véritable sens sociologique du terme. Peu de ces vaillants prédécesseurs étaient riches, et ceux qui l'étaient, l'étaient modestement. Ils venaient de familles pauvres et n'étaient donc pas issus d'une classe sociale différente. Dans les familles nombreuses du temps, pouvaient se retrouver aussi bien un homme politique de premier plan, qu'un évêque, des artisans, des paysans, des mineurs et des bûcherons. Tout ce monde se retrouvait sous un même toit pour de joyeuses Fêtes du Nouvel An. Encore aujourd'hui, on ne peut pas dire qu'il soit apparu ici de vraies classes sociales comme on en retrouve en Europe.
Il n'y a sans doute pas de pays au monde où tant de gens ont une résidence secondaire au bord d'un beau lac. Plus ou moins opulentes, évidemment. Ici plus que partout ailleurs, les travailleurs jouent au golf et vont en vacances en Floride ou en République Dominicaine. Ils ont des piscines; plus "hors terre" dans leur cas que pour les plus riches, mais ils en ont plus que pratiquement dans tout autre pays. Évidemment, comme partout, nous avons aussi des pauvres, mais relativement moins, et nous nous en occupons mieux.
La moitié du commerce bancaire du Québec est l'oeuvre d'une coopérative. Les syndicats, par leurs fonds de solidarité sont des investisseurs puissants et sérieux. L'économie sociale est plus importante ici que dans plusieurs sociales-démocraties étrangères. Une très grande partie de la transformation agro-alimentaire est faite par des coopératives. Nous avons aussi un grand nombre de brillants entrepreneurs capitalistes qui dominent le monde dans leur catégorie ou dirigent de vigoureuses PME. Les anciens colonisés se sont bien tirés d'affaire avec l'aide de leur état national dont René Lévesque disait qu'"Il est le plus puissant d'entre nous". L'indépendance nationale ne pourra donc que nous aider à nous épanouir davantage dans une solidarité portée par une liberté plus grande.
Bernard Landry


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