Éric Desrosiers - Les négociations de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne avancent à grands pas et pourraient bien avoir débouché sur une entente de principe d'ici Noël. Restera ensuite à régler quelques détails, et peut-être aussi «quelques crisettes politiques» autour de certains des enjeux les plus délicats, dit le représentant du Québec, Pierre Marc Johnson.
Lancées en mai 2009, les négociations en vue d'un Accord économique et commercial global Canada-Europe (AECG en français, CETA en anglais) en seront, du 17 au 21 octobre, à Ottawa, à leur 9e séance formelle. «Elle pourrait bien être la dernière», a annoncé hier l'ancien premier ministre du Québec lors d'une table ronde organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. «Je suis assez optimiste quant au fait que l'on puisse arriver à une entente de principe très rapidement, possiblement d'ici Noël, sinon dans les semaines, ou les deux à trois mois qui suivront.»
Il restera probablement ensuite «quelques fils à attacher», a-t-il poursuivi, ainsi que «peut-être quelques crisettes politiques» à régler, comme c'est souvent le cas lorsque les gouvernements s'apprêtent à conclure un nouveau traité commercial. «Dans toutes les grandes négociations, il vient toujours un moment plus politique où certains des enjeux les plus délicats font l'objet d'un dernier troc qui survient souvent littéralement dans les dernières minutes», a-t-il expliqué au Devoir après sa conférence. La volonté de conclure une «entente ambitieuse» reste toujours aussi forte de chaque côté de la table de négociation, a affirmé Pierre Marc Johnson. «Je ne peux pas parler pour les gouvernements européens, mais je sais qu'elle l'est aussi à Québec et à Ottawa.»
Inquiétudes
Les négociations ne visent pas qu'à réduire les quelques barrières tarifaires se dressant encore sur le chemin des exportations de biens entre l'Europe et le Canada. Le Canada espère, entre autres, réaliser des gains importants dans la réduction des obstacles non tarifaires au commerce des biens, comme les normes techniques et règles sanitaires. L'Europe voudrait gagner en échange un meilleur accès en matière de services et de contrats publics. Il est également question de protection des investissements, de mobilité de la main-d'oeuvre ou encore de droits intellectuels.
On rapportait cet été que les pays européens tardaient à donner leur aval au mode de libéralisation des services privilégié par le Canada et inspiré de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Des voix se sont élevées au Canada pour s'inquiéter de l'impact que pourrait avoir l'éventuelle entente sur la protection de la diversité culturelle canadienne. Partant de l'exemple du Plan Nord du gouvernement Charest, un rapport de l'Institut de recherche en économique contemporaine (IREC), un centre de recherche québécois de gauche, disait aussi récemment craindre que les gouvernements perdent leur capacité d'exiger des investisseurs étrangers des retombées économiques locales. Il dénonçait également l'emprunt à l'ALENA de son mécanisme de règlement des différends permettant à un investisseur privé de poursuivre les gouvernements dès qu'il s'estime injustement lésé par une nouvelle réglementation, même si elle visait à protéger l'environnement, par exemple.
Pas le choix
Le représentant du Québec à la table de négociation s'est lancé dans un vibrant plaidoyer pour le libre-échange devant un auditoire de gens d'affaires, de consultants en commerce et d'observateurs largement acquis à sa cause. «Quand tu as 8 millions de consommateurs au Québec et 30 millions de consommateurs au Canada, tu n'as pas le choix: ton espace économique ne peut pas se limiter à tes frontières intérieures. C'est vrai pour les biens, c'est vrai pour les services, et c'est vrai aussi pour l'investissement.»
«On ne développera pas un territoire grand comme le nôtre à même nos capitaux nationaux, a poursuivi Pierre Marc Johnson. Qu'il y ait la nécessité de contrôler tout cela adéquatement, que le Québec y trouve son compte, cela va de soi. Mais quand je vois revenir ce débat politique récurrent où l'on s'imagine que le développement des ressources naturelles du Québec va se faire par l'État, je dis: on rêve?! Sur quelle planète vit-on?»
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