Québec dépose son projet de loi sur les mines

Le gouvernement veut exiger davantage de transformation du minérai au Québec

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Quand on cherche à ménager la chèvre et le chou, on ne contente personne

Le gouvernement Marois a présenté ce mercredi la nouvelle mouture du projet de réforme de la Loi sur les mines, le projet de loi 43. Contrairement aux libéraux, les péquistes souhaitent exiger davantage de transformation au Québec du minerai extrait par les entreprises qui exploitent les gisements de la province. Actuellement, les plus importants projets miniers sont développés en vue d’une exportation directe des ressources à l’état brut.
Selon ce qu’a expliqué en conférence de presse la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, « les entreprises minières devront déposer une étude de faisabilité de la transformation du minerai au Québec avant l’obtention d’un bail ». La ministre pourra également exiger qu’une entente soit conclue « afin de maximiser les retombées économiques générées par l’exploitation et la transformation de notre minerai ».
« Ces mesures permettront de développer des projets qui iront de l’extraction au traitement et à la transformation. Nous pourrons créer des emplois structurants pour l’économie du Québec. Nous savons que la transformation du minerai peut créer de trois à quatre fois plus d’emplois au Québec que la simple extraction », a expliqué la ministre Martine Ouellet.
La ministre n’a pas dit qu’elle pourrait bloquer un projet en cas de refus de la minière, mais elle a insisté sur le pouvoir dont elle souhaite disposer pour exiger de la transformation. Actuellement, les minières n’ont aucune obligation de transformer ici des ressources qui appartiennent en théorie à l’ensemble des Québécois.
Développer pour exporter
Les importants projets de développement de mines de fer, par exemple, se développent en vue d’une exportation, par bateau, vers les marchés asiatiques. Les multinationales qui pilotent ses projets n’ont pas fait état de projets de transformation au Québec. Elles souhaitent toutefois que des infrastructures - dont des chemins de fer et de l’approvisionnement en électricité - soient développées pour permettre le démarrage de la production. Des projets d’extraction de zinc, d’or, de nickel et de diamant sont eux aussi développés dans une perspective d’exportation rapide.
Lorsqu’ils étaient au pouvoir, les libéraux avaient dénoncé la volonté du Parti québécois d’exiger davantage de transformation au Québec. Lors de la commission parlementaire qui étudiait l’ancien projet de réforme de la Loi sur les mines (le projet de loi 14), le ministre responsable des mines, Serge Simard, avait affirmé que les investisseurs ne pardonneraient pas au Québec d’avoir inclus ce genre de disposition dans sa législation. Cela provoquerait « de graves problèmes ». Pire, ce genre de « protectionnisme », avait-il affirmé, ne peut que « créer de la pauvreté chez nous ».
La ministre des Ressources naturelles compte aussi mettre aux enchères des claims sur lesquels le ministère a effectué des travaux de cueillette d’informations et ainsi « donner une valeur ajoutée à ses activités ». Les titulaires de claims, quant à eux, devront obligatoirement informer les municipalités et les citoyens de l’obtention de leurs claims à l’intérieur d’un délai de 60 jours. Ils devront également soumettre aux municipalités la planification de leurs travaux dans les 90 jours précédant le début de leurs activités.
Le gouvernement Marois a également réitéré son intention de rendre publiques les données concernant les redevances payées mine par mine, mais aussi les tonnages de minerai extraits. « Les Québécois seront en mesure de connaître les ressources qui sont extraites de leur sous-sol et ce qu’ils en retirent. La transparence est un élément essentiel pour établir un climat de confiance entre la population et l’industrie, un élément incontournable au succès des projets miniers », a affirmé Martine Ouellet.
Droits des municipalités
L’idée de permettre à des municipalités d’exclure l’activité minière de certaines zones de leur territoire est reprise dans le nouveau projet de loi. Si le projet est adopté tel quel, les municipalités seront en mesure de définir des zones « incompatibles » avec l’activité minière ou « compatibles sous conditions » dans leur schéma d’aménagement. Québec se réserve toutefois un droit de regard sur la définition des différentes zones, en fonction d’« orientations du gouvernement » qui restent à définir.
La ministre des Ressources naturelles a mis sur pied un groupe de travail duquel a émergé, selon elle « un consensus entre les municipalités et les entreprises minières pour éviter les conflits d’usage ».
Comme promis, des consultations publiques menées par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement seront tenues pour chacun des projets miniers. Un comité de suivi environnemental et de maximisation des retombées économiques devra aussi être constitué et maintenu pour toute la durée de vie d’une mine.
Une garantie financière, couvrant 100 % des coûts, sera en outre exigée pour la restauration des sites miniers et son versement devra être fait dans les deux ans suivant le début des activités d’une mine. Avant d’obtenir leur bail, les entreprises minières devront faire approuver le plan de restauration par la ministre des Ressources naturelles. Avec ces mesures, il n’y aura plus de « sites miniers orphelins » au Québec, selon la ministre Ouellet.
Coûts et délais accrus
La présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec (AMQ), Josée Méthot, «regrette» l’introduction dans le projet de loi 43 d’une nouvelle mesure «obligeant» les sociétés minières à mener une étude de faisabilité pour la transformation des ressources naturelles avant de forer, «ce qui fera, une fois de plus, augmenter les coûts pour les minières, en plus d’alourdir le fardeau des entreprises et d’allonger les délais».
Mme Méthot s’étonne que cette mesure s’applique également aux entreprises minières soumettant une demande de renouvellement de bail. Le gouvernement «change les règles du jeu» des entreprises qui ont déjà effectué des investissements, a-t-elle déploré.
L’AMQ s’interroge sur la volonté du gouvernement Marois de voir une «industrie [minière] forte» grossir à l’intérieur des frontières du Québec. Doté d’un régime de redevances «des plus exigeants», le Québec est la juridiction canadienne dont les coûts de production et de transport sont les plus élevés, martèle l’association. Le projet de loi ajoute un «fardeau» affaiblissant «encore plus» le potentiel d’attractivité du Québec et la compétitivité des entreprises minières qui s’y trouvent. «Le Québec doit reprendre la place qu’il a perdue comme meilleur endroit mondial où investir dans le secteur minier. Pour ce faire, le gouvernement doit se doter d’un plan de match à long terme qui limite les contraintes et qui assure un développement des ressources qui soit durable, rentable et économiquement acceptable, autant pour l’industrie que pour le Québec et les Québécois», a conclu Mme Méthot.
Pouvoirs trop limités
Selon l’Union des municipalités du Québec (UMQ), non seulement le projet de loi ne prévoit pas de mettre un terme à la préséance de la Loi sur les mines sur les pouvoirs municipaux en matière d’aménagement et de développement du territoire, mais il alloue un droit de veto à la ministre des Ressources naturelles sur les planifications municipales. «L’adoption de cette modification à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme constituerait un précédent historique inacceptable pour les municipalités», a indiqué le président de l’UMQ, Éric Forest.
Même si le projet de loi reconnaît aux municipalités la capacité de définir des secteurs incompatibles avec l’activité minière, ces pouvoirs demeurent trop limités, puisqu’ils concernent exclusivement les droits qui seront consentis aux sociétés minières dans le futur.
L’UMQ presse les décideurs à «tirer une leçon de la crise générée» par les activités d’exploration du gaz de schiste dans les basses terres du Saint-Laurent. «Les élus municipaux demeurent les mieux placés pour gérer les différents usages du territoire et créer un environnement attrayant et dynamique qui permettra au Québec d’attirer et de retenir de nouvelles populations et de nouvelles entreprises. Et c’est vrai pour l’ensemble des industries», a poursuivi M. Forest.

