Ça baigne, en Palestine comme en Israël

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La vérité qu'on ne nous raconte pas dans les médias canadiens


Les responsables du mouvement de solidarité avec les Palestiniens qui ont tout misé sur la campagne internationale Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), ont bercé le public d’illusions en lui faisant croire que cette action – à l’image de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud – allait isoler Israël, frapper son économie, stopper ses opérations militaires. Tout comme il avaient auparavant trompé le public en affirmant que le soutien au « processus de paix » (les Accords d’Oslo en 1994, puis l’Initiative de Genève en 2003), allait conduire à la solution « deux Etats », alors qu’il sautait aux yeux que ce prétendu  « processus » n’était qu’une mascarade destinée à conduire les autorités palestiniennes de compromissions en compromissions, jusqu’à la collaboration avec l’occupant et à la « normalisation », dans l’intérêt exclusif de l’Etat d’Israël. Ces actions ont ainsi dissuadé les militants de s’attaquer de front au véritable problème, à savoir: le pouvoir planétaire du lobby pro-israélien. Cela dit nous ne disons pas que boycotter l’Etat d’Israël ne sert à rien. Nous boycottons tous les produits israéliens depuis les années 80 tout en sachant qu’Israël n’est pas l’Afrique du Sud, qu’il a des appuis à l’extérieur que l’Afrique du Sud n’avait pas… [Silvia Cattori]




Cent ans après la Déclaration Balfour, où en est-on, en Palestine?


J’aimerais pouvoir dire que la Palestine est en flammes et qu’Israël souffre intensément, mais il faut dire la vérité. Sous Netanyahou, Israël et la Palestine prospèrent.


Jamais ça n’a mieux marché. Le salaire minimum du côté israélien est à plus de 1500 dollars; en deux ans, il est passé de 4000 shekels à 5300 shekels. L’inflation n’a pas suivi, en dépit des prédictions les plus lugubres. Les pauvres ne sont plus si pauvres, même si certains ne connaissent pas vraiment la prospérité. Les prix en monnaie locale sont stables. Sur la scène internationale, le shekel est haut, très haut (sans atteindre les records fulgurants de 2014), et le Trésor se bat pour l’empêcher de monter encore. C’est pourquoi les prix paraissent plutôt chers aux étrangers. Un sandwich, le modeste falafel, aussi  israélien  que palestinien, avec une boisson, vous coûteront au moins 10 dollars, et à Tel Aviv cela vous sera probablement préparé et servi par un réfugié africain. Un menu à midi coûte environ 20 dollars, un bon dîner beaucoup plus, et il faut s’y prendre bien à l’avance pour trouver une table. Voilà pour le côté israélien. Du côté palestinien, le même déjeuner vous coûtera un peu moins, environ 15 dollars. Les restaurants sont bondés, les Israéliens adorent la bouffe et ils bouffent tout le temps, s’empiffrant à tout bout de champ.


Les touristes se ruent sur la Terre sainte, comme jamais. En octobre dernier, tous les hôtels à Jérusalem et à Tel Aviv étaient pleins ; pas moyen de trouver une chambre à moins de 200 dollars la nuit même franchement loin de tout. A Bethléem et même à Hébron, c’est pareil, les gens qui remplissent les hôtels sont des touristes en route pour Jérusalem. Il y a la queue pour entrer dans les sanctuaires les plus importants qui drainent le tourisme, l’église de la Nativité à Bethléem et le Saint Sépulcre à Jérusalem ; ils font la queue pendant des heures pour vénérer les lieux de naissance et de mise au tombeau du Sauveur. Les Palestiniens s’y retrouvent en travaillant dans le bâtiment. La construction connaît un vrai grand boum partout en Cisjordanie. Des logements neufs poussent sur la moindre friche. Des villages encore pauvres hier comme Imwas près de Bethléem et Taffuh près de Hébron sont devenus de vraies villes d’immeubles de trois ou quatre étages, très semblables à ceux que convoitent les Israéliens. Des bâtisses pas aussi charmantes et splendides que celles que construisaient leurs parents et grands-parents, mais c’est la tendance générale. Israël a réduit les checkpoints internes qui séparaient pratiquement chaque village palestinien de ses voisins. Aujourd’hui, un Palestinien peut se déplacer à peu près sans encombre dans sa zone de résidence. C’est toujours un cauchemar  d’aller de Bethléem (juste au sud de Jérusalem) jusqu’à Ramallah (juste au nord de Jérusalem) et il est presque impossible d’aller à Jérusalem, mais c’est quand même un progrès.


