Cette Constitution consacre des principes ou des dispositions qui sont très avancés. Comme le fait de lier la « qualité » (terme typique du « nationalisme de contestation » à mi-chemin de citoyenneté et de nationalité), de Wallon à la résidence, de changer les formules du serment (où toutes allusions au roi et à la Belgique sont supprimées), d'établir l'égalité des hommes et des femmes, d'énumérer des droits sociaux, de rendre plus forte la nécessité de la concertation sociale, d'affirmer le lien aux pays de culture germanique à travers les communes germanophones (60.000 habitants), le lien avec Bruxelles et de parler de liens avec un Etat étranger - le seul dont il soit question - la République française. Ainsi bien sûr que de la Francophonie. La Constitution réaffirme bien entendu son entière maîtrise des relations internationales dans les domaines où elle est compétente, ce qui explique ce fait de parler de la France, de l'Europe et de la Francophonie.
Le mot “nation” discrètement introduit et surtout son contenu
En outre, cette Constitution ne peut être suspendue. Et elle ne peut être révisée que par les Parlementaires wallons. Répétons que ce texte qui n'est pas audacieux a le mérite immense - s'il était adopté - d'empêcher toute fusion avec la Communauté Wallonie-Bruxelles (déjà rendue difficile par la Constitution fédérale elle-même), tout en inaugurant des rapports avec Bruxelles qui, sans doute, respectent la Constitution belge, mais fondent aussi, par rapport à elle, un fait nouveau. Cette proposition est offensive sur certains points. Elle utilise les mots « nation » (à propos de la Fête de la Wallonie définie comme “la fête de la nation wallonne”) et « République » certes discrètement et sans « scandale », et jamais le mot « roi ».
Rédiger une Constitution est toujours un acte politique important. La Wallonie est un Etat dont le mouvement wallon a toujours voulu la consécration dans le but de redresser la Wallonie. Plus l'Etat wallon sera fort, mieux ce sera de ce point de vue qui n'intéresse pas que les juristes, mais tout citoyen soucieux, notamment, de la plaie du chômage et de celle de la xénophobie. Le texte constitutionnel wallon ne va pas rendre ces deux maux impossibles, mais il fait solennellement obligation aux citoyens de ne pas les accepter.
On imagine bien que beaucoup y verront un acte symbolique, une pure déclaration de principes. N'empêche que pour le mouvement wallon, voir ses exigences gravées dans le texte d'une Constitution, cela représente quelque chose qui n'est en rien anodin. En outre, la Constitution révèle à lui-même un Etat wallon encore assez peu perçu comme tel dans ses attributs souverains par l'opinion publique.
L'article 1er hésite sur la définition de la Wallonie comme nation mais sans reprendre le mot en souligne l'idée:
Article 1 : La Wallonie est une communauté d'hommes et de femmes dotés d'une histoire, d'une identité et d'une conscience collectives. Son incarnation politique est la Région wallonne.
Le reste du texte et sa présentation sont ici, en deux parties: http://forum.toudi.org/viewtopic.php?t=3223
et
http://forum.toudi.org/viewtopic.php?t=3224 (mon inhabileté sur Internet ne me fait pas tomber sur la meilleure adresse, en outre, en tappant “Constitution wallonne” sur Google on tombe sur le projet de 1997)
Réactions positives et négatives à Bruxelles
Plusieurs journaux bruxellois ont déjà réagi face à ce texte qui prône la solidarité entre Bruxelles et la Wallonie pour... regretter qu'il la rejette “implicitement”. Ce qui semble vraiment relever d'un réflexe compulsif chez certains quand une démarche concerne surtout la Wallonie sans oublier Bruxelles. D'autres sont plus nettement favorables et acceptent avec bonne foi que lorsque des parlementaires veulent inscrire dans une Constitution le principe d'une politique, c'est que ce principe est important et qu'on veillera à le respecter.
Il y a 75 députés wallons et 34 députés socialistes dont six ont contresigné la proposition de décret instituant une Constitution wallonne. Il se dit que bien d'autres députés socialistes auraient voulu soutenir aussi la proposition (mais plus de six députés ne peuvent le faire). Pour le moment, les autres groupes parlementaires sont non pas contre, mais évoquent des échéances plus urgentes comme la politique économique et sociale. J'étonnerai peut-être les Québécois en soulignant le fait qu'Elio Di Rupo, président du Gouvernement de la Wallonie et lui-même socialiste, a accueilli la proposition d'un ton glacial alors qu'elle émane de six députés socialistes qui comptent en Wallonie. Mais l'homme cumule cette présidence du Gouvernement wallon avec celle du PS qui est certes un parti limité à la Wallonie et à Bruxelles mais qui - parce que tous les partis ne s'adressent plus qu'à une partie du pays (francophone ou néerlandophone), joue encore un important rôle sur le plan fédéral.
En fait, ce qui fâche Di Rupo, homme politique demeuré quand même très belge, c'est que, partisan plutôt d'une union plus étroite avec Bruxelles contre la Flandre, il estime que ce texte est un peu “du repli sur soi wallon”. L'opinion francophone belge qui se fait plus à Bruxelles qu'en Wallonie - hélas! - a tendance à considérer que, comme le disait un humoriste, cette expression (“repli sur soi”) vise toute affirmation d'identité émise à 20 kilomètres de la capitale.
Il me semble tout de même que le texte intelligent de ce projet, bien conçu et bien pensé, notamment par un juriste prestigieux comme Jean-Maurice Dehousse, jette au contraire des ponts importants vers Bruxelles, mais réaffirme l'identité et la spécificité de la Wallonie. S'il faut s'allier avec quelqu'un, l'alliance ne suppose quand même pas que l'on renonce à ce que l'on est.
José Fontaine
Un projet de Constitution wallonne
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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