Saint Jean Charest

Bref, tout le contraire de ce qu’il dégage, le petit frisé de Westmount, comme se plaisait à l’appeler Michel Chartrand

Élection Québec - 8 décembre 2008



Je sais, on va m’accuser d’être jaloux, envieux, rabat-joie, petit, mesquin, bref, on va m’accuser de tout ce que je ne suis pas, alors que j’ai plein d’autres vrais défauts, mais j’y reviendrai.
Je veux parler de la publicité à propos de l’actuel premier ministre Jean Charest.
Vous l’avez entendue et vue? Et comment réagissez-vous? Vous sentez-vous un moins que rien, vous aussi, un héros plus qu’ordinaire, un deux de pique dans cette chienne de vie qui n’en finit plus de nous en faire voir de toutes les couleurs, sans parler de ce qui nous attend dans un an, dans deux ans, avec tous les scénarios de catastrophe qu’on nous prédit en raison de la crise actuelle? Vous qui en arrachez pour joindre les deux bouts, Monsieur et Madame Toutlemonde, êtes-vous impressionnés par la feuille de route de cette bête de la politique?
Aux dires de ses amis, députés et ministres du Parti libéral du Québec, Jean Charest serait un saint, oui, rien de moins qu’un saint qui n’attend plus qu’on lui érige, de son vivant, une statue, que dis-je, un monument et qu’une avenue, que dis-je, un boulevard porte son nom.
Même Fidel Castro dont on n’arrête pas de prédire la fin et qu’on a accusé à tort d’entretenir le culte de la personnalité (si cher au défunt président Mao) n’a jamais eu droit à un tel traitement et pourtant, avec tous ses états de service, il l’aurait bien mérité. Jean Charest serait ni plus ni moins qu’une sorte de Simon le Magicien dont les disciples croyaient qu’il était un dieu ayant pris la forme d’un humain.
Ainsi, dans cette publicité, on voit le ministre Raymond Bachand dire qu’il a découvert un être profondément humain en la personne du premier ministre Charest, avec qui on a du plaisir à travailler. Il n’a sûrement pas dit la même chose de René Lévesque, dont il fut pourtant le secrétaire particulier de 1979 à 1981. Quel contraste pourtant entre les deux hommes d’État! On se demande quelle mouche a piqué le ministre du Développement économique pour se fendre d’une telle déclaration d’amour envers son patron qu’il côtoie depuis peu, somme toute. Le craint-il à ce point?
Dans cette même publicité, un autre ministre dit qu’il a découvert un être profondément humain, un grand frère, un véritable ami, non pas chez Jean Coutu, mais à l’Assemblée nationale: nul autre que Jean Charest! Une autre, une femme ministre cette fois-ci, affirme que tout ce qu’elle a acquis comme femme, c’est à Jean Charest qu’elle le doit. C’est assez fort, non? Jean Charest, féministe engagé, c’est Françoise David qui doit être contente. Une autre en ajoute. Elle aussi ne tarit pas d’éloge pour son premier ministre.
Tout ce qu’elle a réussi dans la vie, elle le doit à cet homme de courage dont la force de caractère serait, ma foi, exceptionnelle.
Jean Charest serait une source d’inspiration, un modèle qui a un énorme bagage politique, un homme de passion, quelqu’un qui a des tripes, un homme d’équipe, un politicien né. À son contact, on deviendrait meilleur.
Bref, tout le contraire de ce qu’il dégage, le petit frisé de Westmount, comme se plaisait à l’appeler Michel Chartrand.
Vous lui trouvez toutes ces qualités, vous, à Jean Charest? Je vous le répète, je ne suis pas jaloux et je suis le plus imparfait des hommes. Mais je me questionne sur ce déchaînement de louanges envers cet homme qui ne m’impressionne guère. Et mon scepticisme n’a rien d’une supposée «maladie de la vieillesse». Je me dis simplement que la présente époque n’en est pas une de héros, nous n’avons traversé aucun cataclysme, aucune révolution, aucune tragédie si ce n’est celle que le commun des mortels doit affronter tous les jours.
Tout le monde sait que Jean Charest a déclenché des élections par pur opportunisme, à la suite de sondages qui l’avantageaient. Son flair politique se limite à ça: le bon moment. Le reste relève des faiseurs d’images, essentiellement l’agence BCP, qui a remodelé Jean Charest, qui l’a transformé en un saint homme. Rien à voir avec des valeurs de solidarité, rien à voir avec une volonté de résoudre la crise économique et financière, rien à voir avec ce portrait de grand protecteur des intérêts du Québec.
Et c’est ce faux saint qu’une majorité de votants — ne pas confondre avec une majorité de Québécois — vont élire prochainement. Ne lui manque plus qu’une couronne d’épines pour que le compte soit complet. Mais je me console en paraphrasant un écrivain dont j’ai oublié le nom: «La victoire a quelque chose de négatif, elle n’est jamais définitive. Par contre, la défaite a quelque chose de positif, elle ne sera jamais définitive.»
Je propose que la ville de Westmount renomme son fameux Summet Circle, tout en haut de la montagne, en Sommet Jean Charest. N’est-il pas un grand défenseur de la langue française, après tout?
Et qu’on réserve le Stade olympique au lendemain du 8 décembre, pour y accueillir notre nouveau saint en personne. Au Québec, on croit encore beaucoup aux miracles.


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