Petit rappel sur la démocratie

Doit-on comprendre que le pouvoir renvoie le problème aux urnes parce que les élections sont beaucoup plus faciles à "contrôler" que les manifestations...


Dans un contexte normal, les offres globales que le gouvernement Charest a proposées aux associations étudiantes devraient permettre de dénouer la crise des droits de scolarité. Ce sont des offres que les étudiants pourraient accepter sans perdre l'honneur, pour retourner en classe et sauver leur session.
Je suis assez mal placé pour critiquer cette proposition gouvernementale en six points, qui ressemble beaucoup à ce que je suggérais la semaine dernière dans une chronique intitulée «Six pistes de solution». Les améliorations aux prêts et bourses et le remboursement proportionnel au revenu réduisent sensiblement les irritants associés à une hausse des droits de scolarité.
Le problème, c'est que nous ne sommes pas dans un contexte normal. L'offre gouvernementale porte sur les droits de scolarité. Mais au fil des semaines, le mouvement s'est amplifié et déborde largement l'enjeu initial. Ce n'est plus un débat sur l'accessibilité et l'équité, mais quatre batailles qui s'entrecroisent.
L'opposition à la hausse est devenue un véhicule d'expression au mécontentement contre le gouvernement Charest. Elle a également pris de l'ampleur pour exprimer le ras-le-bol d'une partie de la jeunesse. Elle est enfin devenue un terrain d'affrontement sur deux conceptions du modèle québécois.
Cette dynamique complexe semble échapper à tout contrôle. Pour dénouer l'impasse, ça pourrait nous aider de revenir à la base et de rappeler quelques évidences. Nous ne vivons pas dans un régime de démocratie directe où les décisions se prennent dans la rue. Nous vivons dans une démocratie parlementaire, où il faut accepter qu'à un moment donné, c'est le gouvernement qui fait les arbitrages et qui décide.
Le Québec est dirigé par un gouvernement élu, à qui les électeurs confient un mandat et à qui ils délèguent des responsabilités. Ce système imparfait peut mener à des erreurs et à des abus. Nous disposons donc de mécanismes formels pour encadrer l'exercice du pouvoir, comme les institutions parlementaires, les lois et les tribunaux. À cela s'ajoute une foule de mécanismes informels pour amener un gouvernement à ajuster le tir - mouvements d'opinion, sondages, débats publics. Enfin, le peuple dispose d'une arme ultime à travers ses choix électoraux.
Le débat sur les droits de scolarité a été soumis à ces mécanismes. La hausse a été largement expliquée dans un budget déposé par un gouvernement élu, qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Cette mesure a fait l'objet d'une consultation, d'avis d'organismes consultatifs. Elle a ensuite provoqué un mouvement d'opposition des étudiants qui a obligé le gouvernement à mettre de l'eau dans son vin. On peut aussi constater que ce projet compte sur d'importants appuis - celui d'une majorité des citoyens, et celui d'un des deux grands partis d'opposition. Et que les deux tiers des étudiants ne participent pas à la grève.
Tous ces éléments contribuent à donner une légitimité à la démarche gouvernementale. Assez pour conclure, au terme de ce vaste débat public, que la balance penche clairement en faveur des partisans de cette hausse. En démocratie, c'est le plus souvent ainsi que les décisions se prennent.
Mais ces mécanismes d'arbitrage ne fonctionnent pas parce que les associations étudiantes ne veulent pas accepter ce verdict. On peut y voir l'expression collective du phénomène de l'enfant-roi, typique de cette génération à qui personne n'a jamais dit non. Les jeunes n'étaient pas d'accord avec la hausse. Ils l'ont exprimé. Mais ensuite, ils ont été stupéfaits et indignés de découvrir que le gouvernement ne se rendait pas à leur point de vue.
Mais, pour un gouvernement, le respect des principes démocratiques ne signifie pas qu'il doit reculer à chaque fois qu'une de ses décisions suscite des résistances. C'est aussi de faire des choix, pour le bien commun, quitte à déplaire.


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