Je vous avais promis que ce Noël ne serait pas triste ; voilà que pour la première fois en quarante ans, les US viennent de voter au Conseil de sécurité de l’Onu contre les volontés officielles de Tel Aviv. Le miracle pour lequel les amis de la Palestine et les Israéliens progressistes ont tant prié s’est produit, après tout. C’est l’un des premiers effets bénéfiques de la victoire de Donald Trump : cassée, enterrée, la longue soumission américaine envers les juifs [ le passeport indique la citoyenneté « juif », et non pas Israélien comme on le pense, ndlr]. C’est l’administration Obama qui l’a fait, mais cela ne serait pas arrivé si Mme Clinton était le président élu.
Depuis 40 ans, les US opposaient leur veto à chaque résolution de l’ONU qui aurait pu limiter le droit inaliénable d’Israël à traiter ses goy à sa guise, par exemple en raflant leurs terres et en installant des juifs sur leurs propriétés volées. Ceci était dans la ligne de la vision traditionnelle juive selon laquelle les Gentils n’ont aucun droit, de manière générale, comme un chat n’a pas de droit à son coussin ou le cheval à sa stalle ; ils n’en jouissent qu’aussi longtemps que cela convient à l’être humain. La communauté mondiale grinçait des dents, l’allégresse israélienne se faisait jubilation, mais les US restaient les défenseurs indéfectibles d’Israël. En 2011 c’est le même président Obama qui s’était opposé à une autre Résolution pratiquement identique à celle qui vient de passer maintenant. Depuis lors, Obama a donné à Israël 38 millions de dollars en aide militaire. Qu’est-ce qui a changé, maintenant ? Pourquoi est-ce que cette fois Obama a décidé que le mauvais génie d’Israël exige un traitement plus rude ?
Le New York Times a expliqué cela par la liberté que lui donne l’approche de la retraite. Comme les enfants le dernier jour d’école avant les vacances se sentent libres de faire des farces pour régler leurs comptes, les politiques sur le départ ont tendance à se soulager, et bien souvent sur le dos des juifs qu’ils ont eu à supporter, à tolérer ou à vénérer, peu importe.
Le dirigeant malais Mohammad Mahathir a attendu jusqu’au dernier jour à son poste en 2003 pour dire que les juifs avaient réussi à prendre le contrôle des pays les plus puissants et de gouverner le monde par procuration. Jimmy Carter et George Bush I n’avaient pas attendu, ils avaient agi pour borner les appétits israéliens insatiables au cours de leur premier mandat, puis ont échoué à se faire réélire. Obama a eu droit à deux mandats, et le voici libre de batifoler un moment.
Cela peut expliquer le choix de ce moment, mais ne suffit pas à éclaircir le sentiment qui est en jeu. Rien n’agace plus un homme de pouvoir que d’avoir à plier le genou devant un pouvoir obscur. Pas devant un roi, mais devant quelqu’un qui n’a même pas une armée. L’Eglise avait mis des bâtons dans les roues de bien des dirigeants, mais les juifs sont une nuisance plus grande. Jamais un si petit nombre de gens n’a mis autant de pagaille, me disait un ami. Des tas de gens prient pour qu’ils se cassent la figure. Même des politiciens et des hommes d’Etat très prudents se réjouiraient si ces gens arrogants se voyaient remis à leur place.
Pour un président US, le dépit devait être insupportable. Lui, l’homme le plus puissant sur terre, il a été humilié à plusieurs reprises par des Israéliens. Quand il s’est rendu en Israël, le rabbin en chef Obadiah Youssef a dit qu’il aurait dû baiser les pieds aux juifs qui l’autorisaient à les approcher. Ses propositions pour un règlement plutôt honnête du problème palestinien ont été rejetées sans ménagements et son propre Congrès a reçu Netanyahou avec plus de faste qu’il n’en avait jamais connu.
Quelle est la source mondaine, profane, du pouvoir israélien ? Aujourd’hui comme en 1917, c’est la capacité des juifs américains pour influencer l’opinion publique américaine à travers la machinerie médiatique. C’est ce que les juifs avaient dit à Lord Balfour en 1917, quand ils lui ont demandé de leur promettre la Palestine, ce qui lui vaudrait en retour qu’ils sauraient attirer les US dans la Première Guerre mondiale. Dans aucun pays les juifs ne sont aussi puissants qu’aux US, et partout où ils sont puissants, c’est à cause du soutien et de l’insistance américaine. C’était là aussi une source de frustration pour un président américain.
