À quelques semaines du troisième anniversaire de son élection, le premier ministre Jean Charest ouvrira mardi une nouvelle session de l'Assemblée nationale. Le discours inaugural qu'il prononcera à cette occasion servira de feuille de route à son gouvernement d'ici le prochain scrutin. Le chemin demeurera malgré tout parsemé d'obstacles et la conduite sera difficile.
Proroger une session pour en ouvrir une autre aussitôt est une façon pour un premier ministre de marquer symboliquement une rupture. Une étape a été franchie, nous dira dans ce discours M. Charest, qui fera d'abord le bilan de ses trois premières années au pouvoir pour ensuite définir les priorités des 18 prochains mois.
Pour ce qui est du bilan, le premier ministre soutiendra avoir réalisé le programme en six points qu'il avait arrêté dans le discours inaugural du 4 juin 2003. Pour l'essentiel, il aura raison. C'est le cas en santé, où la situation a suffisamment changé pour qu'on parle de progrès. La révision des structures de l'État, des processus gouvernementaux et des modes d'intervention en économie -- ce qu'on a appelé la «réingénierie» -- est pour sa part enclenchée. En ce qui a trait à l'allégement du fardeau fiscal, M. Charest devra par contre avouer son échec. La cible de 27 % de réduction des impôts qu'il visait est loin d'être atteinte.
Le grand ménage que le premier ministre voulait faire aura en grande partie été la source de l'impopularité persistante de son gouvernement. Toutefois, cette impopularité a aussi pour cause l'esprit de confrontation qui a caractérisé ses rapports avec plusieurs segments de la population. Cet esprit semble faire partie des gènes libéraux, comme l'a montré encore une fois l'annonce de la privatisation d'une partie du parc du Mont-Orford.
Dans ce nouveau message inaugural, le premier ministre insistera sur la volonté de son gouvernement, maintenant qu'il a complété les tâches domestiques qu'il s'était assignées, de s'atteler à la réalisation de projets susceptibles de changer la perception qu'entretiennent les Québécois à son endroit.
En tête de la feuille de route de M. Charest, on trouvera les négociations avec Ottawa sur la question du déséquilibre fiscal, dont le règlement apporterait suffisamment d'oxygène aux finances québécoises pour commencer à réduire à la fois le fardeau fiscal et la dette. Le discours sur le budget fixé au 23 mars pourrait amorcer un mouvement en ce sens, mais il ne pourra pas décréter des réductions significatives avant qu'une entente ne soit conclue. Le climat positif qui prévaut entre Ottawa et Québec depuis l'élection de Stephen Harper pourrait lui permettre d'y arriver avant les prochaines élections.
Mardi, le premier ministre nous parlera aussi de santé avec insistance puisque l'action de son ministre Philippe Couillard est une des rares à être vraiment appréciées des Québécois. Il abordera ensuite ses projets en matière de développement durable, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de politique énergétique et de financement de l'enseignement universitaire. Ces sujets ont tous pour caractéristique commune, il faut le souligner, de polariser l'opinion publique.
Au cours des prochains mois, les débats sur le rôle du secteur privé en santé et sur les questions environnementales seront particulièrement chauds. En fait, l'ère des affrontements est loin d'être terminée. Il ne suffira pas d'un discours inaugural pour changer le cours des choses. Il faudrait surtout que ce gouvernement arrête de nourrir lui-même la controverse en s'engageant sans cesse sur des terrains où les Québécois ne veulent pas le suivre. Après les écoles privées juives, le CHUM, le projet de déménagement du casino et le mont Orford, il devrait avoir compris que la conduite des affaires publiques serait plus facile s'il recherchait davantage le consensus que la confrontation. Cela reste à voir.
bdescoteaux@ledevoir.ca
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