par François Desjardins
Le titre du sondage effectué auprès des filiales québécoises de compagnies étrangères, «Pourquoi réinvestir au Québec?», aurait pu annoncer quelque chose de positif. La firme-conseil CAI Canada a plutôt dévoilé le contraire, hier, livrant à la presse une brochette de facteurs qui, selon elle, font du Québec un endroit moins compétitif que depuis le dernier sondage sur ce thème en 1994.
Une majorité de filiales québécoises s'estiment mal servies par la conjoncture lorsque vient le temps de plaider pour de l'argent frais auprès de la maison-mère, a dit hier le p.-d.g. de CAI, Howard Silverman, selon qui Québec devra en faire davantage pour attirer des investissements étrangers.
À la question «Le Québec est en train de devenir plus compétitif ?», seulement 33 % des répondants ont dit oui, contre 40 % de pessimistes et 27 % d'indécis. En 1994, les optimistes étaient 70 %, contre 30 % de pessimistes. Au rang des coupables, disait-on hier : des facteurs externes comme le dollar canadien et d'autres internes, comme le régime fiscal québécois et la syndicalisation.
Environ 75 % des investissements étrangers effectués au Québec sont en fait des réinvestissements réalisés par des filiales de compagnies étrangères, qui comptent environ 179 000 employés.
En conférence de presse, M. Silverman s'est toutefois buté à des journalistes passablement perplexes face aux conclusions, notamment en raison du faible taux de participation au sondage. Alors que le Québec compte plus de 1700 filiales de sociétés étrangères, seules 92 ont répondu au sondage. La marge d'erreur est donc de 4,5 %. La firme a également réalisé une trentaine d'entrevues avec des dirigeants.
Bien que certains facteurs comme le dollar et le prix du pétrole ne soient aucunement liés au Québec, l'ensemble du portrait a un impact réel, a dit M. Silverman. «Les dirigeants de filiales québécoises de multinationales étrangères affirment avoir de la difficulté à vendre le Québec comme lieu d'investissement, a-t-il dit. Ce sont elles qui sont au front, qui vendent le Québec au monde.»
CAI, qui définit sa mission d'entreprise comme étant la «sélection de sites», a affirmé hier que la diminution de certains crédits d'impôts à Québec constituait l'un des facteurs négatifs, tout comme le régime fiscal du Québec, qui, selon l'entreprise, ne serait pas aussi concurrentiel qu'il pourrait l'être. Parmi les points positifs, on a mentionné la qualité de la main-d'oeuvre, la sécurité et la disponibilité de l'infrastructure énergétique.
L'étude survient six mois après celle de KPMG, qui estimait en mars que le Canada est le pays le plus concurrentiel du G7. On y lisait également que Montréal arrive première parmi les villes de plus de 1,5 million d'habitants, devant Atlanta, Toronto, Tampa Bay et Amsterdam.
Mais le sondage CAI pose aussi quelques questions concernant le débat linguistique et la souveraineté, celle-ci préoccupant beaucoup moins les filiales que dans le sondage de 1994. Dans l'ensemble, 86 % des filiales jugent que leur expérience d'affaires au Québec est «positive».
M. Silverman n'est pas le premier à dire que la syndicalisation pose problème, un argument le plus souvent retenu par des groupes de droite comme l'Institut économique de Montréal. Selon le sondage, 80 % des filiales estiment que le niveau de syndicalisation au Québec et les règles de relations de travail «entravent la capacité de faire des affaires au Québec».
Il est généralement convenu que 40 % de la main-d'oeuvre québécoise est syndiquée, un chiffre repris hier en conférence de presse. De façon plus spécifique, le secteur public est syndiqué à 82 %, alors que dans le secteur privé, le niveau de syndicalisation est de seulement 27 %.
À l'issue de la conférence de presse, le président de la compagnie forestière Bowater Canada, Pierre Monahan, a affirmé qu'il n'avait «aucun problème» avec les syndicats et que les «relations sont bonnes». S'il s'est présenté devant la presse, hier, c'est pour dire au gouvernement qu'il faut des «incitatifs à l'investissement». Quant au directeur de l'usine de Bridgestone à Joliette, Isaku Motohashi, il a lui aussi affirmé que les relations syndicales étaient bonnes.
L'Association des professionnels en développement économique du Québec (APDEQ), qui regroupe 400 personnes, s'est dit hier «vivement préoccupée» par certaines conclusions. Elle a cependant salué «la masse d'informations que l'étude contient, jusque-là extrêmement difficiles à rassembler».
Le Canada glisse
Par ailleurs, le Forum économique mondial a publié hier un classement sur la compétitivité dans lequel le Canada a perdu trois places pour atterrir au 16e rang.
Parmi les aspects qui désavantagent le Canada, selon le Forum, figurent les taux d'imposition et la réglementation. Le Canada a toutefois fait bonne figure dans les secteurs des soins de santé et de l'éducation, inscrivant une note de 6,9 sur 7.
La Suisse a terminé au premier rang après s'est classée quatrième l'an dernier. Dans le top 5, on compte aussi la Finlande, la Suède, le Danemark et Singapour. Les États-Unis son passés du premier rang au sixième, en raison notamment de leurs problèmes budgétaires.
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