Et voilà que les juifs ont raté leur coup avec Obama et avec la Clinton qu’il soutenait. Ils ne sont pas parvenus à ficeler l’opinion publique américaine. Ils ont bien essayé, ils ont activé tous leurs media, ils ont fait parader les Maîtres du discours, et pourtant, ils se sont ramassés. Trump a su jouer de la cassure entre juifs libéraux et sionistes, et il a su éviter de se faire traiter d’ennemi des juifs, comme l’ADL le voulait de toutes ses forces. Après son élection, le président élu Trump a lâché le chat parmi les pigeons en nommant David Friedman comme ambassadeur US en Israël. Il a su faire de la déchirure entre juifs libéraux et juifs sionistes purs et durs une guerre à mort.
“ Il a gelé en enfer”, a écrit Mondoweiss, un site progressiste juif : « le New York Times a sorti un article qui dit que le sionisme est raciste ». Les juifs sionistes libéraux d’Amérique ont été sommés de choisir : le racisme avec le sionisme, ou les valeurs libérales.
L’extrême droite européenne s’est servie de cette ruse, en faisant appel aux sionistes contre les juifs libéraux pendant des années. Breivik, l’assassin de masse norvégien, a mis cette stratégie en avant aussi. Les partis européens d’extrême droite qui ont refusé de jouer avec les sionistes et avec les juifs libéraux à la fois se sont retrouvés privés de micro, sans le moindre écho médiatique.
C’est un schéma semblable qui a été mis en œuvre par les Britanniques : ils ont donné aux juifs ce qu’ils demandaient, plus précisément Theresa May a annoncé qu’elle avait décidé d’accepter la définition de l’antisémitisme donnée par l’IHRA (Alliance Internationale pour la Mémoire de l’Holocauste), et l’intègrerait à la législation britannique, et au même moment ils ont rendu plus facile l’abstention US et rendant le texte plus succulent pour Obama.
Les Russes en ont fait autant : ils ont repris les chaînes de télévision aux oligarques juifs, les ont chassés du pouvoir, mais caressent dans le sens du poil les fondamentalistes loubavitch et Netanyahou.
Le monde va se libérer de l’hégémonie juive, mais cette transition compliquée exige d’utiliser un groupe juif contre un autre, du moins c’est ce que ressentent les politiques. Ce qui n’empêche pas que le moment de la libération approche. A mesure que l’hégémonie US décline, celle des juifs suit la même pente. Trump a gagné malgré le fait que les media juifs, les Maîtres du discours, étaient contre lui. Cette leçon, les politiciens vont la retenir, et s’en resservir.
La conduite des Israéliens a beaucoup contribué au changement. Les blancs aiment jouer à la loyale ; ils ont donné l’intégralité des droits aux juifs et aux noirs, malgré le fait que ce n’était pas à leur avantage. Mais les juifs n’ont que faire de la loyauté, tout ce qui compte, pour eux, c’est le but à atteindre. Leurs mauvais traitements aux Palestiniens ont dépassé tout seuil de tolérance. Ils pouvaient renoncer à la Palestine et vivre bien sur les 78% du territoire qu’ils lui avaient confisqués, honnêtement ou non. Ils auraient pu obtenir la solution à Deux Etats, où l’Etat palestinien n’aurait pas eu le moindre contrôle sur les frontières, son espace aérien, son eau ou sur sa capacité militaire, juste un drapeau et un hymne national.
Ou encore, s’ils veulent la terre de Palestine tout entière, ils pourraient traiter honnêtement les Palestiniens, leur donner des droits dans un seul Etat, au lieu de continuer à implanter toujours plus de colonies juives sur la terre qu’ils volent aux Palestiniens tout en prétendant viser la solution à Deux Etats. Mais les juifs ont préféré avoir le beurre et l’argent du beurre. C’est un stratagème qui peut marcher un temps, mais pas éternellement, et les sionistes viennent de découvrir les limites de leur pouvoir.
