Ralliez-vous à mon panache blanc, vous le trouverez sur le chemin de la victoire

Il y a quatre cents ans le Roi de France Henri IV est assassiné le 14 mai 1610

Chronique de Marie-Hélène Morot-Sir


Ce roi fait partie encore aujourd'hui de l'imaginaire de ceux qui construisirent l'identité française, car il a laissé une trace importante, tant en France qu'en Nouvelle France, puisque passionné d'exploration, il relance dès son arrivée sur le trône, ce processus dans le Nouveau Monde, fortement mis en veilleuse depuis près de soixante et dix ans ..depuis jacques Cartier..
Grâce à la bonne gestion du surintendant des finances, son ami Maximilien de Béthune, le budget devient exédentaire (en remerciement pour services rendus à la France il sera élevé plus tard au rang de pair de France avec le titre de duc de Sully) Non seulement Henri IV et Sully remettent en ordre le budget mais ils s'occupent de la restauration du pays qui redevient prospère, avec un encouragement particulier pour l'agriculture que décrit cette phrase percutante, inoubliable : " labourage et pâturages sont les deux mamelles de la France"
Il s'occupera également des besoins du peuple, montrant le souci qu'il en a, en souhaitant que chaque famille de laboureur puisse s'offrir le dimanche une poule au pot .
En 1603 Henri IV fait revenir les jésuites afin qu'ils s'occupent à nouveau du système éducatif, ils avaient été expulsés en 1595 étant trop impliqués dans la contre réforme catholique, servant davantage le Pape que le Roi ! Le Pape envoie un jésuite Pierre Coton afin qu'il s'emploie à donner cette éducation religieuse manquante au roi, ce dernier en bon Béarnais qu'il est, ne se prive pas d'employer des jurons qui, il faut bien le dire, ne sont pas très catholiques, tel "Jarnidieu !" signifiant je renie Dieu ! Pierre Coton lui suggère non sans humour de le remplacer par jarnicoton (!) juron qui arrivera jusqu'à nous car il a gaiement traversé les siècles..
Catherine de Médicis avait fait épouser sa fille Marguerite de Valois au jeune Roi de Navarre, élevé dans la religion protestante par sa mère Jeanne d'Albret elle-même convertie au calviniste, dans le but d'apaiser les relations exacerbées entre catholiques et protestants.


