Le nouveau régime de redevances minières

Québec se contente de 50 millions de plus

Il aurait été irresponsable de respecter la promesse électorale, croit Marceau

La politique est l'art du possible

Québec — Le ministre des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, a accouché d’un nouveau régime de redevances beaucoup plus modeste que celui qu’avait fait miroiter le Parti québécois en campagne électorale, le pachyderme promis s’étant mué en une souris imposée par des impératifs économiques.
Au lieu de revenus supplémentaires de 388 millions, soit plus du double des redevances versées par les minières à l’heure actuelle, une somme à laquelle se seraient ajoutés les millions d’une taxe sur le surprofit, le gouvernement Marois a tempéré son appétit pour se contenter de 50 millions, selon des projections faites pour l’année 2015.
Non sans une certaine franchise, Nicolas Marceau a affirmé qu’il aurait été « irresponsable pour moi d’essayer d’obtenir le montant de la campagne électorale ».
« Je n’ai jamais accepté de me laisser enfermer dans une logique d’un montant que je devais aller chercher. Moi, j’ai voulu trouver l’équilibre », a-t-il fait valoir.
« Nous n’avons pas laissé traîner des centaines de millions de dollars sur le trottoir, ce n’est pas vrai. S’il avait été possible d’aller en chercher plus, on serait allés en chercher plus », a ajouté le ministre.
Un taux de taxation combiné - les redevances ajoutées aux impôts fédéral et provincial - dépassant 40 % ne se traduirait pas par une hausse des revenus de l’État, au contraire. « Ça devient contre-productif, c’est-à-dire que la baisse de l’investissement fait en sorte que des revenus futurs sont diminués », a expliqué l’économiste. Le gouvernement s’est contenté d’un taux combiné de 39,4 % pour une marge bénéficiaire moyenne.
Malgré tout, le ministre a soutenu qu’il avait respecté les quatre principes énoncés par le gouvernement : les revenus tirés des redevances devaient croître ; toutes les exploitations minières, rentables ou non, devaient payer un impôt minier ; les redevances devaient augmenter en fonction du rendement ; et enfin, davantage de transformation du minerai devait se faire au Québec.
Nicolas Marceau était accompagné de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, qui a décidé, au dernier moment, de ne pas bouder l’annonce. Elle a parlé d’« avancées importantes » plutôt que d’une mission accomplie.
À l’heure actuelle, 10 des 20 mines exploitées au Québec ne paient pas de redevances parce qu’elles ne sont pas rentables. C’est le cas notamment de mines qui en sont à leurs premières années d’exploitation. En campagne électorale, le PQ avait promis d’imposer à toutes les mines une redevance de 5 % de la valeur brute du minerai extrait.
Or la formule retenue est beaucoup moins gourmande. La redevance minimale s’élève à 1 % des premiers 80 millions de la valeur « de la production à la tête du puits », c’est-à-dire la valeur brute moins les dépenses subies après l’extraction du minerai. Pour la tranche de 80 millions et plus, elle grimpe à 4 %. En outre, l’impôt minier minimum pourra être reporté et déduit de la redevance sur le profit.
Les mines rentables se verront imposer une redevance, ou impôt minier, sur leur profit à un taux de 16 % pour une marge bénéficiaire faible ou moyenne - jusqu’à 35 % -, soit exactement le même taux que le régime de redevance actuel revu par l’ancien ministre des Finances, Raymond Bachand. Le taux de redevances augmentera par tranche : une mine avec une marge bénéficiaire de 50 % paiera 17,8 % de son profit et une autre avec une marge de 100 % versera 23 %.
Nicolas Marceau a souligné que le prix des métaux avait chuté de 25 % depuis le sommet de 2011 et que les surprofits avaient disparu, ce qui expliquerait, selon lui, que le gouvernement ne remplisse pas ses promesses électorales. Or, si on se fie aux projections du ministère jusqu’en 2020, même en épousant l’hypothèse la plus favorable - des prix et des marges élevés -, jamais le gouvernement ne touchera en redevances minières une somme qui pourrait s’approcher de la promesse péquiste. Dans le meilleur des cas, en 2020, l’État empochera 201 millions de plus qu’avec le régime Bachand.
Cette baisse des revenus projetés n’aura pas de conséquence sur les finances publiques, a soutenu le ministre, puisque les redevances minières sont versées à la dette et ne serviront pas à « payer l’épicerie ».

Autre recul majeur
Pour les partis d’opposition, le nouveau régime de redevances minières est un autre « recul » majeur du gouvernement Marois, qui s’est fait élire sur de fausses promesses.
« Depuis deux ans, le Parti québécois nous accuse, crie partout que le Québec brade ses ressources, ils ont fait leurs élections avec ça », a dénoncé le porte-parole de l’opposition officielle en matière de Finances, Raymond Bachand, qui parle de « promesse irréaliste » de Pauline Marois.
Ironique, il a salué les fonctionnaires du ministère des Finances « qui ont dû faire des ingéniosités acrobatiques pour tenter de sauver la face du gouvernement ».
Il reconnaît que le contexte mondial a changé, mais estime que c’est « la conjoncture péquiste » qui a fait le plus mal à l’économie du Québec. Le Parti libéral réclame une étude d’impact sur les petites minières et des emplois manufacturiers.
Marqué par la publicité électorale du Parti québécois qui présentait un immense camion d’où s’échappaient à peine quelques cailloux, François Bonnardel s’est présenté en conférence de presse avec un minuscule camion Tonka, lundi. « Ce camion devient le symbole d’une industrie qui a mal, de l’hypocrisie du Parti québécois. »
Il reconnaît certains points positifs, dont l’incitation à la deuxième et troisième transformation, mais estime que ce troisième changement de système de redevances met « en péril » les projets d’explorations. « Ç’a été beaucoup plus négatif dans un contexte d’investissement que ce 50 millions de dollars qu’on va proposer. »
De son côté, Québec solidaire soutient que « c’est le chantage économique qui l’emporte sur le courage politique ».


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