Ramallah est une ville moderne, avec beaucoup de bons logements de construction récente, des hôtels cinq étoiles, des restaurants de rêve, et l’université de Bir Zeit tout près. Ce n’est plus la ville qui avait vaillamment combattu l’armée israélienne pendant la seconde Intifada de 2001. Elle est devenue plus avenante. L’armée israélienne continue à rentrer dans la ville chaque fois que l’envie lui en prend, et elle s’empare des citoyens, parfois pour un simple post irrévérencieux sur facebook. Ils avaient arrêté ces jours-ci un jeune homme parce que Google avait mal traduit son « Good Morning » en termes de « Go and Kill them » ou quelque chose dans le genre, autrement dit : « descends-les tous ».


Les citoyens israéliens ne sont pas autorisés par le gouvernement israélien à pénétrer dans les territoires palestiniens. C’est probablement judicieux ; si les Israéliens pouvaient voir à quel point leurs voisins vivent dans le même environnement de style occidental, ils comprendraient d’emblée que le Mur n’est plus nécessaire, parce qu’il n’y a plus guère de différence entre les deux côtés, et ce serait la fin du séparatisme que les juifs s’imposent à eux-mêmes. Pour ma part, je ne peux pas applaudir à cette convergence. J’adorais la bonne vieille Palestine aux demeures en pierre de taille au milieu des vignobles, et les paysans palestiniens toujours en train de prendre soin de leurs oliviers et de leurs sources. C’est bien fini. A Dura al-karia, un charmant village aux fontaines merveilleuses, les champs ont été désertés. Les enfants des paysans qui trimaient dur bossent dans les bureaux du gouvernement de Ramallah, et ne rêvent pas de revenir aux travaux des champs. Les puits ne sont plus chéris comme la seule source de la vie, on ne les conserve qu’au titre de souvenir d’un passé révolu. Le néocapitalisme a démoli ce que le sionisme n’avait pas pu tuer.


Mais c’est la réalité du XXI° siècle. La même évolution s’est produite en Provence et en Toscane de l’autre côté de la mer ; tandis que des choses bien pires  se produisaient tout près, en Syrie et en Irak. Les gens se sont habitués à cette nouvelle réalité, il n’y a que nous, les vieux romantiques, pour nous en plaindre.


Cet Israël prospère peut facilement absorber la Palestine prospère en abolissant ses lois d’apartheid. Des années auparavant cela aurait été un saut dans l’inconnu, aujourd’hui ce serait une étape normale et facile, comme de rendre pratiquement invisible la frontière entre le Maryland et la Virginie (rappelons qu’il y avait une dispute frontalière entre les deux autour du Potomac). Malheureusement, personne en Israël n’appelle à franchir le pas. Les partis de droite juifs qui veulent intégrer la Palestine veulent s’en emparer, mais sans les habitants. Ils produisent des plans pour garder la terre et se débarrasser des gens. La gauche israélienne a pratiquement disparu. Son parti travailliste a élu un nouveau dirigeant ce mois-ci, et il a déjà promis de ne jamais transiger sur les colonies (qui devraient donc rester juives pour toujours) et de ne jamais permettre aux Arabes de rejoindre son gouvernement. Il a également appelé à montrer une attitude plus combative et vigoureuse envers les voisins de l’Etat juif : s’ils s’avisent de tirer un missile, nous devrions en larguer cinquante. Les Arabes ne comprennent que le langage de la force, dit-il. Avec une telle gauche, pas besoin de droite…


Ce serait donc sensé, du point de vue des pertes et des bénéfices, d’aller vers l’intégration, mais cela l’était déjà auparavant, même en 1948, quand Israël possédait le seul port moderne de Haïfa, sur la Méditerranée orientale, et que l’oléoduc pouvait livrer le pétrole de Kirkouk aux raffineries de Haïfa, et que le chemin de fer reliait Beyrouth à Damas et au Caire via Jaffa et Tel Aviv. Même alors, les juifs auraient pu se la couler douce, mais ils préféraient l’hostilité éternelle. Quand j’y repense, je ne suis pas sûr que cette fois ce sera différent.


La deuxième partie de la Déclaration Balfour, la promesse de sauvegarder les droits des non-juifs, s’est avérée bien problématique. Et tant que les juifs ne sont pas contraints à reconsidérer la question, aucun vrai progrès n’est en vue. Mais même sans progrès et dans des conditions d’inégalité, la position géographique unique de la Palestine et la politique économique raisonnable de Netanyahou rendent la vie tout à fait supportable. C’est très agaçant de ne pas pouvoir sortir librement de Bethléem pour aller à Ramallah ou à Jaffa en voiture, c’est douloureux de ne pas pouvoir prendre un avion ou atterrir librement sur le seul aéroport du pays, mais du point de vue de l’économie, ça ne va pas si mal. Il est probable que bien des noirs prospéraient même au temps de Jim Crow, et à l’époque de l’apartheid en Afrique du sud…


 | Novembre 14, 2017 – Mis à jour le 15.11. 2017 à 22.00


Traduction : Maria Poumier


Publication originale en anglais sur  The Unz Review


Source: http://plumenclume.org/blog/298-ca-baigne-en-palestine-comme-en-israel