Le mariage avait eu lieu le 18 août 1572, et il y eut à Paris trois jours de grandes festivités mais cela provoqua et engendra la haine des parisiens catholiques, fortement remontés par les sermons haineux du clergé, contre Henri de Navarre et les siens, c'est ainsi que le 24 août au signal du tocsin de Saint Geneviève l'Auxerrois, les assassins envahissent la ville et massacrent tout ce qui leur tombe sous la main de protestants, suivis par une populace de pillards.. Ainsi à la fin du jour on comptera plus de trois mille morts !
En définitive ce mariage, si mal débuté, traversera bien des soubresauts, mais cette union restant stérile, le Pape l'annulera en 1599 ...
Personne ne se doutait que ce descendant d'Henri d'Albret de Navarre deviendrait par la suite, roi de France , mais il demeure le seul héritier mâle de la couronne de France, à la mort de François, duc d'Alençon, dernier fils d'Henri II et de la régente, Catherine de Médicis, ceci en vertu de la loi salique, car en effet le roi Philippe II d'Espagne avait des ambitions pour sa fille Isabelle, prétendante également, étant la petite fille d'Henri II.
L'arrivée inattendue sur le trône de France, de ce protestant paraissant un peu rustre,sortant de sa lointaine Navarre, est très mal acceptée par les catholiques qui avaient formé une Ligue et de nombreux pamphlets contre lui, circulent non seulement dans tout Paris, mais également dans tout le pays .. De ce fait le nouveau roi répondra à cela en 1594 en faisant graver des images le représentant .. ce dont on l'accusera par la suite..
Mais "Paris vaut bien une messe" et effectivement afin que la paix règne sur le royaume Henri IV se convertit au catholicisme en 1593, il pourra donc se faire sacrer Roi de France en février 1594.
Malgré cette abjuration, malgré le sacre et l'entrée d'Henri IV à Paris, il ne ralliera qu'une petite partie des opposants . Il restait encore un grand nombre de villes, qui ne reconnaissaient pas son autorité. La Ligue, emmenée par le duc de Mayenne, dirigeait toujours les opérations militaires, et ne désarmait pas, fortement soutenue par les troupes et l'argent espagnols. Aussi le roi, décida-t-il de déclarer la guerre à Philippe II d''Espagne, le 17 janvier 1595. Il fallait que tout soit clair et cela le fut avec la victoire de Fontaine-Française en Bourgogne (5 juin 1595) et l'élan national lui donna raison. Mais une autre grande victoire, importante pour cette époque, eut lieu en septembre, le pape Clément VIII prononça l''absolution d'Henri IV, qui était resté sous le coup de l'accusation d'hérésie, lancée contre lui par Sixte Quint, dix ans plus tôt.
Le 30 avril 1598 l'Edit de Nantes va marquer à jamais le règne de ce roi. En effet grâce à cet Edit, le roi va instaurer une coexistance pacifique, jamais vue jusque-là, entre catholiques et protestants, mettant un terme aux guerres de religion, permettant la liberté de conscience, la liberté de culte, l'intégralité des droits civiques et donne des centaines de places réservées aux protestants. Cette tolérance entre les deux confessions religieuses, ayant les mêmes droits au sein d'un Etat catholique, veut avant tout, mettre fin " aux effroyables troubles, confusions et désordres" déchirant le royaume.
Avec l'Edit de Nantes, le roi va s'attacher à rallier, un par un, les chefs de la Ligue, ainsi que les derniers seigneurs réfractaires, gagnant quelquefois leur soumission contre "espèces sonnantes et trébuchantes"
Cet Edit de Nantes va être particulièrement important, il sera précurseur dans l'Histoire de la longue conquête des libertés publiques et individuelles, mais le pape évidemment ne cessera d'en demander la suppression, et cela jusqu'à sa révocation qu'il obtiendra par Louis XIV en 1685 à Fontainebleau, mais les protestants purent grâce à cet Edit vivre presqu'un siècle sous sa protection . Cet Edit de Nantes fut un acte de souveraineté dont le but était la paix civile, même si cela sous-entendait de revenir à une unité religieuse, celle de la " vraie" religion catholique, et c'est ce qu'invoquera Louis XIV pour tout d'abord l'exercer de façon restrictive, puis en arriver à l'abolir, prenant appui sur les nombreuses conversions des protestants devenus catholiques ... ce qui ramènera de nouvelles persécutions avec les terribles dragonnades ...
Depuis le 2 mai 1598 la paix de Vervins avait mis un terme à la pression espagnole, mais Henri IV va instaurer un système d'alliances afin de faire baisser l'influence des Habsbourg tant en Autriche qu'en Espagne, et cette politique réussira à tel point que ses descendants, son fils et son petit-fils (louis XIII et Louis XIV) la poursuivront jusqu'à la guerre de Sept ans 1756/ 1763
Une fois roi de France, Henri IV épousera le 17 décembre 1600 Marie de Médicis, fille de François de Médicis, grand duc de Toscane et de Jeanne de Habsbourg, sans doute à cause de sa très belle dot, car ce mariage participera à renflouer les finances.. Ils auront cinq enfants, dont le futur Louis XIII. Marie de Médicis sera finalement couronnée le 13 mai 1610.
Henri IV avait commissionné Pierre Dugua des Mons, en lui octroyant le monopole de commerce précédemment donné à Pierre Chauvin de Tonnetuit puis à Aymar de Chaste, après la mort de ces derniers, désirant poursuivre le commerce et les explorations... Pierre Dugua vendit son château des Mons pour financer son expédition, il avait du revenir en France afin de régler des ennuis que lui faisaient les marchands de Rouen. Il envoya donc François Gravé du Pont, lieutenant de vaisseau, accompagné de Samuel de Champlain ce fameux jour de mai 1603 dans les eaux du Saint Laurent au moment où tout commença lors de la célèbre tabagie de Tadoussac* !
Un petit kiosque au nom de Samuel de Champlain a d'ailleurs été élevé en souvenir, à la Pointe aux alouettes même, où on peut encore le voir de nos jours, sur la baie Sainte Catherine, face au fleuve immense porteur de tant de souvenirs...
En mai 1610 Henri IV dispose d'une armée totalement réorganisée par Sully, il peut donc rassembler près de trente sept mille hommes à Châlon afin de se porter au secours des protestants, en butte aux assauts de l'Empereur catholique Rodolphe II, allié de la papauté pour la succession du duché de Clèves et de Juliers. Mais un tel engagement pouvait bien certainement faire changer les rapports de force en présence, dont la papauté, et l'Espagne !
Henri IV veut aussi protéger les territoires frontaliers des Alpes et des Pyrennées et tout est organisé pour que le 19 mai il prenne la tête de ses troupes .
Il est facile d'observer que le temps presse pour ses ennemis catholiques, ceux-là même qui avaient été responsables de la terrifiante Saint Barthélémy.
En ce 14 mai 1610, le roi de France au panache blanc, est totalement occupé à préparer cette guerre, et il se rend tranquillement chez Sully, lorsqu'un embouteillage arrête son carrosse rue de la ferronnerie,près des halles, Ravaillac, son assassin qui se tenait prêt depuis plusieurs jours, saute sur une borne et s'appuyant sur la roue du carrosse par trois fois plonge la lame de son couteau dans le thorax du monarque !
Ravaillac a toujours paru sincère il explique que c'était son devoir d'assassiner ce roi qui ne faisait pas respecter le symbole même de l'église.. Mais a-t-il agi seul ? Qui a armé son bras ? A-t-il eu le "cerveau empoisonné par le venin de la Ligue" comme le dit Voltaire?
Les Habsbourg, souverains espagnols des Pays Bas, étaient particulièrement menacés par ces préparations de guerre du roi.. Se sont-ils appuyés sur des complicités? Sur des papistes? Sur ceux de la Sainte Ligue catholique ? Quatre cents ans plus tard personne ne peut rien affirmer, les questions demeurent..
Il reste néanmoins ce qu'il est possible d'observer, en effet seul l'assassinat du roi paraissait pouvoir empêcher et arrêter cette guerre ..
La politique très sociale de ce roi, très en avance sur son époque par rapport à son peuple, ne pouvait être acceptée par certains, pas plus d'ailleurs que cette tolérance religieuse qu'avait rendu légal l'Edit de Nantes, certainement insupportable à un grand nombre, y compris au pape .. ce qui rajoute encore des raisons importantes aux excellentes raisons déjà citées ..et un grand nombre de mécontents.
***
* panache de plumes blanches posées tout exprès sur son casque pour cette bataille afin d'être certain d'être bien vu de toutes part pour redonner confiance à ses troupes .
*14 mars 1590 cette bataille d'Ivry, une des nombreuses guerres de religion, opposa l'armée royale commandée par Henri IV mettant en déroute l'armée de la Ligue commandée par Charles de Lorraine duc de Mayenne, pourtant beaucoup plus nombreuse car soutenue, par un contingent d'Espagnols.
* Le nom de Tadoussac vient du nom Montagnais " mamelle" = Todoushak dans doute à cause des collines rocheuses alentour.
Pour célébrer l'anniversaire de l'assassinat d'Henri IV, le ministre français de la Culture et de la communication Frédéric Mitterrand fera découvrir le 14 mai un site internet baptisé "Henri IV. Le règne interrompu" http://www.henri-iv.culture.fr/#/fr/uc/00
Une installation de Jean-Charles Castelbaja, intitulée "Astronomy Domine", sera visible du 14 mai au 14 juillet dans le ciel parisien, près de la statue équestre d'Henri IV, au Pont-Neuf.à Paris.