La dramaturgie du vote au Conseil de sécurité mériterait d’être mise en musique. L’Egypte a tracé les grandes lignes, et Israël a commencé à faire pression. Le général Sisi est un dirigeant plutôt fragile ; il est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, il n’est pas très populaire, et il est donc sensible aux pressions. Netanyahou a demandé à Trump d’aller parler à Sisi, ce qu’il a fait. Trump redoute que ses adversaires lui jouent un sale tour avant la prise de pouvoir, et il a besoin de protection. Sisi a accepté de retarder indéfiniment le vote. Mais Obama a été outré par l’interférence de Trump et celle de Netanyahou passant par-dessus lui. « Un seul président à la fois », selon sa réplique célèbre.
Quatre Etats ont alors repris la motion abandonnée par l’Egypte. La Nouvelle Zélande a été menacée par Netanyahou qui lui avait promis « ce sera la guerre » et qui a rappelé son ambassadeur, en fermant l’ambassade. Mais la Nouvelle Zélande n’a pas reculé d’un pouce ! Ils avaient connu cette situation avec l’Angleterre, et les menaces de Netanyahou les ont laissés froids. Quelques années plus tôt, ils avaient déjà envoyé l’ambassadeur israélien faire ses valises, lorsqu’on a avait appris que les assassins israéliens du Mossad étaient équipés de faux passeports NZ.
La motion a été mise sur la table à nouveau. Netanyahou a appelé Poutine à la rescousse. Poutine a été très amical et il a promis de voir ce qu’il pouvait faire. L’homme de la Russie à l’Onu, Vitally Churkin, a bien tenté de retarder le vote jusqu’après Noël, ou après l’installation de Trump, mais personne d’autre ne l’a suivi. Il a donc voté pour la motion.
Il ne pouvait rien faire d’autre ; en tant que membre du quartet, la Russie constitue un soutien solide et généreux pour la Palestine, c’est un protecteur historique des Palestiniens. Jusqu’à une date récente, la Russie ne reconnaissait pas les conquêtes israéliennes de 1948, et cela inclut Jérusalem Ouest. Sur les cartes russes, les frontières d’Israël sont celles du projet de partition de 1947, avec ses lignes de démarcation, 7000 km2 de moins que n’en fixait la Ligne verte de 1949. Les israéliens ont sous-estimé la fibre morale et religieuse russe.
La veille, le représentant israélien s’était tenu à l’écart lors du vote sur la Syrie à l’Assemblée générale de l’Onu, pour faire plaisir à Poutine. Netanyahou s’attendait donc à un renvoi d’ascenseur. Mais Poutine a préféré ne pas mettre en danger sa réputation bien méritée et durement gagnée de protecteur de la Palestine et de la Syrie. Le président russe est quelqu’un de rationnel. Il veut l’amitié avec Israël pour plusieurs raisons, mais pas à n’importe quel prix ; il n’est pas Sisi, mais pas non plus Sissi l’impératrice. Tandis que Netanyahou n’a pas hésité à bombarder l’aéroport de Damas et des unités de l’armée syrienne, les alliés de la Russie. Poutine n’a pas riposté, mais n’a pas oublié.
Maintenant Netanyahou est hystérique; il menace le monde entier d’une guerre diplomatique et il attaque l’Autorité palestinienne. Dans un accès de frénésie, il a convoqué les ambassadeurs des Etats membres du Conseil de sécurité au ministère des Affaires étrangères le jour de Noël, comme si le monde était en guerre. Il n’avait pas encore compris qu’il avait perdu. Israël et sa politique envers les Palestiniens sont détestés par le monde entier, parce qu’ils sont arrogants et déloyaux, c’est tout.
Netanyahou espère que Trump va remettre tout ça dans les rails qui lui conviennent, mais j’en doute. Pour le moment, Trump considère qu’il a besoin de soutien juif, mais une fois en place… il va voir que le prix à payer est trop élevé. Trump va probablement faire comme Poutine : jouer l’amitié, mais sans perdre de vue ses propres intérêts.
Et Obama, qui en a vraiment assez, a encore une autre fenêtre de tir, car le 15 janvier, la conférence française devrait internationaliser les négociations de paix. Ce qui est un danger considérable pour Netanyahou et son extrême droite.
Il s’avère que les juifs ont grandement surestimé leur poids et leur force de frappe réelle. Ils ont fini par croire aux Protocoles, à en faire leur charte pour l’exercice du pouvoir, alors que ce n’était qu’une fable. Et ce genre d’histoires a sa durée de vie propre, et une date de péremption.
Israël Shamir | 29/12/2016 | The Unz Review
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