Tony Blair, l'insaisissable

Irak - le Grand mensonge


Tony Blair s'en tire. Sa gouaille et son insolence, ainsi que la paresse intellectuelle des commissaires de la Commission Chilcot sur la Grande-Bretagne et l'Irak en 2003, lui permettent aujourd'hui de s'en tirer avec les honneurs.
Après cette comparution fort attendue de l'ancien premier ministre britannique, vendredi à Londres, l'histoire retiendra l'image d'un homme qui jusqu'au bout aura répété, les yeux brillants et le sourire aux lèvres: «Mais je n'ai rien fait de mal, Monsieur. Ce n'est pas de ma faute si nos services de renseignements nous ont fait croire des choses. J'étais sincèrement convaincu que Saddam avait des armes de destruction massive... et seule cette conviction compte aujourd'hui.»
Sauf que cette excuse — utilisée ad nauseam par George Bush et ses acolytes dans la foulée de l'invasion — ne tient pas. Le contre-argument évident — mais qui n'est pratiquement pas sorti dans les échanges de la Commission Chilcot —, c'est que les services de renseignements étaient «sous pression» pour dire aux politiciens de Londres et Washington ce qu'ils voulaient bien entendre.
Tout au long des six heures de cette comparution-spectacle, les commissaires se sont laissé entraîner dans des discussions de détail, byzantines et assommantes, sur «la justification légale» de l'invasion (aurait-il fallu une seconde résolution de l'ONU? — question intéressante mais pas primordiale), sur les discussions secrètes entre Blair et son conseiller juridique (il lui aurait dit: non, n'y va pas!), sur l'état d'impréparation crasse des envahisseurs une fois Saddam renversé (les chiites contre les sunnites? c'est quoi ça?)
Résultat: l'évidence du mensonge et des manipulations dans l'irrésistible course à l'invasion de 2003 — les prétextes inventés, un climat alarmiste envahissant, l'intimidation hystérique contre quiconque pensait autrement —, tout cela ne suffit pas à faire «cracher le morceau», sept ans plus tard, à l'un des acteurs principaux de ce drame.
Peut-être parce que cet homme brillant et dynamique, impénitent et sans vergogne — qui vendredi ne semblait avoir rien perdu de son absolue conviction d'avoir raison à 110 % — croyait à ses mensonges. C'est un des mystères hérités de ce sombre épisode des relations internationales: serait-il possible que Tony Blair — et tous les neocons de Washington — ait vraiment, intimement cru, à l'époque, à leurs histoires de fous?
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Triste conclusion, la semaine dernière, de la crise hondurienne qui avait mobilisé les Amériques pendant plusieurs mois de 2009.
Manuel Zelaya, le président renversé par une coalition de militaires, de juges et de parlementaires fidèles à la grande bourgeoisie du Honduras, est finalement sorti de l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa, où il était réfugié depuis des mois... Du même coup, il a piteusement quitté le territoire de son pays, le jour même où un nouveau président (élu) était investi pour le remplacer.
«Jamais plus!» avait-on promis dans cette Amérique latine nouvelle, massivement convertie à la démocratie dans les années 1990 et 2000. Jamais plus de putschs militaires. Même la Maison-Blanche et le Département d'État, longtemps complices des dictatures galonnées de la région, s'étaient activés — dans un premier temps — pour dire «non», au diapason du continent. Avec Obama, ce ne serait plus pareil, n'est-ce pas?
Et puis les putschistes ont gagné du temps. Ils ont fait semblant de négocier le retour du président légitime. Mais le mandat légal de Zelaya tirait à sa fin. Après une dernière tentative ratée de rétablissement de l'ordre constitutionnel avec l'accord des parties, l'habileté manoeuvrière des putschistes s'est définitivement imposée.
Zelaya avait perdu. Washington l'avait lâché, avec Ottawa et quelques autres comparses. Même le refus de principe du Brésil n'y a rien fait. Et puis, faisait-on valoir, il y a eu tenue d'élections en novembre... avec un taux de participation semblable à celui qui avait vu Zelaya gagner quatre ans plus tôt. Après tout, n'est-ce pas, les putschistes ne voulaient pas s'accrocher eux-mêmes au pouvoir. Ils voulaient juste chasser un gêneur ambitieux, qui avait «trahi» ses alliés de classe après s'être fait élire comme libéral en 2005. Il avait même osé s'acoquiner avec le président vénézuélien Hugo Chávez.
Que ledit Chávez, en 2010, semble dériver vers un certain autoritarisme — avec contrôle des médias et étouffement graduel de l'opposition — n'y change rien. Manuel Zelaya avait un mandat légitime. Avec cette histoire hondurienne, la démocratie a perdu une bataille en Amérique latine.
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François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans www.radio-canada.ca/nouvelle/carnets.
francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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