Pourquoi pas l'espagnol (ou le portugais ou l'italien) en premier?

Tribune libre

Le linguiste Louis-Jean Calvet écrivait le 20 mars 2012 dans un article intitulé Quelle politique linguistique pour la France? publié dans le Huffington Post (France):

«Quant aux langues de migrants, dont certaines comme l'arabe ou le chinois, ont une importance mondiale, ne serait-il pas intéressant d'en faciliter l'apprentissage non seulement aux enfants de migrants mais aussi à tous les enfants de France. Viser la diversité linguistique ce n'est pas enseigner systématiquement l'anglais comme première langue, politique particulièrement stupide puisque de toute façon tout le monde apprendra l'anglais. Pourquoi dès lors ne pas en faire la deuxième langue étrangère en appliquant pour la première soit une politique de voisinage (espagnol dans le sud-ouest, italien dans le sud-est, allemand dans l'est...) soit l'utilisation des potentialités linguistiques des migrants. Apprendre d'abord l'espagnol ou le chinois et ensuite l'anglais ne serait pas la pire des solutions.»
Reprenons les éléments un à un et essayons d'aller un peu plus loin.
Il serait fort intéressant que les enfants de migrants parlant des langues qui ont une importance mondiale puissent approfondir la connaissance de leur langue maternelle. De même il serait très intéressant que des enfants québécois qui vivent dans les milieux où ces langues sont parlées puissent les apprendre dans un univers qui se rapproche le plus de celui d'origine. L'émergence d'un monde multipolaire va entraîner un affaiblissement de la position dominante de l'anglais et le besoin d'avoir recours à d'autres langues internationales va se faire rapidement sentir. De plus, dans un univers où tout le monde parlerait anglais, la connaissance de celui-ci ne serait plus un élément discriminant et on s'apercevrait bien vite qu'il faudrait, pour se distinguer, apprendre une troisième langue.
Enseigner l'anglais systématiquement comme première et seule langue étrangère n'est peut-être pas la meilleure stratégie. D'une part, parce que l'anglais est une langue qui s'apprend mieux quand on est dans un milieu où on la parle et que c'est dans cette situation qu'elle devient facile. D'autre part, il y a des langues qui sont plus faciles pour un francophone comme, par exemple, l'espagnol, l'italien et le portugais qui sont aussi, toutes les trois, de grandes langues de culture. Enfin quand on apprend une première langue étrangère, on apprend en fait deux choses: on apprend une langue étrangère et on apprend à apprendre une langue étrangère. Un fois qu'on sait comment apprendre une première langue étrangère, la deuxième est plus facile. C'est pour cela que la première lange étrangère apprise devrait être aussi facile que possible. Voilà pourquoi je pense qu'on devrait enseigner aux francophones en premier une autre langue romane.
Pour continuer il faudrait élaborer une philosophie de l'apprentissage des langues. En Europe je crois savoir qu'on préconise l'apprentissage de deux langues étrangères en plus de la langue maternelle.
Une des langues étrangères doit être une langue de communication internationale et la deuxième doit être une langue d'adoption, une langue choisie pour l'attrait qu'elle exerce sur l'élève. Comme on ne choisit pas ses parents on ne choisit pas sa langue maternelle ni non plus celle qui apportera le plus de bénéfices économiques. Comme il est agréable de faire des choses qu'on aime, on peut être attiré par une langue simplement parce qu'elle plaît. On peut choisir d'en faire sa langue d'adoption.
Finalement tous les milieux ne présentent pas les mêmes caractéristiques linguistiques. Certains sont unilingues français d'autres unilingues anglais ou même d'une autre langue. Dans certains cas le milieu est caractérisé par la rencontre de plusieurs langues. Il ne peut pas y avoir une seule approche de l'enseignement des langues. On devrait définir des objectifs à atteindre et permettre aux collectivités locales de définir leurs besoins et leurs approches pédagogiques.
À l'heure actuelle au Québec, il y a beaucoup de pensée magique et de fétichisme anglomane mais très peu de réflexion sur l'enseignement des langues étrangères. Quand un parti d'opposition promet de défaire ce que le parti au pouvoir tente de faire dans le domaine, on ne peut pas espérer faire beaucoup de progrès à court et à moyen terme.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    30 mars 2012

    Bonjour Monsieur Méthé, je voulais écrire un article sur ce sujet et vous m’avez battu à la ligne d’arrivée.
    En faite si comme le gouvernement nous regardons la langue française non pas comme une question nationale, identitaire, patrimonial et culturelle. Si nous regardons seulement l’économie de la langue, pourquoi choisir d’enseigner l’anglais et investir dans la langue du déclin économique ? Parler l’anglais n’attirera pas les sièges sociaux de Toronto à Montréal.
    Pourquoi pas définir l’axe future économique du Québec et choisir la langue qui complémente cet axe ?
    Le Québec devrait couper tous les programmes anglophones et tous les programmes qui se donnent en anglais et finalement traiter les anglophones au Québec comme la minorité qu’ils sont et comme ils nous traitent au Canada.
    Prenons l’argent qu’on va sauver et choisissons d’éduquer les Québécois dans une langue gagnante comme le Chinois ou l’espagnole.
    Si la langue c’est une question de piastre alors qu’on échange cette piastre là pour le yuan ou le peso…