Maximiser les retombées
Pour sa part, le Syndicat des Métallos presse les partis politiques d’opposition à adopter le projet de loi. Ce faisant, ils donneraient un signe clair de leur appui à la transformation des ressources naturelles extraites du sol et du sous-sol québécois au Québec. «Voilà des années que nous plaidons pour la transformation des ressources naturelles, enfin nous sentons que le gouvernement nous a entendus. Le projet de loi donne une poignée législative pour qu’on se fasse respecter au Québec par les grandes compagnies qui veulent exploiter nos richesses», a fait valoir le directeur québécois des Métallos, Daniel Roy.
Le Syndicat des Métallos insiste sur l’importance de relancer le secteur manufacturier québécois — qui est passé en dix ans (2000-2010) de 23,6 % à 16,3 % du produit intérieur brut (PIB) —, en intensifiant la transformation des ressources minières. Estimant qu’il en va de la survie d’une «classe moyenne forte» au Québec, M. Roy compte «mettre de la pression» afin que les mines déjà existantes transforment, elles aussi, davantage. «Juste dans le secteur métallique, on estime qu’une hausse de la transformation de 10% permettrait de créer 7500 bons emplois. [...] Il est grand temps de développer au Québec des filières complètes de l’extraction des minerais jusqu’au produit fini, c’est la seule façon de maximiser les retombées économiques», a-t-il ajouté.
Le syndicat affilié à la FTQ appuie par ailleurs les dispositions du projet de loi ouvrant la voie à une plus grande transparence des compagnies minières, notamment à l’égard de leur situation financière.
Avec Marco Belair-Cirino


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