Ainsi donc, Bombardier pourrait déménager certaines de ses activités à l’extérieur du Québec, le privant ainsi de centaines d’emplois. Telle a été la réponse de la multinationale à l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) qui accuse une vingtaine de ses employés d’avoir « posé des gestes d’ingénieurs » sans en être réellement. Cette menace disproportionnée de la multinationale ne vise évidemment pas l’ordre professionnel, mais plutôt le gouvernement. Tout porte à croire qu’il s’agit d’une opération publique de lobbying. Analyse.
Selon la version des faits de ce fleuron du Québec inc., le secteur de l’aéronautique est de compétence fédérale et, ce faisant, il n’aurait pas les mêmes obligations de se conformer aux exigences de l’OIQ. De plus, toujours selon eux, la vingtaine de techniciens visés par l’ordre professionnel seraient des ingénieurs en regard des critères de Transport Canada.
Qui dit vrai, qui dit faux ? Au fond, cela n’a pas d’importance. Il se peut même que tous les deux aient raison, mais qu’ils n’appuient tout simplement pas leur raisonnement sur les mêmes critères pour établir qui est en droit (ou non) de « poser des gestes » que seuls des ingénieurs posent habituellement.
Donc, si ces critères existent vraiment chez Transport Canada et qu’ils ont préséance sur ceux de l’OIQ, pourquoi ne pas les avoir tout simplement relevés pour les mettre en opposition à ceux de l’OIQ ? Pourquoi ne pas avoir choisi de collaborer avec l’OIQ pour régler ce différend en soulignant l’importance de réunir les deux ordres de gouvernement autour de la table afin de se mettre d’accord sur des critères communs pour éliminer toute forme d’interprétation ? Et si les employés sont réellement des ingénieurs, pourquoi ne pas simplement dire d’où ils viennent et où ils ont obtenu leurs diplômes, tout en préservant leur identité ?
Cette seule information répétée en boucle dans toutes leurs communications aurait sans doute calmé le jeu et aurait permis à Bombardier d’enlever du poids aux arguments de l’OIQ. Étrangement, Bombardier a plutôt endossé une stratégie de communication guerrière qui pourrait nuire à sa réputation.
Pour l’instant, le manque de précision de Bombardier dans sa « défense » et le silence de Transport Canada dans cette affaire donnent le premier point à l’ordre professionnel dans la bataille de l’opinion publique. 1-0 pour l’OIQ.
Oeil pour oeil, dent pour dent. Telle semble être l’approche privilégiée par la multinationale dans cette affaire. Froissés d’avoir été égratignés dans les médias, les dirigeants de Bombardier ont répondu par la menace. Le public visé est évidemment le gouvernement provincial. Bombardier n’a visiblement aucune intention de transiger avec l’OIQ ; l’entreprise souhaite plutôt que le gouvernement intervienne dans l’affaire.
Mesdames, messieurs, vous êtes ici témoins d’une opération publique de lobbying où un acteur important de l’économie québécoise met de la pression sur le gouvernement en brandissant la menace ultime de déménager ses activités. Bien qu’éducative, cette opération est toutefois socialement discutable.
Responsabilité sociale
À ma connaissance, l’État québécois, donc le peuple québécois, a grandement contribué au développement de Bombardier grâce, entre autres, à ses subventions, ses crédits d’impôt et quelques plans d’aide directe à la multinationale. Par exemple, en avril 2013, Bombardier a obtenu du gouvernement québécois un financement d’un milliard de dollars, par l’intermédiaire d’Investissement Québec, pour l’aider dans la vente de ses avions de la CSeries.
Compte tenu de l’argent public investi dans cette entreprise plusieurs fois milliardaire, comment justifier les menaces de l’entreprise de déménager certaines de ses activités ? Non seulement cette stratégie est discutable d’un point de vue des relations publiques, mais d’un point de vue de la responsabilité sociale, les menaces adressées au gouvernement et aux Québécois sont tout simplement inacceptables.
Il est à souhaiter que Bombardier saisisse l’occasion de se rétracter dans ses menaces et qu’elle fasse montre de plus de sensibilité à l’égard de l’aide que les Québécois ont bien voulu lui accorder par l’entremise de son gouvernement. Le fondateur, M. Bombardier, savait saisir toutes les occasions afin de faire connaître son produit. Il avait un sens commun très développé. Que penserait-il aujourd’hui de cette opération publique de lobbying ?
MENACES DE BOMBARDIER
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