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Marie-Hélène Morot-Sir151 articles

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Auteur de livres historiques : 1608-2008 Quatre cents hivers, autant d’étés ; Le lys, la rose et la feuille d’érable ; Au cœur de la Nouvelle France - tome I - De Champlain à la grand paix de Montréal ; Au cœur de la Nouvelle France - tome II - Des bords du Saint Laurent au golfe du Mexique ; Au cœur de la Nouvelle France - tome III - Les Amérindiens, ce peuple libre autrefois, qu'est-il devenu? ; Le Canada de A à Z au temps de la Nouvelle France ; De lettres en lettres, année 1912 ; De lettres en lettres, année 1925 ; Un vent étranger souffla sur le Nistakinan août 2018. "Les Femmes à l'ombre del'Histoire" janvier 2020   lien vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=evnVbdtlyYA

 

 

 





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3 commentaires

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    16 mai 2010

    Très intéressante réflexion, Monsieur Boivin, en effet le roi Louis XIV aurait pu donner ce choix-là aux protestants après la révocation de l'Edit de Nantes, celui de partir s'installer en Nouvelle France où effectivement le peuplement manquait considérablement .. Malheureusement depuis l'affaire des frères Kirks en 1629, lorsqu'ils avaient pris Québec, et emmenés à Londres, la petite poignée de Français qui était installée-là, dont S. de Champlain lui-même, le reste de ces Français étant dans les tribus Amérindiennes où ils restèrent jusqu'au retour de Samuel de Champlain en 1632, Richelieu avait décidé que plus un seul protestant ne partirait en Nouvelle France, puisque ces frères Kirks étaient protestants eux-mêmes et qu'ils avaient profité de complicités de Français protestants, entre autres pour remonter le fleuve Saint Laurent grâce au pilote jacques Michel .. cela perdurera puisque en 1665 lorsque Louis XIV envoie en renfort le régiment Carignan-Salière ce ne sera que des soldats catholiques qui pourront partir, c'est ainsi que seront baptisés à la Rochelle avant le départ tous ceux qui étaient protestants, ce qui retardera d'ailleurs d'une bonne semaine le départ des vaisseaux..

