Un vaste mouvement d'opposition se lève pour exiger de Québec de nouvelles politiques de gestion des ressources naturelles. Aux voix déjà entendues, s'ajoutaient jeudi celles de 70 personnalités appelant à la signature de la déclaration «Maîtres chez nous» et réclamant le retour au nationalisme économique qui a inspiré les stratégies de développement des années 1960 et 1970.
Cette déclaration est à retenir d'abord par le fait qu'elle nous ramène à l'essentiel. La propriété des ressources naturelles étant collective, celles-ci ne peuvent être aliénées. Leur exploitation doit donc être conséquente et être faite dans l'intérêt de la collectivité.
Ce principe se doit d'être réaffirmé, car il est vrai que, dans l'état actuel des choses, les Québécois sont «dépossédés» de leurs richesses. Depuis le XIXe siècle, l'exploitation des ressources naturelles est tout au privé en vertu du «free mining» qui garantit le droit de prospecter et le droit d'exploiter contre le paiement de redevances. Celles-ci sont plus que minimales, comme l'a démontré dans son rapport de 2008 le Vérificateur général du Québec, qui a établi que celles-ci étaient en fait moindres que ce que reçoivent les entreprises en soutien de l'État.
Les signataires de «Maîtres chez nous» demandent à Québec de reprendre possession de ce patrimoine national. Pour certains, il faudrait revenir à un interventionnisme actif de l'État et confier l'exploitation des ressources énergétiques à l'État, qu'il s'agisse de l'eau, du vent, du gaz ou du pétrole. De façon réaliste, cela ne tient pas la route. Il faut se rappeler que si la nationalisation de l'électricité fut un succès, celle de l'amiante dans les années 1980 fut un échec.
D'autres voies que la nationalisation peuvent assurer à l'État la capacité d'intervention qui, la situation actuelle d'instabilité au Moyen-Orient nous le rappelle, est capitale dans un secteur aussi stratégique que celui des ressources énergétiques. Il suffirait de ressusciter les sociétés d'État aujourd'hui disparues, la SOQUEM et la SOQUIP, qui avaient le mandat de soutenir l'exploration et l'exploitation en prenant, par exemple, un intérêt dans des sociétés privées. L'État pourrait se donner un pouvoir d'intervention et d'influence. C'est ce que font toujours de nombreux pays qui, eux, croient indispensable de garder une forme de contrôle direct sur l'exploitation de leurs ressources naturelles.
Un autre outil dont dispose le gouvernement est celui des redevances, pour peu qu'en cette matière l'on ne craigne pas d'innover. Dans un récent article, Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu proposaient de lier les redevances aux revenus des entreprises exploitant des ressources naturelles plutôt qu'aux profits, comme actuellement. Puis, d'établir les redevances en fonction des prix courants des ressources. Quand le prix de l'or ou du pétrole atteint des sommets, les actionnaires encaissent, mais pas l'État. Le partage actuel du profit tiré des ressources naturelles est inégal et injuste. Le profit est tout au privé.
Le «free mining» vient de l'époque de la ruée vers l'or. Il est temps d'adopter un modèle d'exploitation des ressources naturelles adapté au XXIe siècle qui permet de maximiser les bénéfices des ressources naturelles pour la collectivité québécoise. Pour cela, il faudrait que le gouvernement Charest fasse plus que des retouches au système actuel. Il faudrait une «commission Coulombe» qui, comme ce qui a été fait pour la forêt, fasse une réflexion de fond et définisse un nouveau modèle. Cela s'impose avant de s'engager dans un développement tous azimuts des ressources naturelles du Québec comme entend le faire Jean Charest.
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