  • Gaston Boivin Répondre

    14 mai 2010

    Après la révocation de l'Édit de Nantes, il y aurait eu 250,000 protestants français, qui ont en conséquence quitter la France, savoir le quart de sa population réformiste, dont uniquement pour la Normandie, le deux cinquième de sa population protestante. L'on dit qu'une partie appréciable et importante de ces exilés huguenots se retrouvèrent finalement dans les colonies anglaises d'Amérique, notamment au Massachussets, en Nouvelle-Amsterdam(New-York),en pensylvanie, en Virginie et, principalement, en Caroline du Sud, dont un bon nombre auraient participé à la conquête anglaise de la Nouvelle-France en 1759. L'instant d'un moment, imaginons que, dans son Édit de révocation, Louis X1V, au lieu de menacer des galères ceux qui refuseraient d'abjurer leur religion et tenteraient en conséquence de fuir la France, leur aurait plutôt laisser le choix entre ce châtiment ou celui de l'exil en Nouvelle-France: Nous aurions ainsi pu récupérer toute l'immigrtion des huguenots dans les colonies anglaises d'Amérique du Nord et probablement une immigration supplémentaire de ceux-ci, de quoi sans doute pouvoir contrer valablement les assaults anglais pour conquérir la Nouvelle-France: Louis X1V n'aurait rien perdu: L'Amérique serait aussi protestante qu'elle ne l'est maintenant mais elle serait, aujourd'hui, française et, nous, anciens Canadiens, Acadiens et Louisiannais de la Nouvelle-France ne serions pas dans le merdier que nous connaissons aujourd'hui!
    Soit dit en passant, un siècle après la révocation de l'Édit de Nantes, la Constituante, exauçait le souhait jadis manifesté par ces réfugiés huguenots, en déclarant que toute personne qui descendait d'un expatrié "pour cause de relgion" aurait automatiquement la nationalité française si elle retournait vivre en France. Cette loi serait restée en vigueur jusqu'à la fin de la première guerre mondiale.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mai 2010

    Nous avons la chance, sur Vigile, d’avoir parmi les collaborateurs et collaboratrices une historienne sachant nous éclairer sur nos origines. Cela peut sembler éloigné mais il est intéressant de constater que la politique n’a pas beaucoup changé, du moins dans la forme des comportements des humains. Mme. Morot-Sir a ce talent extraordinaire de nous raconter simplement et de manière très intéressante, un pan d’histoire qui nous concerne mais que nous ignorions.

    L’Église catholique n’a plus l’ascendant qu’elle avait sur les politiques des pays d’Europe et des nouvelles contrées d’Amérique. Le papisme, pourri par les scandales et le pouvoir n’a plus le loisir de faire assassiner qui lui mets des bâtons dans les roues de la puissance terrestre. En pleine décrépitude sous une tiare ornée d’or et de pierres précieuses, comme puissance sous-marine, elle a été remplacée par les banques internationales qui elles, adorent le seul vrai dieu actuel, le « veau d’or ». N'oubliez pas la banque Vaticane.
    En lisant le texte de Mme. Morot-Sir, je rigolais doucement en pensant à notre actuel ministre des finances Raymond Bachand. Il aurait été avantageux qu’il prenne des leçons d’administration avec Sully, le bras droit financier d’Henri IV qui lui, contrairement au minable petit personnage qui nous sert de premier ministre, avait apporté la paix et la prospérité dans son royaume.
    Il ne nous reste qu’à nous unir en mettant de côté tous ceux qui ne prêchent que la peureuse bousquetterie des « …oui mais… ». Certains idéalistes ROCquiens seraient sans doute outrés de nous voir partir mais un grand nombre de canadiens, la majorité de ceux qui nous méprisent, seraient sans doute heureux de voir les « pleurnichards » changer de décor. Ce serait peut-être la première fois que l’empire britannique verrait une petite colonie quitter les jupes de sa reine pacifiquement et reprendre son droit de soleil et d’oxygène politique. Il y a encore semble-t-il des crédules trudeauistes, de ces peureux qui pensent que nous mourrons étouffés par les méchants financiers canadiens. Ne vous en faites pas, les manufacturiers d’électro-mégagers d’Ontario et autres commerçants n’arrêteront pas de nous vendre des frigos parce que nous serons indépendants. IGA n'arrêtera pas de nous vendre des fruits et légumes américains. Ils ne se couperont pas d’un marché payant. Tout le monde devrait savoir que l’argent n’a pas de frontières.
    Merci Mme. Morot-Sir de ces éclaircissements de l’Histoire. Puissions-nous nous en inspirer positivement.
    Ivan Parent